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De la jalousie comme moteur littéraire

images?q=tbn:ANd9GcQo8ov-EZsC5PI6_maR3i4JpepYRz9X_-HNy_go5TDogFIFEVUGJe n’ai jamais parlé ici d’Erwan Larher, je crois, ou alors juste en passant. C’est idiot.

J’aurais pu le faire en 2010, quand il a publié son premier roman – Qu’avez-vous fait de moi. A l’époque je ne le connaissais pas mais nous étions déjà copains de blogs (le sien est ici). Foot, livres, politique, petits concerts et grandes décisions : il y avait de quoi nous rapprocher.

Qu’avez-vous fait de moi m’avait fait un certain effet. D’abord par sa similitude avec Hors jeu (du personnage jusqu’au nombre de pages), puis par simple plaisir de lecture. J’avais été impressionné, aussi, par la façon dont il parvenait à imbriquer le réel et le fantasmé. J’en avais fait la chronique dans Standard, une de mes premières, du coup je n’en avais rien dit ici.
Idiot, je vous dis.
Puis j’ai rencontré Erwan, et c’est devenu un ami, entre un dîner et un salon du livre, lui dans le Berry et moi à Paris, moi en Hollande et lui en Mélenchon.

La vérité, je dois l’avouer, c’est que je suis un peu jaloux d’Erwan Larher. De son énergie, de sa foi dans l’écriture, des ponts qu’il a coupés et de la liberté qu’il a conquise, pour ne plus faire qu’écrire, ou presque, de résidence en résidence, sans domicile fixe.

C’est en résidence qu’il a écrit son deuxième livre, Autogenèse. Là encore, je n’en ai pas parlé ici, mais c’est que je l’avais lu en ami autant qu'en lecteur, donc doublement sévère. Bref. Le succès lui a posé un lapin mais Erwan s’est accroché, avec ce mélange d’orgueil et de modestie qu’on retrouve, je pense, chez tous les bons écrivains : l’orgueil pour s’accrocher malgré les circonstances défavorables (un éditeur absent lors de la sortie du livre, par exemple) ; et la modestie qui pousse à retravailler encore et encore, à demander des avis à des amis sur des textes en cours – et même à en tenir compte.

J’ai lu L’abandon du mâle en milieu hostile voici quelques mois, sur feuilles A4. C’était un texte de jeunesse qu’Erwan avait exhumé, et qu’il avait réécrit jusqu’à ce qu’il ne reste plus de l’original que la moelle, la flamme, le cœur.
L’histoire est celle de la rencontre, sous Giscard, entre un jeune lycéen fils à papa et la nouvelle de l’école – une simili-punkette, cheveux en bataille, vêtements rapiécés et clope au bec, idées de gauche en bandoulière. Ensuite l’amour, les découvertes, l’air du temps, les changements chez l’un, chez l’autre, et au milieu du livre, une surprise qu’évidemment je ne dévoilerai pas, mais qui m’a fait sursauter dans mon lit.

Au-delà des personnages et de leurs énigmes, le livre évoque le tournant des années 80 dans une ville de province (Dijon), mais surtout des années lycées, intemporelles, et des émois étudiants, entre légèreté et engagements. Il y a là une vraie tendresse punk – et après tout, c’est un peu comme les balades rock, c’est ce qu’on fait de mieux dans le genre.

Mais vous aurez compris que pour plein de raisons je suis mal placé pour vous en faire l’article (vous n’aurez qu’à aller voir , ou ). Je me limiterai donc à deux éléments factuels :

1. En ouvrant le livre dans sa version imprimée, j’ai que le début n’avait plus rien à voir avec la version précédente.
Je te haïssais. Avec tes cheveux verts, sales, tu représentais tout ce que j’exécrais alors : le désordre, le mauvais goût, l’improductive et vaine révolte juvénile (…)
(Oui, Erwan aime bien inverser le noms et les adjectifs. Nous avons quelques autres désaccords du même type, mais après tout chacun sa personnalité - ça lui va bien, et à son livre aussi, finalement.)
J’ai relu l’ensemble, impressionné par la capacité d’Erwan à réécrire son texte – à le couper, certes, mais aussi surtout à ajouter des passages entiers sans alourdir l’ensemble, au contraire. Ce n’est certes pas une raison pour aimer un livre (seule compte la version finale) mais c’est une raison de plus d’être jaloux, et pas qu’un peu.

2. Certains de ces extraits ont été lus l’autre soir, dans une librairie. Nous étions une cinquantaine, entre chips et vin blanc. Pas exactement en milieu hostile, donc – mais j’en ai connu, des lectures trop longues ou presque gênantes, et l’attention polie qui se transforme peu à peu en bruit de fond – le bruit du flop quand les mots tombent à plat. Rien de tout ça cette fois-ci. Les lecteurs étaient talentueux, les oreilles attentives. Certains s’étaient assis par terre comme des enfants face à un conteur. Et dans la librairie, les gens ont ri.
C’est si rare, finalement.
Et c’est bon.

