Elle n’était pas particulièrement jolie (je dis ça parce que certains s’imaginent, à chaque fois que je parle d’un visage croisé dans le métro, que j’ai flashé sur une jolie brunette). Elle n’était pas particulièrement jolie, donc, le corps un peu massif dans sa jupe en jean et ses bottes en cuir, mais dans la grisaille de cet hiver interminable, des collants multicolores et de longs cheveux frisés sur un visage antillais suffisaient à mettre un peu de soleil sur les quais de Jules Joffrin, au milieu des odeurs de tabac et de pisse.
Je n’ai d’abord vu que son dos. Elle était tournée vers le fond de la station, comme si elle guettait l’arrivée de la prochaine rame, pourtant une intuition me disait qu’elle regardait autre chose. J’ai regardé dans la même direction : tout ce que voyais, c’était le campement de fortune d’une demi-douzaine de SDF redescendus sous terre avec la dernière vague de froid. Un des gars s’est levé – c’était le moins abîmé de tous, la quarantaine maghrébine et la démarche droite. Nous nous sommes croisés, il m’a semblé le reconnaître.
Quelques secondes plus tard, je me suis retourné : il discutait avec la jeune femme.
Je suis resté planté sur le quai, luttant pour ne pas trop les regarder. On a annoncé le prochain train dans une minute, je ne sais pas qui a pris la main de l’autre mais maintenant ils discutaient, distants mais tendres, comme s’ils se connaissaient depuis longtemps. Le métro est arrivé, ils n’ont eu aucun geste sinon un rapide salut de la main : elle est montée dans le wagon, il est resté sur le quai.
Il me reste une demi-heure pour tenter de deviner le début de l’histoire.
Commentaires
Ce sont d'anciens amants que la vie a séparé. Elle a su maintenir un certain niveau de vie quand lui, a plongé dans la déchéance. Elle est saisie de le reconnaître ainsi, devenu l'immondice du monde. Mais elle se souvient, des appels qu'elle attendait quand leur histoire n'était qu'à ses prémices, et aussi de la douceur, la nuit, après l'amour. On n'avait jamais été aussi doux avec elle. Il avait une propension à l'autodestruction et à l'alcool. Elle n'a rien pu faire pour l'en éloigner et puis sa famille à elle a tranché. Il fallait le quitter. Elle le voit, il est devenu ce que prévoyait les bien pensants de son entourage et pourtant, oui, elle, elle se souvient de la douceur du milieu du nuit, après l'amour.
un ancien voisin d'immeuble qui a tout perdu...ou bien un ancien collègue de travail
Voilà bien des pistes que je n'aurais pas imaginées... Je penserais plutôt à une bénévole associative qui aurait rencontré l'homme lors d'une maraude. Ou une sainte.
(Fantine, vous êtes une rêveuse ! ^)
un collègue de mr merde !
Rêveuse... Vous avez raison.
C'est ma manière à moi de rendre le monde plus joli qu'il n'est.
Ils ne s'étaient jamais vus, ne se reverront plus mais ce sont caressés des yeux et de la voix, peut-être pour avoir moins froid, moins mal, pour vivre encore et malgré tout…
Ça me fait penser à Brève Rencontre!
Yola, une autre rêveuse !
(et cinéphile)
(mais je n'ai pas vu le film, j'avoue)
Y a du tome II dans l'air ;-)
;-) !
(non) (mais on en reparle bientôt)