Il y a plein de bonnes choses, dans le dernier Ozon – en très gros, l’histoire d’un prof de français manipulé par l’un de ses élèves, qui transforme ses rédactions en un feuilleton malsain.
Tout le film se joue dans la tension entre fiction et réalité, et la relation trouble entre le prof (voyeur) et l’élève (dévoyé) sous prétexte de leçons de littérature.
On y trouve notamment un résumé brillant, à la fois précis et concret, des grands principes de dramaturgie appliqués au roman : le personnage, le conflit, les attentes du lecteur… J’ai pris des notes pour "mes" collégiens – assurément, Ozon serait meilleur pédagogue que moi.
On y trouve aussi, lors d’une entrevue déterminante entre le professeur et l’élève, cette phrase magistrale – à imaginer avec la diction de Luchini :
"Si ce n’est pas vraisemblable, ça ne vaut rien, même si c’est vrai".
C’est drôle, à ce moment-là du film, j’étais en train de repenser aux précédents films d’Ozon – et comment ils m’avaient à peu près tous déçu.
La toute première fois, c’était avec Sitcom. Je voulais le voir depuis longtemps. J’avais fini par le voir un soir de vidéoclub, allongé par terre avec C. et son sixième sens. Vers le milieu du film, elle avait dit, soudain : "Si Machin couche avec Machine, on arrête". Ça semblait totalement absurde, mais cinq minutes plus tard, si je me souviens bien, Machin couchait avec Machine. On avait arrêté le film.
Quelques années plus tard, avec K, nous sommes allés voir Swimming Pool. Pas de doute, Ozon sait filmer Ludivine Sagnier, le mystère était séduisant, lui aussi, mais peu à peu l’histoire s’étiolait. Après une heure, frappé d’une intuition, je me suis penché vers K. : "Si Charlotte Rampling se tape le jardinier, on s’en va ?". Elle m'a répondu "T’es con", et je la comprends parce que c’était tout à fait hors de propos. Mais cinq minutes plus tard, Charlotte Rampling se tapait le vieux jardinier moustachu. Nous étions restés dans la salle, finalement, mais je n’avais pas revu de film d’Ozon.
Jusqu’à hier, donc, où bravant le froid je suis allé Dans la maison.
Comme toujours, la mise en place est impeccable, le mystère tient une bonne demi-heure, on est dedans… puis les personnages commencent à déraper, ils sortent de leur logique pour obéir à celle de l’auteur. Alors peu à peu le spectateur sort de l’écran, il regarde les acteurs et non plus les personnages, et derrière la toile Ozon qui tire les ficelles.
Jusqu’à LA phrase - Si ce n’est pas vraisemblable, ça ne vaut rien, même si c’est vrai, juste après que le garçon de 15 ans ait embrassé Emmanuelle Seigner dans sa cuisine.
Dans l’esprit d’Ozon, la phrase venait sans doute tempérer l’énormité de la scène précédente. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir une gigantesque autocritique pour l’ensemble de son œuvre. Je crois qu’on ne m’y reprendra plus.
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Bon allez, la prochaine fois, retour aux livres. On commencera par causer de L’abandon du mâle en milieu hostile, d’Erwan Larher – une histoire qui sait être vraisemblable ET surprendre son lecteur. Comme quoi.
Commentaires
>juste après que le garçon de 15 ans ait embrassé Emmanuelle Seigner dans sa cuisine.
Eût-il été plus pertinent de zigouiller Mathilde avec le dentier en or de JoeyStarr dans la bibliothèque, le local à pipe ; peu importe, où que ce soit dans la maison !
sans blague... je souhaite porter à ta connaissance qu'en 2009, dans le cadre d'une de mes activités socio-professionnelles, j'ai été plutôt agréablement surpris de découvrir la troublante Emmanuelle apporter son soutien à la cause de l'alphabétisation
Sans Toi, un court-métrage de Liria Bégéja en signature
j'ai aimé 5x2, 8 femmes et Potiche (la 1ere fois, au cinéma - la 2e fois, à la télévision j'ai trouvé ça con mais il faut dire que j'étais à côté de quelqu'un qui n'arrêtait pas dire que c'était nul)
je n'ai pas aimé Swimming pool et j'ai rien compris à la fin.
ce qui me frappe chez Ozon, ce ne sont pas tant les scénarios et la façon dont ils sont traités (sauf dans 5x2) c'est l'hommage qu'il sait rendre aux grands acteurs avec lesquels il filme (ce n'est pas juste de la très bonne direction d'acteur, cela va plus loin).
Gouttes d'eau sur pierres brûlantes !
> Niki : vive Emmanuelle Seigner, alors ! (cela dit, pour faire le lien avec Columbine, ES joue très bien, dans ce film, troublante sans trop en faire)
> Columbine : je souscris assez... avec cette limite : quand l'histoire bascule dans l'invraisemblance, les acteurs même sublimés peuvent faire ce qu'ils veulent, le spectateur n'y est plus.
(dans "Dans la maison", Kristin Scott Thomas est parfaite - mais quand le personnage de Luchini tombe dans le n'importe quoi, elle sombre avec lui ; comment l'actrice peut-elle jouer juste quand le personnage est faux?)
Engagement politique [modifier]
En 2012, Emmanuelle Seigner soutient la candidature de Nicolas Sarkozy à sa réélection au poste de président de la République. Elle est ainsi présente au meeting du candidat à Villepinte, en mars de la même année.
Distribution [modifier]
curieux d'appendre qui va doubler Yolande Moreau dans la version flamande du film ^^
SF : CdF !
Ha! Vu qqs critiques assassines - au vu de la bande-annonce, je les crois volontiers...
quand j'étais minuscules on m'disait : "laisse croire les curés, c'est leur métier !"
vu ni critiques ni bande-annonce, juste le film, désolé...
Un vrai Saint Thomas, quoi.
(je verrai le film si je retourne un jour au Café de F. ^)
Heureux ceux qui n'ont pas vu Paul Dirac et qui l'ont cru...
(la
H
O
E
G
A
A
R
D
E
N
est à 8.50 €, soit environ 4 fois plus coûteuse qu'au pays des bières)
(voilà pourquoi je me garde bien d'y mettre les pieds!)
Au Café de F. ou en Belgique ?
Sourire, ne serait-ce pas là l'occasion de nous toucher un mot ou deux sur l'origine de ton pseudo ?
(héhé)
Pour le pseudo l'explication est sur le blog précédent (prixdeflore2006), mais le lien ne marche pas pour l'instant... (je crains la disparition soudaine dans les grandes oubliettes de la Toile)