Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Niquons, niquons (il en restera toujours quelque chose)

Hier soir, je rentre de ma librairie, l’humeur vagabonde, mes cadeaux de Noël dans un grand sac.
Tournant dans la rue L. je tombe sur deux lascars, genre trentaine abîmée, le QI bas et le verbe haut.
Le plus petit des deux exprime une vive contrariété, manifestement consécutive à une interaction malheureuse.

« L’enculé de sa race, j’lui nique sa mère »

Il raconte sa mésaventure et je ne comprends rien. Et plus il parle, plus il gesticule. A son ton violent on peut se dire qu’il ne vaudrait mieux pas l’avoir en face de soi, surtout si on est un enculé de sa race, mais heureusement, je marche dans la même direction, et je suis de bonne humeur. La violence ne m’atteint pas.

« J’te jure que si j’le r’trouve, ce bâtard de fils de pute… »

Une jeune femme change de trottoir en pressant le pas. Moi, j’aurais plutôt envie de jouer au coach – genre analyse d’opportunités, culture de l’efficacité. Je m’approcherais tranquillement, imposerait le silence par la seule force de mon calme. Et je lui demanderais de me préciser ce qu’il ferait vraiment s’il retrouvait l’autre fils de pute : lui casser la gueule ? lui retourner sa baraque, avec sa mère dedans ? lui fracasser sa voiture ? lui voler son carnet de chèques ?
Je cherche d’autres options mais déjà l’énervé livre sa réponse, méchant comme un rappeur en promo.

« …J’lui nique sa mère mais grave ! »

Alors je comprends : il ne fera rien. Rien du tout. L’autre enculé de sa race peut dormir tranquille, sa mère aussi.
J’en ai connu des quintaux, des grandes gueules comme ça sur les terrains de foot des petites divisions d’Ile-de-France.
Nique ta mère, c’est le vocabulaire de l’impuissance.
Etonnant que j’aie mis si longtemps à comprendre ça.

Ensuite je me suis dit que si je racontais cette histoire il faudrait une chute. Mais bon, le pauvre type vole déjà tellement bas… 

Commentaires

  • premier sourire de la journée et c'est à vous que je le dois. merci !

  • Mais elle date de quand en fait cette expression ? Elle finirait presque par faire vieux jeu. Les codes de langages vieillisent à une vitesse, pffff. Ma bonne dame...
    Merci pour ce petit bonheur matinal.

  • La première fois que j'ai entendu cette expression, je crois que c'était aux guignols. Quand on ne sort pas beaucoup dans certains endroits, la TV permet de découvrir le monde. Prise d'un doute, j'ai pris mon (déjà un peu dépassé) petit larousse. Et dedans, il est expliqué

    NIQUE n.f. (anc. français niquer, faire signe de la tête). Faire la nique à qqun : lui faire un signe de mépris ou de moquerie.

    Alors, je me suis dit, ça va, niquer sa mère, c'est pas bien grave. Bien moins grave que les "fuck" dans chaque phrase de nos cousins d'amérique. Mais j'ai un doute, là, serais-je trop naïve ?

  • J'adore tes chutes qui n'en sont pas.


    Je voulais rebondir sur ce que nous entendions, nous, au lycée. Je crois que "nique ta mère" n'était pas encore populaire fin des année 80, que disions nous donc ?

    Peut être que ta mémoire est meilleure que la mienne.

  • Je conseille à ceux qui possèdent une édition du Petit Robert datant de quatre ans ou moins de jeter un coup d'oeil à "Niquer". (C'est l'une des grandes satisfactions de ma vie, la certitude que mon fils sera fier de son père.)

    Ça m'a toujours fait un peu rigoler, cette transformation débile de "nique ta mère" (compréhensible, efficace) en "je lui nique sa mère" – le type un peu crétin qui s'envoie une vieille pour se venger (et qui, pendant la chose pénible, tout à coup fronce les sourcils et se dit : "Mais qu'est-ce que je fous là, moi ?").

  • au lycée, y en a, je leur aurai bien niqué leur mère quand même.

