Il y a sûrement mille façons d’écrire un livre de voyages, aussi. Mais à en lire je note que certains archétypes se dégagent.
Chez les Etonnants Voyageurs de Saint-Malo, le mois dernier, j’avais acheté le livre d’Aude Seigne, Chroniques de l’Occident nomade – le titre prometteur s’enorgueillissait du "Prix Nicolas Bouvier", j’ai eu l’intuition que ce livre pourrait me redonner des envies de voyager, ou d’écrire, ou les deux.
Raté.
J’ai commencé à me méfier sérieusement quand le deuxième chapitre a commencé par "J’ai besoin de dire le travail de la mémoire, le bruit du vase qui se vide" - je crois que je suis définitivement perdu pour la Littérature avec un L majuscule sur lequel l’éditeur a forcé le gras.
A chaque page, on entend l’auteur crier Moi ! Moi ! Moi ! Regardez ! J’écris ! Elle promène son lecteur un peu partout dans le monde mais son nombril cache le paysage.
Dommage.
Enervé mais opiniâtre, j’ai ouvert Touriste, de Julien Blanc-Gras. Trois ou quatre pages d’introduction, un peu comme on attend dans le hall d’un aéroport, puis le livre a décollé, et moi avec. Au Brésil, à Tahiti, en Angleterre, à Madagascar, au Guatemala ou dans un hôtel-club à Djerba, j’ai suivi l’auteur, regardé là où il me montrait des choses que je n’aurais pas vues sans lui, j’ai souri, tremblé, ricané, j’ai pris quelques notes. Voyagé, en somme.
Julien Blanc-Gras ne crie pas. Parfois le petit clin d’œil qui fait le malin (je crois qu’il est malin), mais surtout la voix tranquille du type qui, une caïpirinha à la main, vous dit Tenez, si vous voulez, j’ai une histoire à vous raconter, se glisse entre les lignes et tourne le regard vers l’extérieur plutôt que vers l’intérieur.
A la fin j’en sais sans doute autant sur lui que sur Aude Seigne, la découverte et le plaisir en plus. Merci.
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Il y a encore une autre voie, celle de l’expérience. Créer la situation, sortir de chez soi mais aussisortir de soi. Se mettre en danger, dira le cliché. Certains s’en sont fait une profession. On vient de me donner le livre de Sylvain Tesson – Dans les forêts de Sibérie –, je m’en vais découvrir ça.
La 4e de couverture se termine ainsi : "Tant qu’il y a aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu".
Mais nous ferons comme en voyage, nous partirons sans a priori.
Commentaires
Je lis rarement ce genre-là, le livre de voyages… Mais cette définition-là "j’ai suivi l’auteur, regardé là où il me montrait des choses que je n’aurais pas vues sans lui, j’ai souri, tremblé, ricané, j’ai pris quelques notes. Voyagé, en somme." me comble tout à fait…
mon meilleur livre de voyage est celui des deux fous parcourant Afrique et Europe pour distribuer de l'argent, You shall know our velocity. Eggers. On ne devrait pas voyager pour d'autres raisons.
Depuis quelque temps, les nombrils prennent en effet beaucoup de place dans la littérature.
Dans la catégorie livres de voyage (enfin, je crois), j'ai découvert récemment Cees Nooteboom, qui m'a enchantée