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Drôle de titre pour une rencontre

Au début, il n’y avait que mon titre de transport, celui de mon livre, un reste de fatigue et un quai en bout de ligne.
La banquette, au fond, dans le sens de la marche. Le métro qui se remplit.
Puis cette fille belle et froide qui s’installe en face de moi.

Je me replie en souriant, elle allonge ses jambes sans un regard sur la droite, occupe l’espace. De son sac elle sort un livre de poche, j’ai à peine le temps d’en repérer l’auteur : Jean-Paul Dubois. C’est drôle, je pensais que c’était un auteur pour hommes, Dubois.
Je change de position, histoire de prendre à nouveau mes aises et de voir le titre de son livre – mais au même moment elle écarte légèrement son genou gauche. Si je veux retrouver l’espace perdu, je dois aller au contact. J’y vais.

Je frôle son genou en jean. Aucune réaction. Je n’arrive toujours pas à deviner qui elle peut être.
(Seuls indices: Dubois, veste, maquillage léger. Finesse de traits et conscience de soi. Et surtout : les bottes sous le jean. Conclusion : complément d’enquête indispensable.)

Deuxième frôlage de genou. Petit mouvement de son côté, un regard en douce, vite elle se replonge mais j’ai vu. Maintenant je m’amuse.
En fermant les yeux je la vois mieux, beaucoup plus belle que froide en vérité. Elle doit être cadre depuis peu, peut-être un projet difficile à gérer mais elle tient, j’aimerais qu’une amie l’appelle sur son portable mais il est trop tôt.
(Note dans le Cahier des désirs : suivre une inconnue au hasard, une heure, et laisser venir les idées)

Mon genou s’enhardit, le sien reste ferme, nous voici tous deux plongés dans nos livres mais exclusivement concentrés sur ce petit espace d’hostilité entre nous.

Deux stations plus loin nous ne sommes plus en conflit mais en équilibre. Précaire. Nos genoux se font mutuellement appui, si l'un de nous bouge la tectonique du wagon serait remise en cause, elle en est aussi consciente que moi, plus les stations passent plus le jeu devient piquant.
Je viens de tourner une page pour donner le change, elle m’a imité aussitôt mais un peu tard, on ne reste jamais longtemps sur une page de Dubois.

Arrivent les Halles, le jeu s’arrête, elle replie son livre, se lève, un « pardon » inaudible et là voilà debout.
Je me lève à mon tour, nos yeux se croisent, très vite, puis elle descend sur le quai. Je sais qu’elle ne se retournera pas, les jeunes filles bien habillées ne se retournent jamais. Elle pense à son travail, notre petit jeu est loin déjà.

Mais j’ai eu le temps de voir le titre de son roman.

Si ce livre pouvait me rapprocher de toi.

Je remonte dans la rame et me rendors.

Commentaires

  • C'est un bon Dubois, en l'occurence, tu peux y aller.... Quand à l'effet magique livre, à voir, faut que je relise "million dollar baby" dans ce cas...

  • très joli...
    (Jean-Paul Dubois, "Parfois je ris tout seul" ? Nan, nan, les femmes le lisent !)

  • Voila un site pour toi!

    http://www.paribulle.com/

  • Personnellement ce n'est pas une chose susceptible de m'arriver...

    J'ai eu un début de réponse cette semaine: on me trouve trop inaccessible. Je fais trop jeune fille de bonne famille, celle dont on n'imaginerait jamais les fantasmes... Pfff...

    Enfin...

  • mignon petit texte mais c'est dommage que tu n'assumes pas de dire que c'était en fait une crevette du marais et qu'il lisait lauren weisberger....

    ;)))

    yann (badin)

  • > Castor : ... ou "La domination du monde", tant que tu y es ! (ou "Table rase"... ;)

    > Presque : mon titre (pas le livre) préféré restant : "Tous les matins je me lève"...

    > Tofu : excellent ! (je comprends maintenant pourquoi Libé va mal.) je vais voir ça plus en détail, je suis sûr qu'il y a des débuts d'histoire...