  • > 'Strof : pas de quoi ! :)

    > Benoît : popularisée dans les années 80, j'imagine... La dernière vague nationale de langage (verlan) et d'insultes. Ensuite on n'a plus touché qu'à l'ortograf...

    > Cassiopée : merci de cette précision étymologique ! J'irais bien rechercher une autre étymologie de l'autre côté de la Méditerranée, toutefois, là où l'insulte est une culture dont la mère est le centre...

    > Lib : terrible... 5 minutes que j'essaie, et aucun souvenir !!!
    Je lance donc un appel : trentenaires oubliez Casimir, souvenez-vous de nos insultes, et dites-nous !

    > Phj : je parierais bien des ciseaux dans un puits que "nique ta mère" n'est qu'une contraction de "je nique ta mère".
    Expression dont j'ai pu maintes fois vérifier l'efficacité sur des terrains de foot, où même des adultes pas si cons d'habitude peuvent péter les plombs à la seule évocation de leur génitrice.

    > Hum : hum... ;-)

  • Moi au lycée, je ne me souviens pas d'insultes particulières non plus. Quelques années plus tôt, quand les choses n'allaient pas comme elles devraient, on faisait un V avec deux doigts et on disait sur un ton soporifique "ah dur dur" (oui je sais, c'est hors sujet ...)

  • Nique ta mère existait déjà fin 80's d'où le nom du groupe...

    SF : même des adultes pas si cons d'habitude peuvent péter les plombs à la seule évocation de leur génitrice.

    Sûr que "fils de pute" est bien plus dur et sérieux et limpide que ntm, expression générique.

  • Ah non, 2ndF, à l'origine c'est "nique ta mère", je pense, et non pas le contraire, "je nique ta mère". C'est le motherfucker anglais, quoi. Par exemple, imagine, Edouard Balladur t'embête. Il faut être vraiment cinglé – ou malade, gravement pervers – pour lui dire "Je nique ta mère".

  • Brg m'a tué mon commentaire... Non, parce que moi au lycée, "nique ta mère" tenait déjà le haut du pavé. Bande de vieux... ;)

    En fait, j'imagine que l'expression originale était la version interrogative de "fils de pute" : "elle nique, ta mère ?" qui finalement, était encore un peu longue et (du fait de voix encore à peine muées et en raison du ton - qui monte sur le ?) d'une prononciation difficile. D'autant que le "nique ta mère" plus sobre et plus grave donnant une contenance que l'interrogation freudienne invitant à une réflexion sur le caractère sexuel de notre origine à tous risquait de laisser inaperçu.

  • > Tous :
    Bon, alors, demain c'est dictionnaire. Robert pour commencer ; et on doit bien trouver un dico d'argot un peu sérieux.
    A suivre...
    (au fait : c'était à l'oral bien sûr, mais j'aurais juré que quand il parlait mon pauv'type pensait "Nike ta mère")

  • "Ta mère suce des bites en enfer"
    C'était quand même autrement plus smart ;-)

  • Cette facilité à s'en prendre aux mères dès qu'on a un pet de travers ça m'échappe...
    M'enfin...
    La trentaine et ça parle comme ça... Les belles lettres se perdent...
    Un sourire de nuit... oiseau de nuit...

  • > Zel : il faut bien une base pour que s'élèvent tous les raffinements...

    > Cafeclope : Pas d'accord ! Les belles lettres se gagnent.
    La plupart des habitants de la rue L. n'en ont jamais eu - et probablement n'a-t-on pas su leur en donner l'envie...

  • Des dialogues qui n'ont nique ni tête...

  • Cher ami
    Tu aurais du t'en souvenir
    Mon huron préféré-que dis-je- ma phrase culte lorsque je te trimballe dans ma mustang.... TA MERE.... est bien évidemment Mother fucker... Merci Philippe... Car NTM préfèrent de loin te laisser "laver ton linge sale en famille"

  • Mes amis, j’ai enquêté !
    Et donc...

