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Il faut imaginer Benzema heureux.

images?q=tbn:ANd9GcS4bP6KQh-aYTERHMS5AaR2Mazn14LZTpj4rNySoDul-F03to7-UgLes pioches étaient déjà prêtes, et l'exploit encore possible.
Hier à l'happy hour, en posant sur la table les enjeux du match, on s'était rendu compte qu'on assisterait quoi qu'il en soit à un événement historique, sans savoir encore si ce serait un enterrement ou une naissance.
Une élimination et c'était l'enterrement à coup sûr – celui des Evra, Abidal ou Ribéry qui s'en iraient rejoindre le cimetière des générations intermédiaires où reposent déjà, sans fleurs ni couronnes, Anelka, Gallas ou Ginola.
Une qualification, et ce serait l'acte de naissance d'une équipe – avec Ribéry et Evra en meneurs de troupe, quoi qu'on en veuille, avec Varane, Pogba et Sakho, avec Giroud et Benzema qui se sauteraient dans les bras, prêts à se retrousser les manches ensemble et pas seulement à porter le monde sur leurs épaules.
Il fallait imaginer Benzema heureux, et c'est peu de dire que ce n'était pas facile.

Vers 20 heures, Paris ignorait encore le match. Pas de maillots bleus dans le métro, pas de packs qu'on amène chez les copains, pas de regards qui se croisent entre supporters muets. Ce n'était pas un match à vivre ensemble – pour la plupart, ce serait chacun chez soi, prudemment, les réseaux sociaux à portée de clic au cas où.

Mais il y avait le stade. Je sais que parmi ceux qui y étaient, il y avait encore plus sceptique que moi. Mais tant qu'à y être autant chanter, y aller ensemble, y aller à fond, oublier les commentateurs et se rappeler ce qu'est le foot : onze types contre onze autres, et un public pour faire le douzième. C'est ce qu'ils ont dû se dire tous, chacun pour soi puis tous en même temps - mettons, vers 20h59.
Alors ce fut le premier miracle de la soirée, cette Marseillaise chantée à pleins poumons dans le stade, et cet écho déterminé sur la tête des joueurs, gorge déployée parce que ça donne de la force – un début de communion qui m'a fait parier, juste avant le coup d'envoi, pour la Naissance.
(j'ai des témoins qui peuvent le prouver ; mais oui, Arnaud je te dois quand même une vodka ukrainienne)

… Et on a crié, et ils ont poussé, puis Matuidi et Sakho ont dansé, et Benzema au micro, et les journalistes arrosés dans le couloir du stade. Ah oui, c'était bon de voir tout ça.

Quelques minutes après le match une amie étrangère m'a envoyé un message, bravo les Bleus, elle qui après le match aller m'avait demandé benoîtement si cette équipe représentait vraiment la France... Alors j'y ai repensé, un peu.
Depuis des décennies (depuis toujours?) se pose la question de la représentativité de l'équipe de France. Pour qui joue au foot, c'est une question idiote – le foot ce sont des duels, des appels de balle, du repli défensif, des choix tactiques, pas une question de couleur de peau ou de respect du drapeau. L'équipe de France est le miroir des espoirs et des angoisses du pays, on y plaque ce qu'on veut au gré du vent et des événements.
Mais quand même : quand on s'y arrête un peu, cette victoire en barrages s'inscrit à la perfection dans le roman national...
Voyons le match aller, et tout ce qu'il y a eu autour. La sortie bravache d'Evra sur les journalistes, c'était la cavalerie qui charge à Azincourt sans attendre les ordres. Les déclarations d'avant le match aller, c'était 1870, c'était 1914 et la fleur au fusil. Le match en lui-même ? Un mélange de chacun pour soi et d'attente d'homme providentiel (jeu arrêté, chacun attendant que l'autre bouge en premier, et au final toutes les passes pour Ribéry). Et les déclarations d'après-match, Valbuena ou Benzema rappelant que quand même sur le papier on était les plus forts... Ah, ce goût français pour l'abstraction – et au passage cet amour du papier ! Combien d'officiers français ont ainsi péri droit dans leurs bottes, en clamant fièrement la supériorité de la France tandis qu'à deux pas de là on signait la capitulation ?

... Et le match retour, donc. Au pied du mur, au milieu d'un scepticisme généralisé, cette Marseillaise qui soudain résonne, cette entame de match le pied au plancher, et soudain, au dernier moment, tout le monde ensemble pour tout renverser : c'était Valmy, c'était la bataille de la Marne, c'était Paris en août 44, c'était Jean-Marc Ayrault remettant à plat la fiscalité après deux ans de n'importe quoi (chercher l'intrus)...

Bref, ils s'appelaient Hugo, Mamadou, Patrice ou Karim, dans les tribunes ils s'appelaient Vincent, Nicolas, Charlotte ou Nadia, et c'est une belle histoire française. Elle continuera encore au moins jusqu'à l'été prochain. D'ici là on aura le temps d'espérer, de désespérer, de soupirer et de se sauter dans les bras - au fond, roman national ou pas, c'est ça qui compte.

Commentaires

  • Très bel article, belle référence à notre Premier Ministre, et un commentaire en plus : si les Bleus peuvent y arriver, peut-être qu'Hollande a encore une chance?...

  • Bien sûr qu'il a ses chances : le terrain est boueux, et ses adversaires sont tout aussi faibles physiquement, tactiquement et techniquement...

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