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billet non sponsorisé (non mais). mais dédicacé. s

  • Wii, je le veux

    Quand j'étais petit, je n'étais pas grand. Noël faisait déjà beaucoup de bruit (je crois), mais les gadgets électroniques étaient encore dans les labos de R&D.
    Un jour, chez l'ami-qui-me-battait-au-Subbuteo (il n'y en avait qu'un), dans le salon est apparu un drôle d'objet tout noir, avec des trucs fabuleux - des joysticks, on m'a dit (sûrement le 2e mot anglais que j'ai retenu après shit). Sur la console Atari, on a joué au ping pong pendant longtemps, jusqu'à ce qu'arrive le jardin et avec lui la table, et qu'on se rende compte que quand même c'était mieux en vrai.

    Entre-temps étaient arrivées sur les bureaux des parents d'étranges machines appelées ordinateurs - et bientôt chez certains de mes amis des trucs hyper-modernes : des TO7, avec des signes cabalistiques du genre C:// que je n'ai jamais compris. Il y avait des jeux géniaux, comme Arkanoid ou les Winter Olympic Games (le saut à ski était dément). Mes copains jouaient encore avec le joystick, moi j'étais devenu un virtuose du clavier en jouant avec les flèches, la barre d'espace et parfois même d'autres touches. Je vous raconte pas, c'était une époque de fous.

    joystick.jpgC'est à peu près à cette époque que j'ai eu une Vision - le genre de truc où soudain on domine le monde et où on sait qu'on a raison : je me suis dit que quand on aurait 60 ans, on aurait des jeux de dingues où il suffirait de faire les gestes devant l'écran pour faire bouger nos avatars, et qu'on pourrait jouer comme au vrai tennis dans le salon, et ce serait vraiment génial, parce qu'en vrai c'était quand même galère pour réserver des courts quand il faisait beau.
    Autant dire que j'étais assez impatient d'avoir 60 ans.

    Toutes les années qui ont suivi, j'ai vu que le Monde se démenait pour arriver à ma Vision. J'ai découvert les jeux d'arcades, avec plein de trucs où on perdait très vite, mais quand même super parce que dans le volant on pouvait ressentir les chocs du stock-car quand on coinçait un copain contre le mur du circuit. Ensuite je suis allé aux Etats-Unis - j'étais déjà un peu impressionné, mais je l'étais encore plus quand j'ai vu dans le salon une console de jeu.
    Et puis, allez savoir pourquoi, je me suis lassé très vite - avant même la fin du voyage. Je devais grandir, sûrement. Ou alors, c'est parce que je ne gagnais pas.

    Du coup, j'ai regardé les progrès suivants d'un œil un peu distant. Quand à L'Ecole on a tous eu des ordis j'ai vu fleurir des jeux où le graphisme commençait à être impressionnant - mais je préférais toujours jouer à des jeux simples avec les flèches et Enter pour aller plus vite, marquer plus de buts ou exploser mes voisins au Tetris à deux (j'ai été Champion du monde de 1994 à 1996).
    Et puis la vie est un jeu, je me disais, pas besoin d'ordi pour y jouer. C'était même mieux sans.
    Alors au moment où on me demandait de passer pro en étant payé pour jouer à Powerpoint, j'ai choisi une partie multijoueurs où on ne conserve pas les highscores, et où il n'est pas nécessaire de passer des niveaux pour changer de décor (j'ai terrassé le monstre du level beginner en appuyant sur Echap, et hop).

    ... Et la Wii est arrivée.
    Un peu trop tard pour m'exciter comme un gamin. Beaucoup trop tôt, aussi, vu que je n'ai pas encore soixante ans.
    Pour marquer mon désaccord avec ce mauvais timing et parce que je n'avais pas de copains qui, je n'y ai jamais joué. On dira que j'attendais qu'elle fasse encore des progrès pour que ma Vision devienne vraiment réalité.

    Mais quand la Grande Gameuse m'a proposé (que dis-je! quand elle m'a défié), évidemment, j'ai dit Wii avec des petits sauts d'excitation.
    Et donc j'ai joué au tennis entre un canapé et une table basse, comme dans mon rêve de gamin.
    Bien sûr il ne s'agit pas de Roger et Rafael, la console peut encore progresser sur le lob lifté et le revers chopé. Bien sûr, dans dix on regardera les premiers jeux Wii en rigolant comme on regarde aujourd'hui les Atari. Bien sûr, le Monde a le temps de progresser jusqu'à mes soixante ans.
    Reste que l'essentiel est là : comme dans mon rêve de gamin, j'ai gagné.
    C'était bon.