    1. L’etymologie du verbe « niquer » est double :
    - il y a bien la « nique » française, signe de mépris (cf Cassiopée), d’où vient sans doute l’expression « se faire niquer ».
    - ... mais surtout la « Niquah » arabe, qui désigne la consommation du mariage après la cérémonie religieuse.

    2. Dans un manuel de sciences de l’éducation, Stéphane Dervaux se passionne pour l’expression Nique ta mère, « caractérise exactement le croisement d’une culture du Sud et tout ce qu’elle emporte de rapport aux femmes et de rapport à la mère, avec une culture européenne chrétienne dont l’histoire s’ouvre avec fascination sur la transgression des tabous. »
    Et il ajoute : « Dans le langage courant arabe, le mot « nique ta mère ! » est ressenti comme la pire des insultes car blasphématoire et avilissante. »

    Voilà.

    Dans le même sens, on pourrait utiliser aussi le mot "Métamère"... mais le Robert m’apprend qu’il désigne "chacun des anneaux d’un ver".

    (PS – spécial Phj : Vu ! Quelle consécration... Puisses-tu durer aussi longtemps que le fameux « Ils se sont taillés et nous ont laissé dans la merde », de Sartre... ;-))

  • Ça me fait penser, pendant mon service militaire, ce conscrit qui interpellait vertement un de ses (pourtant) supérieurs en ces termes : « t'es un pédé, toi, j't'encule... ».
    Cela m'avait laissé assez circonspect.

  • Merci pour ces précisions 2nd floor. "comme une image" ton histoire me fait penser à deux choses
    1.la paille et la poutre, on voit tjrs mieux sur les autres que sur soit même
    2. récemment, j'ai revu un dessin humoristique où un gus disait à des CRS armés jusqu'aux dents avec un chien plutôt nerveux "alors les tarlouzes, on bronze?" et en commentaire : "méfions nous des neuroleptiques qui peuvent provoquer des bouffées suicidaires". Il lui est arrivée quoi alors au mec ?

  • Pique-Niquons, il ne restera que des miettes ! (niques : petites choses sans valeur, pique-nique : repas où chacun apporte plat)

  • > CUI : il avait dû trouver ça dégradant...

    ... Et je m'associe à Cassiopée : j'aimerais bien connaître la suite de l'histoire!

    > Esperluette : niquer signifie également "obtenir au premier jet ce qu'on avait annoncé". J'ai donc étymologiquement raison quand j'annonce "je t'ai niqué" à mes adversaires de backgammon! ;-)

  • hum... Je pourrais filer un genre de métaphore amoureuse sur ce dernier sens. Ou pas ;-)

  • C'est tout de même une conception un peu rétrograde de l'acte sexuel où celui qui est niqué /(pénétré ?) subit un outrage, au lieu de recevoir un hommage. Ou alors ça veut dire "violer" ? Ca me rappelle un bouquin d'Assiah Djebbar, (femmes d'Alger, je crois) où elle explique que la défloration est voulue la plus brutale possible. Je suppose que c'est cantonné à certains milieux, mais le principe m'a été confirmé par un algérien, ce qui expliquerait que niquer soit vraiment synonyme de brutaliser. (Ca me ferait bien plaisir de lire des démentis)

  • Je ne me souviens plus de la suite de l'histoire ; je ne crois pas que l'agité ait écoppé de quelques jours au trou, et de fait les mœurs du Maréchal des Logis (on peut dire aussi "MDL" — j'étais dans un régiment d'artillerie) sont restées pour la suite de mon bref séjour montbéliardais une énigme.
    Et je me suis mis de plus en plus à fantasmer sur ce garçon au demeurant charmant. Mais ça n'est pas allé plus loin.
    Je n'ai pas non plus fait de séjour au trou [emplacement pour un clin d'œil grivois].

  • > Esperluette : chiche ? ;-)

    > Pandore : j'en toucherai un mot à quelque arabophone... à suivre

    > CUI : "Maréchal des Logis" !! j'ai toujours adoré ce titre poétique
    (... et encore plus quand j'ai appris qu'il s'agissait d'un grade (très) inférieur)

  • http://cobra.le.cynique.free.fr/dictionnaire/

Les commentaires sont fermés.