Difficile, une semaine après ça, de recommander un livre. Un grand classique, peut-être, qui engloberait toute la sagesse du monde. Un contemporain, peut-être – mais alors un livre qui parlerait de politique. Du politique, parce qu'on en a besoin. De politique, aussi, avec son mélange d'idéalisme et de réalisme.
Parce que sans idéalisme, on ne fait que se soumettre. Et sans réalisme, l'idéaliste a tôt fait de baisser les bras. Parce que la politique est un combat – pour imposer ses idées dans un agenda, pour forcer des décisions, pour oser questionner la réalité et changer les choses.
Un livre politique, donc ? A écouter la radio avant, on aurait cru qu'il n'y avait que Michel H. Evacuons : je suis fan de Houellebecq, son intuition d'un peuple soumis me semble assez bien vue, hélas, mais au vu des pages incroyablement faibles que j'ai pu lire, je crains qu'il n'ait surtout cherché à choquer les lecteurs de l'Obs. J'espère me tromper.
Quoi qu'il en soit, pour l'heure, j'ai moins envie de lire Soumission que de réfléchir à l'insoumission, avec Erwan Larher.
Le livre s'appelle Entre toutes les femmes.
L'histoire : à quelques siècles d'ici, un groupuscule s'applique à faire vivre le culte d'un certain Arsène Nimale, qui aurait pris le pouvoir en France aux environs de notre époque avec un programme plutôt fou : repenser tout pour rechercher l'intérêt commun sans se soucier des positions acquises des élites, avec l'empathie pour arme principale, et une fausse naïveté pour questionner nos idées toutes faites à force de "Pourquoi ?"
Oui, il y a de l'idéalisme, là-dedans. Tant mieux. Qu'on nous donne des gens qui se demandent si, pas des gens qui pensent que !
On pourrait lire le livre rien que pour ça. Mais il ne s'en contente pas, loin de là. Il parle aussi comme peu savent le faire de la politique, la vraie, avec toute la difficulté crasse du quotidien, les divisions internes du camp nimalien, et le clan des cyniques qui a toujours la force avec lui.
Entre toutes les femmes est l'histoire d'une tentative de révolte. Sans héroïsme hormis celui du quotidien, mais avec une héroïne : Cybèle, la Voix qui endort les masses avec de belles histoires et qui se trouve confrontée à la foi nimalienne. Cybèle qui comprend, qui s'informe, qui hésite. Et puis Cybèle qui agit, Cybèle qu'on manipule, Cybèle qui va plus loin, et d'autres qui entrent dans la danse... Mais je n'en dis pas plus, sinon que le fond est là, à la fois intelligent et galvanisant. Et qu'il est servi par une efficacité romanesque impeccable, qui en fait non pas un roman à thèse (pitié!) mais un roman avant tout qui délivre ses messages en passant, au choix pour le lecteur de prendre ou non, et d'entrer dans l'arène une fois le livre refermé.
On trouvera bien ici ou là quelques exagérations qu'on pardonne volontiers à l'auteur (rien qui ne soit du niveau de Bayrou 1er ministre, par exemple). On y trouvera aussi, en plein dans l'uchronie, de la foi, un brin de soumission, un zeste de Huysmans et du sexe, comme chez Michel. Mais entre les pipes un peu tristes des personnages de Houellebecq et la baise frénétique des militants de Larher, franchement, je n'hésite pas.
Commentaires
Je vois que nous avons eu les mêmes réactions face à l'omniprésence de Michel H dans les médias, puis, sonnés par les événements, attendu un peu avant de parler de Entre toutes les femmes. Chouette billet.
Le mien est paru le même jour et un courageux Anonyme m'a pourri deux minutes de vie en commentaire (ce n'est pas une critique, c'est du copinage, je ne sais rien de la qualité du texte)
Depuis que j'ai un blog, on ne me l'a pas encore faite, celle là.
Je confirme ce que je dis, Erwan Larher a du talent, ce n'est pas ma faute si je l'ai déjà vu en vrai. ^_^
Vu ! Je t'avais laissé un commentaire mais il s'est perdu dans le vaste cybermonde... Quant au courageux Anonyme, j'espère qu'il ne t'aura pourri que deux minutes, parce que ça lui a sans doute pris moins que ça pour écrire ses deux lignes... Les procès d'intention tombent le plus souvent à côté, oublions et pardonnons, soyons nimaliens^
^_^