Vous voilà prévenus.

Commentaires

  • "moi en Hollande et lui en Mélenchon"

    c'est une allusion sexuelle ou bien? -------------------->

  • Eh bien pour moi ce n'est de loin pas la première fois que je t'entends parler de ce cher Erwan et pourtant je n'ai encore jamais rien lu de sa plume. Alors comme j'ai tout lu de toi et que tu es jaloux de lui, je vais m'empresser de lire son dernier roman dont tu parles si bien !

  • Bonjour Bertrand, oui, Erwan L. sait fichtrement remuer les lecteurs et leurs tripes, et il ne faut pas en dire trop de ce roman. sauf qu'il faut le lire.
    RV sur France Musique le 19 février (pour les trucs parisiens, je ne m'y colle pas)(j'habite le Berry)
    A bientôt au salon de Chateauroux???? (début mai cette année)

  • Vous êtes un homme précieux... et dangeureux (pour le Père Noël). Non seulement je lis votre blog avec plaisir, mais en plus, j'achète (presque tous) les bouquins que vous recommandez.

    Le Père Noël avait déjà l'habitude de livrer au pied de mon sapin de la lecture pour tous. Il y a toujours un livre à offrir, au plus jeune (2 ans) comme au plus âgé (65 ans, les autres candidats à la vieillesse ont eu le mauvais goût de ne pas atteindre cet âge). Il a eu encore plus de boulot, en décembre, pour trouver vos livres d'abord, puis ceux que vous avez aimé. Je ne vous rejoins pas toujours (les goûts et les couleurs...) mais je rencontre parfois mon bonheur ici. Alors mon libraire pense que c'est encore Noël, chez moi, et le bibiothécaire que je suis un peu pénible à vouloir lire des ouvrages qu'il n'a pas.

    Je me dis aussi que j'aime beaucoup mon coiffeur _ je l'ai connu enfant, c'est rare _ mais qu'il ne sera jamais aussi intéressant que le vôtre. Question de quartier sans doute, ma coupe de cheveux est le seul vrai (et modeste) luxe que je pratique. Mais c'est moins pittoresque (quoique, le brushing à cinq minutes du bon Marché, moi, ça me dépayse franchement de la Betteravie).

  • > Notaire : étonnamment... non.

    > Emeraude : tu me diras ! (je note avec plaisir que tu t'es remise à lire (et à écrire^))

    > Keisha : France Musique ou Radio Classique ?
    (et pour Châteauroux, il se pourrait bien, oui. si j'obtiens une dérogation pour y être bien que n'ayant pas fait mes devoirs depuis janvier 2012...)

    > Hecube : eh bien... merci. j'espère ne pas décevoir trop souvent
    ... et rassurez votre portefeuille : le prochain livre dont je parlerai ici, vous n'irez certainement pas l'acheter ^ (et pourtant, j'en dirai du bien)
    (et à propos de dépaysement, tout ce qui se trouve à moins de 5' du Bon Marché est pour moi hautement pittoresque!)

  • France Musique, 8 h 15 (voir blog dudit auteur)

  • J'ai bien passé la brosse à reluire et j'ai gagné un conseil littéraire ! Que je suivrai.
    Ne vous inquiétez pas, je pratique aussi bien la botto-cul-thérapie que la brosse.
    Mon portefeuille se console plus vite que le libraire (en Betteravie, il faut souvent commander si on veut lire autre chose que Twilight) ou mon bibliothécaire (qui n'a pas la ressource, comme le libraire, de satisfaire mes demandes). D'après ce que mes parents m'ont appris, les finances familiales supportent très bien qu'on soit frugal pour tout, sauf pour les livres.
    Les environs du Bon Marché ont un parfum exotique d'autre monde, de pain Poilâne (chacun ses madeleines), d'obligations professionnelles et depuis peu, de rencontres amicales. Et c'est pittoresque comme un souk (c'en est un, d'ailleurs). Et il faut que j'aille chez le coiffeur, où je lis, comme à peu près partout (sauf sous la douche, je n'ai pas trouvé comment faire).

  • > Keisha : merci ! (et salut au Berry)

    > Hécube : belle sagesse familiale !
    (un autre conseil littéraire serait de remplacer la douche par un bain, mais j'imagine qu'en Betteravie comme ailleurs, le bain est peu compatible avec les obligations professionnelles^)

  • Offert à ma mère à la veille d'un départ en vacances (elle est capable de lire beaucoup même en Chine). Moue intriguée, pas convaincue par le titre. Le livre a eu gain de cause parce que ma mère me fait un peu confiance, et beaucoup parce qu'elle est boulimique... et qu'elle se ravitaille dans ma bibliothèque. Verdict au matin : il est génial, je te le prêterai ! C'est tout dire. Et c'est dit.

  • Voilà qui fait plaisir !
    Je transmettrai à l'auteur - bonne lecture, alors, et mes respects à votre mère ; )

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