    > Nevea : mais C'ETAIT une jeune fille de bonne famille !
    (et il n'y pas que les fantasmes dans la vie... non ? ;-)

    > Yann : fieffé prosélyte, va. ;)

  • Oui, enfin... Ce que je voulais dire, c'est que j'ai un peu tendance à passer inaperçu. Je fais partie des meubles en quelque sorte...
    Bon d'accord, je suis toute petite et fais plus jeune que mon âge... je n'y peux rien quand même !!! (sourire)
    Bon, j'arrête de me plaindre et retourne à mes textes avant de faire pleurer (ou fuir, au choix) tout ton lectorat! (sourire)

  • J'aime bien votre manière de rentrer dans les instants insignifiants et de les monter pour ne garder qu'eux. Comme tourner une page. Comment faire une histoire avec (presque) rien. Minimaliste. Oui, bien.

    J'empiète un peu pour rassurer Névéa : je suis resté.

  • faites gaffe pdf, limite vous frolez l'excitation...et moi ça me serait intolérable un blog comme le votre avec votre réputation qui vire vers un truc un peu Q...
    ;)

  • Merci Hellohlala! Me voilà rassurée! :-)

  • Voyons pdf, un peu de tenue que diable! Froler ses genous, et tout ça pour quoi? juste pour savoir quel livre elle lit et aller vite l'acheter, il suffisait de lui demander! Spèce de grand timide va!

  • > Nevea : ah, s'ils savaient... ;-))

    > Hellohlala : je nourris de grandes ambitions dans le minimalisme...
    (ne pas en croire un mot) (et merci!)

    > Petite brune sarcastique : vous savez le plaisir qu'il y a à frôler...

    > Cassiopée : aller l'acheter non, parce que je l'ai déjà lu... et pour le reste... ben oui.
    (c'est souvent plus drôle comme ça ;-)

  • A quand un livre de nouvelles ;-) ?

  • J'aime bien cette légèreté. J'aime bien les genoux qui se frôlent. J'aime bien Dubois. Tout ça ensemble ça rigole comme un air de jazz pas sérieux. C'eeest chouette !

  • On dirait que je l'ai déjà lu, pas le livre de Dubois, non, ton récit.
    g.

  • J'aime ces rencontres dans les transports, légères et exaltantes...

    Bon, des fois, ça ne se passe pas aussi sensuellement.

    Une fois - je crois que je m'en souviendrai toute ma vie - un barbu m'a embrassée, comme ça, d'un coup. Un choc (pas le fait qu'il soit barbu hein). Je n'ai pas dû être la seule victime.

  • Sublime petite rencontre, éclat de vie dans les sombres tunnels. Merci pour ce moment qui peut faire regretter de ne pas avoir le métro, des gens à suivre, à imaginer...

  • C'est beau comme la machine s'emballe puis se ratatine (je parle de la centrifugeuse à adrénaline, là, n'allez pas vous tromper).
    Ca crée, du coup, des instants volés, brefs et intenses, une distorsion du temps parfaitement irrationnelle.
    Et une distorsion volontaire très bien rendue, en l'occurrence.

  • > Pandore : il existe... mais elles sont faibles... trop longues, je dirais (le comble!) ;-)

    > Esperluette : du "jazz pas sérieux" ? je prends!
    (de là à faire un effet boeuf... ;-)

    > gaBree : euh... si tu retrouves où, je tu me diras ?

    > Jane : un de leurs charmes, c'est ce temps très court, la fin possible à chaque minute !
    (le coud du barbu... piquant !)

    > Arpenteur : des petits riens... (de rien !)
    l'Arpenteur n'arpenterait donc pas de rues encombrées ? ;)

    > Franswa : instants volés, c'est exactement ça.
    (merde, alors, voilà qui ferait un bon titre - mais je ne suis pas Delerm... ;-)

  • Ah je n'en crois rien de rien.

  • C’est marrant, y m’est arrivé la même chose mais le bouquin que lisait la nana c’était "Comment traiter son herpès"

  • > Pandore : et moi je ne regrette rien... mais certaines, vraiment, sont faiblardes (un jour on les ressortira, et un critique bienveillant écrira : "for fans only" ;-))

    > Max : un jour je raconterai cette fois où une bombasse en mini-jupe et hauts-talons a sorti son "Moto magazine" une fois installée dans la rame...
    (tiens! c'est fait)

  • Mignon, tout ça. Amusant, si elle lisait "Je pense à autre chose" de Dubois. :]

  • > Petronille : "tous les matins, je me lève"... et parfois un commentaire sympathique... bienvenue ;)

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