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Le Monde d'aujourd'hui

Je sais, je sais, il manque un dernier épisode à ce feuilleton sur le monde des blogs – j'en écrirai un bonus, pour la peine. Mais là, allez comprendre, une impulsion...

En cette semaine où se sont multipliés les micro-trottoirs d'électeurs, les expressions vidées de sens (salut à toi, "front républicain"), les mots d'ordre creux ("faire barrage au Front national") et quelques résistants auront été portés au pinacle (Olivier Py, ce héros) – bref, en attendant le Second tour, plutôt que de m'énerver contre la bêtise salonnarde et contre-productive des âmes pures qui avec courage se battent le slogan à la bouche contre la bête immonde et l'extrême droite, je leur conseillerais bien de lire deux livres.

le-bloc.jpgLe premier est paru en 2011 en Série Noire : Le Bloc, de Jérôme Leroy. Le pitch est simple : sur fond d'émeutes généralisées, le gouvernement en place a fini par se résoudre à faire entrer au gouvernement des ministres du Bloc... et les protagonistes de revoir en flashback toute l'histoire de l'ascension du parti. On reconnaît là Le Pen père et fille, Stirbois et sa voiture, Gollnisch et plein d'autres, la trahison de Mégret, les manifs musclées, les premières victoires, la présidentielle de 2002...
C'est surtout l'occasion pour l'auteur de donner la parole à deux cadres du parti – deux figures classiques de l'extrême-droite : le bourgeois patriote et provocateur d'un côté (compagnon de "la fille du Chef" qui a pris les rênes du parti), l'ancien skin de l'autre, p'tit gars du Nord minier devenu patron des "groupes de protection" du Bloc. Le FN en costume et le FN en rangers, en quelque sorte, réunis par une foi dans le Parti et un goût pour la violence. C'est étrange de les voir ainsi de l'intérieur, de s'identifier jusqu'à les trouver sympathiques – comme un défi à nos convictions, un appel à les réinterroger au-delà de la pensée unique et des phrases toutes faites. Au sens étymologique, on appelle ça de l'intelligence. Et à l'évidence, Jérôme Leroy n'en manque pas, qui réussit un roman sur le Front sans jamais tomber dans la dénonciation. Bravo.

images?q=tbn:ANd9GcSEJX2Tmk6bvYy9a0LGplNW4FaO7GUj38mINXBHxSkCRLoQImPvw3WDQKUMon second un classique : Le Monde d'hier, de Stefan Zweig. Pour l'intelligence, évidemment, pour la sagesse, pour le style, pour l'Histoire. Dans le contexte, j'ai très envie de retenir les pages égrenant la montée des extrêmes dans l'Autriche des années 30 : la pression de l'Allemagne, l'antisémitisme qui revient, les premiers amis qui se détournent pour ne pas se compromettre avec un Juif, les policiers qui résistent et ceux qui déjà préparent le terrain pour l'envahisseur... Ce que montre Zweig aussi, c'est que la plupart des grands événements qui ont jalonné la route vers l'Anschluss sont restés invisibles à la population de Vienne ou de Salzbourg. Les glissements sont progressifs, les changements de mentalité ne se mesurent qu'en revenant de l'étranger, et les vrais batailles qui restent parfaitement invisibles au contemporain.

J'étais à Vienne pendant ces jours historiques et je n'ai rien vu de ces événements décisifs qui s'y jouaient, et je n'en ai rien su, absolument rien.

L'immense force de Zweig, c'est de noter, plus que les soubresauts de l'Histoire, les mécanismes humains qui font accepter l'inacceptable et basculer des pays entiers. Ca s'est passé en Europe dans les années 30, mais aussi un peu partout dans le monde et à toutes les époques.
Aussi, à tous ceux, pénibles et godwiniens, qui ramènent invariablement la politique à Hitler et aux heures les plus sombres de notre histoire, je conseille ardemment de lire Zweig. On en reparle après.

Bonne lecture, et bon vote.

 

Commentaires

  • Si un pays entier bascule, il faut chercher la cause dans l'éducation.
    Sachant que l'Allemagne a emportée la moitié du monde, et que l'autre moitié s'est raliée à la collaboration ou à Hiroshima, l'éducation est donc mauvaise partout, quelle que soit la religion ou la forme de gouvernement. Que reste-t-il en commun sinon la maltraitance de l'enfance ?

  • Je fais référence à Alice Miller.

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