On m'avait prévenu que ce livre n'était pas désopilant, c'est à peu près tout ce que j'en savais. Ah, si : on m'avait dit aussi qu'il était court (111 pages, excellent calibre), et qu'il était bon. Ça suffisait, finalement. Et il avait fait son chemin jusqu'à la table de mon libraire, où les places sont chères.
L'avantage des romans courts, c'est qu'ils ne tardent pas à aller au fond des choses. Ici, dès la première ligne.
- Impossible de sortir on dirait, dit-il. Puis il ajoute : Mais on sortira.
(Ivan Repila, Le Puits, p.1)
Ce sont deux enfants ('le Grand' et 'le Petit') coincés au fond d'un puits. Ensemble ils s'organisent pour la survie quoiqu'il semble improbable qu'ils en sortent vivants – en tout cas pas tous les deux. Ils ont froid, ils ont faim.
Dans un coin, un sac de provisions mais le Grand défend d'y toucher – c'est pour maman, dit-il. Mais on ne sait pas vraiment où est maman, ni qui elle est, si qui sont ces gens qui parfois se penchent en silence sur le puits. C'est la grande force de ce roman, d'ailleurs. On n'y explique rien, quelques indices tout au plus, et la plupart des mystères resteront entiers, à moins que le lecteur ne trouve lui-même la clé. Je pense en avoir trouvé une mais là c'est moi qui ne vous dirai rien, vous m'en voudriez. Une clé en forme de métaphore, métaforte mais qui n'explique pas tout – et tant mieux, au fond, ce serait plus décevant qu'autre chose.
Ainsi donc, au fond de leur puits, les deux enfants luttent contre la folie, le Grand tente d'en préserver le Petit à qui il promet la sortie tout en mangeant systématiquement la plus grande part de la maigre nourriture qu'ils parviennent à trouver. Et parfois, il le prépare à la vie dehors.
- Quand on sera là-haut, on fera une fête.
- Une fête ?
- Oui.
- Avec des ballons, des lumières et des gâteaux ?
- Non. Avec des pierres, des torches et des potences.
Le Puits a la force d'un grand conte – du genre qu'on n'oublie pas, dont on ne perçoit pas immédiatement le sens caché mais auquel on sait qu'on repensera, un jour, sans préavis. Quand je pense que l'auteur est plus jeune que moi, je suis un peu jaloux, j'avoue. Quand je lis que c'est son premier roman publié, je suis admiratif. Et quoi qu'il en soit, je suis surtout content de l'avoir lu. Alors oui, je vous préviens : ce n'est pas désopilant, mais c'est profond, et c'est bon, très bon.
Sur ce, je pense que j'en ai bien fini avec cette Rentrée – étrangement je crois que je n'aurai jamais autant lu de livres de septembre. J'ai une bonne envie de classiques, on en parlera peut-être, ou peut-être pas. La Toile veut parler de moi, paraît-il, il est grand temps que je mette les voiles.
Commentaires
Bon, bon bon... comment ne pas être curieuse après ça hein! J'aime chercher des clés!
C'est quand même autre chose que d'enfoncer des portes ouvertes!
(je le prêterai bientôt à une grande auteure et traductrice de ta connaissance - à suivre...)