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  • Normal People (roman 2 / série 1)

    Normal People, Rooney, L'OlivierÇa avait été un des bonbons du premier confinement, quand on pressentait seulement que la vie normale n’allait pas reprendre de sitôt : la série Normal People, variation assez fine sur l’amour, l’amitié et « l’autre moitié » impossible.

    Avant d’être une série, Normal People était un roman, de Sally Rooney, qui vient de sortir à L’Olivier. Je l’ai ouvert par curiosité, et je me suis retrouvé à le terminer en une nuit, comme on binge une série - mais les effets secondaires de mal aux yeux + malaise général + culpabilité. Roman 1 / Ecran 0 !

    L’histoire en bref : dans le Connacht irlandais, Marianne et Connell entament une liaison secrète. Elle est riche et asociale, lui est le fils de la femme de ménage - et la vedette de l’équipe de foot du lycée. Ils se perdent, se retrouvent à la fac, se reperdent… Bref : du classique. Mais pas seulement.

    L’adaptation de la BBC était plus que fidèle au roman. Si vous l’avez déjà vue, ce sera comme la revoir avec un choix d’angles différents - et tout ce qu’une caméra ne pourra jamais vraiment capter : le sentiment de dégoût de soi, le complexe de classe, la sensation sur les doigts d’une brique de lait qu’on sort du frigo, ou d’une main qui s’aventure dans votre caleçon quand vous ne bandez pas vraiment. Car il est beaucoup question de sexe dans Normal People, sans la moindre recherche d’érotisme. Sally Rooney l’intègre à son histoire avec un naturel qui enverra se rhabiller à peu près toutes les autrices (et les auteurs) de new romance.

    Et si vous n’avez pas vu la série ? Ce sera encore mieux. En tournant les pages, j’avais en tête la Marianne et le Connell de la série - parfaitement incarnés, tout en retenue, à la fois ‘normaux’ et singulièrement beaux. Mais pour vous, ils seront comme vous les imaginez, et ce sera encore mieux. Roman 2 / Ecran 0.

    J’ajoute un dernier point, technique : rarement j’avais lu une science aussi consommée de l’ellipse et du flashback - à peine 300 pages pour nourrir 12 épisodes de 50', chapeau ! Née en 1991, Sally Rooney maîtrise avec une parfaite fluidité les modes Rewind et Fast-forward - franchement, je crois qu’on pourrait étudier ce roman dans les écoles d’écriture. Et le mode Play est pas mal aussi, vous verrez.

    Bref : bon week-end, en attendant le retour à la vie normale, si elle existe. Et bonnes lectures.

    Sally Rooney, Normal People - Ed. de l'Olivier (trad : Stéphane Roques)

  • Pierre Jaune et roman noir

    le guilcher, la pierre jaune, goutte d'orEt boum. Il y avait bien longtemps qu’un roman ne m’avait autant donné envie de me remettre à la fiction, tiens.
     
    Un flic pas très gauchiste infiltre une communauté d’activistes sur une presqu’île bretonne. Alors qu’il progresse lentement et commence vaguement à s’intégrer, une catastrophe nucléaire à La Hague entraîne l’évacuation de tout le nord de la France. Les chevelus décident de ne pas bouger, le flic reste avec eux. La suite ? Entre conflits et survie, des bribes du monde extérieur parviennent encore quelque temps du pays qui tente d’organiser le chaos (échos parfaits avec cette année 2020) , puis c’est le blackout, et les convictions droitières du narrateur qui commencent sérieusement à s’étioler…
     
    Mais je ne vais pas raconter le roman, seulement rappeler qu’il est bon de lire une fiction enrichie en rebondissements sans pour autant être saturée de clichés. Que la structure d’un roman noir permet décidément toutes les variations de couleur. Et que si les puristes regretteront peut-être l’absence de ‘travail sur la langue’, d’autres pourront en remercier l’auteur pour cette fluidité impeccable qui n’est vraiment pas donnée à tout le monde.
    (je ne citerai pas les deux romans que j’ai ouverts (presque) au hasard avant cette Pierre Jaune, disons juste que certains livres en disent moins sur le monde que sur l’absence de travail de leurs éditeurs)
    Bref : bravo à l'auteur, et à son éditeur, et vive la fiction clairvoyante !
     
    Geoffrey Le Guilcher, La Pierre Jaune, éd. de la Goutte d'Or