Préambule en forme d'aveu : Il y a sept ans (ne rajeunissons pas), c'est grâce à ce blog (salut à toi, Angéla "Happy few" Morelli) que j'ai découvert Doctor Who.
Le dialogue avait été à peu près celui-ci :
- Il faut que tu regardes Doctor Who, tu vas adorer
- Hum. La science-fiction, ça m'emmerde, en général.
- Oui, mais là, c'est anglais.
Elle avait raison.
Ce qui m'a frappé dès le premier épisode, c'était cette capacité phénoménale à manier conjointement le premier et le second degré : de l'ironie dans une scène, et dans la suivante, une tirade shakespearienne avant que le Docteur ne fasse triompher le Bien sur le Mal – et la même justesse dans les deux registres.
C'est ce plaisir là que j'ai retrouvé ici. « De bons présages », c'est le premier roman de Neil Gaiman, écrit à quatre mains avec Terry Pratchett : deux auteurs qui s'amusent dans la littérature "de genre", pas en roue libre mais clairement en mode facétieux pour s'attaquer au Bien et au Mal – rien de moins.
L'histoire en deux mots ? L'ange Aziraphale et le démon Rampa, qui s'affrontent sur Terre depuis des millénaires, sont mobilisés par leurs hiérarchies respectives pour préparer l'Apocalypse – parce que ça y est, enfin le Grand Soir est annoncé. Sauf que les deux Emissaires se plaisent plutôt bien, dans l'Angleterre où ils ont élu domicile : alors ils font un pacte pour tenter d'empêcher le pire.
Sur cette base solide, les deux auteurs peuvent s'amuser à revisiter leurs classiques : un échange de bébés (raté) pour commencer, un livre de prédiction facétieux, une sorcière bien-aimante, une bande de gamins qui joue dans le coin, le Bien et le Mal qui s'emmêle les pinceaux – pour terminer comme il se doit par une Grande Confrontation où l'on interroge le Plan Ineffable du Très Haut, avec pirouette parfaite (je me retiens de spoiler, là).
Et le tout drôle, enlevé, loufoque souvent, intelligent toujours.
« Le gouvernement, il étouffe tout, parce que c'est le gouvernement, répondit simplement Adam. Ils font comme ça, les gouvernements. Y a un grand immeuble à Londres, il est plein de livres avec toutes les choses qu'ils ont étouffées. Quand le Premier Ministre arrive pour travailler, le matin, la première chose qu'il faut, il lit une énorme liste de tout ce qui s'est passé pendant la nuit, et il met un gros tampon rouge dessus.
- Eh bien moi, je crois plutôt qu'il commence par prendre une tasse de thé et ensuite, il lit le journal », fit Wensleydale qui, en une occasion mémorable pendant ses vacances, avait visité à l'improviste le bureau de son père, où il avait conçu quelques certitudes. « Et il discute de ce qui s'est passé la veille à la télé.
- Ouais, bon, d'accord, mais après ça, eh ben, il prend son grand livre et le gros tampon.
- Où y a marqué 'à étouffer', ajouta Pepper »
(Neil Gaiman & Terry Pratchett, De bons présages, trad. Patrick Marcel - J'ai Lu)
Voilà.
Et ce n'est qu'un dialogue chopé presque au hasard.
Sur une bio en ligne, on peut lire : "Neil Gaiman est un écrivain fantastique". C'est exactement ça.
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PS - j'écris ça, et là, bim! je lis que Gaiman s'est lancé dans une adaptation du roman en mini-série pour la télé anglaise.
Keep calm and Enjoy.