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Quelques livres à lire la nuit

Il y a des livres légers qu'on ouvre les nuits d'insomnie et qui font passer le temps, d'autres si lourds qu'ils finissent par vous clouer les paupières à l'oeil. Et puis il y a, rares, les livres qui provoquent l'insomnie.

Quand j'étais étudiant, en internat, je gardais à côté de mon lit Généalogie de la morale. Aussi puissante soit la pensée de Nietzsche, je dépassais rarement deux pages de lecture avant de m'endormir. En revanche, j'avais lu en une nuit le Portrait de Dorian Gray et 1984, et je m'étais fait porter pâle au matin pour finir Crime et Châtiment à l'infirmerie.
J'ai aussi séché un devoir de maths pour lire XIII, mais ça ne compte pas vraiment

Il y en a eu peu, depuis, mais à chaque fois (hormis quelques passades...) des grands, des très grands – souvent des sombres, c'est vrai, mais c'est peut-être qu'il faut savoir se soustraire du monde pour plonger dans le noir le plus profond. Je fais le compte : Si c'est un homme de Lévi, Les nus et les morts de Mailer, Alexis Zorba de Kazantzaki. Le souvenir de ces livres s'efface peu à peu, pas celui de la nuit où ils ont été lus.

Il y avait quelques années que ça ne m'était pas arrivé, et puis là, en quelques mois, il y en a eu deux.
nuit, hilsenrath, attilaD'abord Nuit, d'Hilsenrath, et son huis-clos dans le ghetto de Prokov, au bord du Dniepr, en 1942. Page 5, le protagoniste cherche désespérément un endroit pour dormir et de quoi manger. Page 500, c'est toujours pareil. Entre les deux il y aura eu d'autres nuits, et quelques jours, des rencontres de fortune, un peu de grâce édentée et bien plus de trahisons, l'humanité nue jusqu'à l'os. J'imagine bien que dit comme ça, ça ne donne pas une envie folle. C'est l'écriture qui change tout, et sa capacité à susciter des images, et l'intelligence qui tient la plume.
Je me suis réveillé deux fois dans le confort sommaire d'une auberge de Montréal pour le finir, et quand je finissais par m'endormir je me réveillais non pas au Québec mais quelque part entre la Roumanie et l'Ukraine, encore dans le livre, et le petit déjeuner que servait l'auberge me paraissait comme une bénédiction. On peut oublier les grands livres, mais je sais qu'ils entrent en nous, physiquement, et qu'ils continuent à y vivre.

9782021105872.jpgEt puis, hier, j'ai passé la nuit dans une caserne en Afghanistan avec un bataillon italien. Je n'en dirai pas plus pour l'instant parce que le livre sort en septembre prochain, mais retenez que bientôt arrivera un livre intitulé Le corps humain, de Paolo Giordano. On en reparlera quand le soleil se couchera un peu plus tôt et que la température sera redescendue.

Sur ce, bonne(s) nuit(s).

Commentaires

  • Voilà le livre d'Hilsenrath que je ne suis pas prête de lire, et surtout pas avant de me coucher. Tandis que je m'apprêtais à lire "Orgasme à Moscou", une amie me parlait de "Nuit". A la description qu'elle m'en faisait je me jurais de ne jamais ouvrir ce livre. Il faut dire que je venais d'éprouver de la façon la plus douloureuse et la plus insupportable qui soit la lecture de "Conte de la dernière pensée" (et tu connais Bertrand ma proximité et donc ma prétendue endurance aux récits et images des pires horreurs que l'Humanité ait pu produire). J'ai longtemps cru qu'Hilsenrath n'avait écrit que des récits satiriques et caustiques. J'ai longtemps cru qu'il avait transformé son expérience des camps en une capacité extraordinaire de décrypter le société humaine avec distance et ironie. J'ai longtemps ri en lisant Hilsenrath. Jusqu'au "Conte de la dernière pensée"...

  • C'est parce qu'on m'avait parlé d'Orgasme à Moscou que j'avais embarqué celui-là dans ma valise... Rien de caustique ou d'ironique là-dedans, pas de distance apparente mais en fait si, il en faut pour tenir un lecteur sur 600 pages. Et oui, au final c'est un décryptage de la société humaine dans les pires conditions qui soient, on y vole on y trahit on y achève des mourants pour une bouchée de pain, et quand même reste toujours un fond d'humanité, très au fond. Le tout sans la moindre référence au contexte : pas un kapo, pas un SS, aucune nouvelle de l'éxtérieur. Mais tu as lu Primo Levi, tu as bien droit à une dispense d'Hilsenrath!

  • Alors maintenant tu as le droit de rire en lisant Oragsme à Moscou ou Le Retour au pays de Jossel Wassermann !

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