Heureusement qu’on m’avait prévenu. Parce que si j’étais tombé de façon inopinée sur ce "à suivre..." en bas de la page 501, j’aurais peut-être refermé le livre avec un soupçon d’énervement. Alors que là je soupçonne juste Bello (ou Gallimard) de jouer sciemment avec mes nerfs, et jouer, j’adore ça. Donc je serai patient. En attendant, Les Falsificateurs ont tenu leurs promesses.
Il y a longtemps qu’hormis Houellebecq je n’avais pas lu de livre français aussi ambitieux – je parle de l’ambition du livre, bien sûr, pas de celle de l’auteur (on confond si vite...)
Quelques mauvaises langues diront que le livre ne fait pas avancer la littérature, qu’il est trop proche du scénario, trop efficace pour être honnête.
Je les plains.
Car Les Falsificateurs sont bien plus qu’une histoire rondement menée, et même si quelques ficelles sont parfois visibles la technique scénaristique n’est finalement là que pour nous accompagner sur 500 pages, pour mieux servir un propos assez malin sur la société de l’information mondialisée. Et aussi pour faire tenir ensemble une cinquantaine de petites histoires - à lire notamment, l’invention de la chienne Laika par le Consortium de Falsification du Réel et son adoption par Khrouchtchev, ou la théorie sur l’ADN de l’entreprise et l’indice de compatibilité génétique en cas de fusions-acquisitions...
La force de Bello, c’est aussi de nous proposer non pas une vision du monde mais un point de vue. Sur la mondialisation, par exemple, il ne tombe ni dans l’épate à la James Bond, ni dans la condamnation bien-pensante critique convenue, il nous propose le panorama d’un monde tel qu’il est. Ensuite, c’est à nous de voir.
A suivre, donc. Au fond je suis content que ce ne soit pas fini, ces 500 pages sont déjà un beau morceau, et j’aurais été frustré d’une fin bâclée. Et je prends les paris : le prochain tome devrait fare la part belle à Google et aux entrepises de numérisation des archives... Et on saura, enfin, quelle est la raison d’être de ce fameux Consortium de Falsification. Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien et faisons semblant d’etre patients.
(Salaud!)
(NB – pour les impatients, ou les fauchés : j’ai repéré deux exemplaires d’Eloge de la pièce manquante, de Bello, chez Gibert, à Strasbourg-Saint-Denis, à l’extérieur et pour 2 euros. Moins ambitieux que Les Falsificateurs mais plus désinvolte et plus drôle, je vous le conseille... A ce prix-là, c’est satisfait ou remboursé !)
Ah, au fait, ça n'a rien à voir, hein, mais j’ai fini de lire Florian Zeller. La fascination du pire. Je vous raconte bientôt.