Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Des lettres (beaucoup, beaucoup mieux que des mots)

Après janvier, je me souviens, j'avais développé une brève mais sévère allergie à tout cynisme. Après le 13 novembre, c'est une allergie aux mots qui m'a pris. Les mots qu'on répète en boucle à la radio une nuit d'attente, les grands mots dégainé dès le lendemain par les responsables politiques et qui semblaient les griser, et puis un peu partout, sur les réseaux sociaux ou dans la rue, des gens qui emploient des mots trop grands pour eux comme d'autres pètent plus haut que leur cul (salut à toi, « résistant » de novembre).

terzani, lettres, guerre, terrorisme, visionnaire, sagesseComme en janvier, j'ai pensé qu'il me faudrait des semaines avant de pouvoir rouvrir un livre sans que tout ne me paraisse futile... Et puis non. Il se trouve que le 13 novembre au matin est paru chez Intervalles un petit livre pas du tout dans l'actualité : un recueil de lettres publiées en 2002 par le journaliste-écrivain-voyageur Tiziano Terzani.
Ces Lettres contre la guerre, Terzani les a écrites au lendemain du 11 septembre. Terzani avait 60 ans à l'époque, il en avait vu d'autres, mais ça, non, jamais. Comme tout le monde, il s'est dit que plus rien ne serait comme avant. Comme beaucoup d'entre nous juste après Charlie, il s'est dit qu'il fallait faire quelque chose... et il l'a fait, pour de vrai. Il est sorti de sa retraite, il a fui les discours va-t-en-guerre et éteint sa télévision, et il est parti voir le monde de plus près : au Pakistan, en Afghanistan, en Inde.
Il écrit ses lettres de là-bas, avec une curiosité qui n'a d'égale que que sa lucidité.

"Le genre d'avenir qui nous attend dépend de comment nous réagirons à cette horrible provocation, de comment nous verrons notre histoire actuelle à l'échelle de celle de l'humanité. Tant que nous penserons avoir le monopole du "Bien", tant que nous parlerons de notre civilisation comme de la civilisation en ignorant les autres, nous ne serons pas sur la bonne voie."
(Tizio Terzani, Lettres contre la guerre, p. 70)

Une lucidité sur les mécanismes qui régissent le monde, à petite comme à grande échelle, et qui devient visionnaire quand il écrit, fin octobre 2001 :
Je voulais voir de près les conséquences de la guerre en Afghanistan (...) pour comprendre ce qui arrivera au reste du monde – notre monde à tous – quand cette guerre se déplacera vraisemblablement d'ici en Irak, en Somalie, au Soudan, peut-être en Syrie.

Sur place il comprend comme une évidence (et nous avec lui) que la première de ces conséquences ne peut être que le terrorisme, dans une « guerre » qui ne peut avoir de fin.
"Se peut-il qu'en Europe si peu de voix se soient élevées contre cette rigidité quasi-suicidaire de l'Amérique ?" continue-t-il. Ces même voix européennes qui, quinze ans plus tard, parlent "d'actes de guerre" et de "détruire" l'ennemi...

Il n'y a que de la sagesse dans les 160 pages de ces Lettres qui ne se paient jamais de mots. De la sagesse, des rencontres, de la vie, et un exemple à suivre. Celui de toujours se décentrer pour mieux penser, de chercher à comprendre le point de vue de l'autre avant de répondre.

Bien plus que d'une coalition contre le terrorisme, le monde a besoin d'une coalition contre la pauvreté, contre l'exploitation, contre l'intolérance.

… Et je pourrais continuer mais je m'arrête là, déjà trop de mots alors que je n'ai que deux phrases à ajouter.

Lis Terzani. Offre Terzani.
Merci.

 

Commentaires

  • Le 19 novembre le libraire ne l'avait pas, il a raté une vente! ^_^ Mais je venais d'acheter du même auteur Un devin m'a dit qui a l'air bien aussi.

  • Qu'elle fait du bien cette lecture, si seulement elle pouvait être généralisée à tous les décideurs et à tous en général. Je l'ai finie le soir même du 13 novembre, alors que je ne savais rien des attentats ayant coupé télés et radios, elle m'a sans doute permis d'appréhender de manière plus sereine -autant que cela puisse se faire- l'annonce des événements et de leurs suites...
    Depuis, j'ai acheté Un devin m'a dit, que je lis actuellement et mon épouse, Un autre tour de manège, tout cela du même Terzani. C'est beau, profond et instructif

  • > Keisha : j'ai voulu l'acheter pour l'offrir quelques jours plus tard, le libraire ne l'avait pas non plus, j'ai eu envie de crier que la présence de ce livre devrait être obligatoire sur les tables !
    (tu me diras si le devin t'a dit)

    > Yv : il y a longtemps que je n'avais eu envie de partager un lire avec autant de force... j'ai envie de croire que la sagesse est aussi contagieuse que la bêtise - simplement pas au même rythme (soupir)
    ... et bienvenue par ici!

  • (PS : ... la sagesse, qui aura toujours besoin de piqûres de rappel...)

Les commentaires sont fermés.