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  • Mon business model

    julien ga,gnet, business model, dilettante, clignancourtRoman populaire ! Demandez du roman populaire !

    Les comédies n’ont jamais de César. Les romans populaires n’auront jamais de prix littéraires, et c’est dommage. Mais ils s’en foutent bien, et c’est tant mieux.

    « Mon business model » commence comme mille romans : Jospeh ne sait trop quoi faire, mais il faut bien trouver du boulot... Il finit par dégotter un emploi dans une obscure « agence de presse de faits d’hiver » - qui fournit sites web et chaînes d’infos en histoires croustillantes et feuilletons divers. Joseph flaire le filon, et double ses patrons : il va monter la sienne, d’agence, avec panache et sans scrupules.
    Son réseau à lui : des faux marabouts, des distributeurs de flyers, des fumeurs de crack et une maîtresse SM.
    Le roman se passe quasi intégralement entre Barbès et la Porte de Clignancourt (ces quartiers populaires que l'édition n’arpente que si rarement). Les rendez-vous professionnels se donnent derrière des hôpitaux, dans des épiceries indiennes ou au McDo. On y croise une mafia tamoule, des flics, des toilettes canines. Et puis vient l’emballement, inévitable : lassé de guetter l'événement, Joseph en vient à le créer - et le roman bascule.
    Mais je m'en voudrais de spoiler - alors qu'au fond c'est bien ce qu'on veut, dans un bon roman populaire : se poiler un peu, tout en se baladant avec l'auteur, pour découvrir des coins (et des vies) dont jamais les jurés du Goncourt ni leurs amants écrivains ne nous parleront.
    Bref : du pur Dilettante, et ça fait du bien.

    Julien Gangnet, Mon business model, Le Dilettante, 2021

  • Salomé Kiner - Grande couronne

    Salomé Kiner, Grande couronne, BourgoisQuelque part autour de Paris et de l’an 2000, une ado se livre à quelques branlettes d’hommes pas toujours propres le mercredi après-midi pour se payer les fringues de marque qui la font rêver pendant que sa mère pleure à la maison son mari démissionnaire…

    J’avoue, j’ai eu peur. Du récit d’adolescence à la première (grande) personne. Du premier-roman-souvenir. J’ai lu les trente premières pages en me demandant à quoi pouvait bien servir un roman de situer un roman d’ado dans les années 90, avant les smartphones et les réseaux sociaux qui ont (mais je m’abuse peut-être) tout changé aux années collège.

    Salomé Kiner m’a donné la réponse dans les 200 pages suivantes : avec ou sans smartphone, l’adolescence est éternelle. Parce que les idéaux sont les mêmes, le désespoir et les besoins aussi. Parce qu’on peut branler un type un peu sale à 15h et jouer avec son petit frère le soir, être en guerre avec sa mère et l’aimer tout autant, se prendre des claques et se relever, rêver et apprendre. Grandir, en somme.

    Et c’est là que Salomé Kiner est grande, avec ou sans couronne.

    Salomé Kiner, Grande couronne, éd. Christian Bourgois, 2021

  • Lecture facile (roman complexe)

    lecture facile, cristina morales, margot nguyen béraudSi je vous dis : « C’est l’histoire de quatre femmes d’une même famille échappées d’un institut pour déficients mentaux et qui se retrouvent en colloc précaire à Barcelone », je sens que je titillerai votre curiosité qu’avec modération.

    J’aurai peut-être un peu plus de chance si j’ajoute que l’une d’elles est nymphomane (petit·es polisson·nes) et qu’une autre se pique (avec un sacré piquant) de radicalité féministe, et qu’un groupuscule anar (grandioses comptes-rendus d’AG) se met en tête de leur trouver un logement à okuper (sic)

    Après le Fille, femme, autre de B. Evaristo, je crois bien que c’est là mon 2e roman woke, en prise complète sur le cœur de l’époque - et ce n’est pas un hasard si ce sont deux romans étrangers.
    Qui, en France, saurait écrire un roman politique vraiment contemporain, aussi radical sur le fond que maîtrisé sur la forme ? (la réponse "Virginie Despentes", trop pavlovienne, n’est pas acceptée)

    Si vous avez un nom en tête, je prends.

    Cristina Morales, Lecture facile, Denoël, 2021

     

    (PS - Un grand coup de chapeau aussi à la traductrice, Margot NGuyen Béraud, qui s'est collée à la traduction complète d'un fanzine anar reproduit en milieu de livre. Parce que le roman, si solide et si sérieux qu’il soit, doit être aussi fait pour s’amuser, non mais !)

     

  • Blizzard (oui, j'ai dit)

    blizzard, marie vingtras, l'olivier, eh ouiLes derniers pas ont été les pires. Ma tête me lançait, j’ai enlevé mon bonnet et je l’ai tout de suite regretté. La sueur de mon front est devenue gelée au contact du vent. Lorsque j’ai voulu le remettre, mes doigts n’obéissaient plus. J’ai cru que je ne parviendrais jamais à atteindre la maison. Cole prétend qu’elle est hantée pour faire peur au petit mais je sais qu’il n’en est rien.
    (Marie Vingtras, Blizzard, éd. de l’Olivier, p. 71)

    Parmi les romans qui m’inspirent le moins a priori, je crois bien qu’en tête de liste je mettrais le ‘nature writing’ et les secrets de famille.

    Et voilà qu’arrive entre mes mains ce (premier) roman dans lequel quatre adultes partent à la recherche d’un gamin disparu dans un coin reculé de l’Alaska, au cœur d’une tempête de blizzard. Au milieu de tout ce blanc un fil rouge : qui est vraiment ce gamin ? Et qui sont vraiment ces adultes ?

    J’aurais pu fuir, comme ce jeune garçon invisible. Finalement, j’ai englouti ces 180 pages. Comme quoi, avec des chapitres courts et des phrases simples, on peut faire des miracles.

    (Allez savoir, c'est peut-être ça, la vraie "littérature blanche")