… et donc j'étais bien dans mon mois d'août, loin de la civilisation, quand soudain en allumant la radio (c'était déjà un signe) je suis tombé au milieu d'une de ces émissions qui sentent la trousse neuve et le vieux stylo qui fuit, le cahier à spirales et la sonnerie de fin de récré.
Le concept était original : l'animateur de l'émission avait invité des critiques littéraires et leur demandait ce qu'ils pensaient de la Rentrée littéraire - le nombre de titres parus, le nombre de premiers romans, et quelle est la tonalité de cette rentrée, et est-ce vrai alors que la production étrangère cette année serait meilleure que la production française, et qui part favori pour les prix, d'après vous ? et qui sera la surprise de la rentrée, hein, vos pronostics ? N'en jetez plus, je crois qu'ils n'en ont pas loupé une seule, ce n'était même plus un marronnier c'était une forêt entière, il y avait même à la fin quelques titres proposés en espérant que les chroniqueurs s'enverraient des châtaignes, non, vraiment, c'était déjà l'automne.
Si on écoutait l'émission à demi-mot, il ressortait surtout qu'ils n'avaient pas lu tant de livres que ça, ces braves critiques, ils ne cherchaient pas à le cacher d'ailleurs - c'est vrai qu'on n'a pas encore tout lu, mais moi j'y suis presque, ha ha - mais ça ne les empêchait pas d'en parler, c'était le principal.
… Et on pouvait en conclure, une nouvelle fois, qu'on était sans doute plus heureux dans la peau d'un chroniqueur-à-ses-heures plutôt que dans celle d'un critique professionnel.
[ci-gît, victime de ma flemme, un développement passionnant sur la condition de critique à plein temps, où l'on se demande notamment comment on peut continuer à exercer un métier qu'on a souvent choisi par passion de la lecture tout en conservant le vrai plaisir de lire - on y reviendra un autre jour]
Depuis ma position de franc-tireur, j'ai dû en ouvrir une petite trentaine, jusqu'ici, de ces livres-de-la-rentrée. Et parmi eux, comme toujours, un bon paquet avec lesquels la rencontre ne s'est pas faite (oh le joli poncif) (mais quand on doit couvrir, même très partiellement, une rentrée, le crédit-pages est plutôt serré), d'autres dont je me suis enfui en courant (salut à toi, premier roman qui tourne en rond autour de son nombril), quelques livres qu'on attendait et qu'on déguste, de légères déceptions et quelques belles, voire très belles découvertes.
... Et de tout ça nous ne tirerons absolument aucune leçon générale - la Rentrée 2013 n'est pas comme ci ou comme ça, la vérité c'est qu'une rentrée c'est plein de livres et qu'il y en a qu'on a envie de faire partager, et voilà.
Ainsi donc, des fois que je manque à mes devoirs et si vous n'êtes pas déjà sortis dans la cour, notez que j'aimerais bien vous parler tantôt de Paolo Giordano (Le corps humain), de Colum McCann (Transatlantic), de Maria Pourchet (Rome en un jour), de Jérémie Gindre (On a eu du mal)... Et parmi ceux qui sont déjà sortis, de la confirmation du talent tout en douceur d'Arnaud Dudek (Les fuyants), du plaisir de se faire happer par surprise par Le bonheur pauvre rengaine de Sylvain Pattieu, ou encore de l'envie de partir écrire ailleurs qui vous prend à la lecture des épatants Evaporés de Thomas B. Reverdy.
Mais en attendant, je reviens de la librairie, Sorj Chalandon et Goliarda Sapienza sont sur ma table de nuit et j'ai très envie de les lire, mais là tout de suite, chut ! je viens d'entamer le Sulak de Jaenada, et s'il le faut je sécherai le cours de français pour le finir.
A bientôt.