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Asthmes

da932d754737539d0c74c2be92a6ea6e.jpgIl y a les livres qui nous racontent une histoire et nous emmènent loin du quotidien. Et il y a ceux qui nous emmènent loin à l’intérieur, là où ça résonne.
C’est une question de voix, je crois.

"Chaque fois cependant elle y croyait un peu plus, s’imaginant que chaque homme rendait le suivant meilleur, mais finalement aucun homme ne lui en avait vraiment rappelé un autre, et il fallait toujours tout recommencer. Elle savait qu’un jour cela lui coûterait de n’avoir pas su attendre et espérer la transformation du feu en quelque chose de plus précieux, mais elle savait aussi que le feu se fait rare. Le mépriser, c’est toujours oublier que tout est compté, implacablement et minutieusement compté. Elle poursuivait donc, attentive aux hommes de côté, toujours là, tellement présents, des ombrages prometteurs."

Ce n’est pas une voix qui nous appelle, elle n'use d'aucun procédé pour venir nous chercher mais quand dès la première page elle fait écho on sait qu’on va la suivre, d’une traite ou par petites touches. Alors on demande au monde de se taire pour pouvoir mieux écouter.
Dans « Asthmes », Sophie Maurer prête sa voix à dix personnages – de la petite fille battue à l’octogénaire crépusculaire en passant par l’immigré de retour au village. « Dix personnages en quête de souffle », dit la quatrième de couverture, et c’est juste. Ce qui les relie, c’est le flux d’une matinée et toujours cette voix qui fait qu’on lit lentement, en prenant le temps d’aller chercher entre les lignes – le temps d’un souvenir, d’une ré-flexion, le temps parfois de se dire que tiens, on aurait aimé savoir dire ça comme ça.

"Il descendit et reposa le mégaphone. Il n’avait plus de voix et c’était un jour sans houle. Rien ne se passerait. C’était comme ça au bout de trop d’actions, quand la fatigue coupait les jambes et que chacun ne venait plus que pour fumer debout dans la rue et avoir de la compagnie. C’était comme ça aussi quand on n’y croyait pas, qu’à quarante près un monde peut vaciller. Depuis longtemps il avait acquis le sens de la foule et ce matin, rien n’annonçait la contagion qui parfois transforme dix en cent et fait courir un vrai risque. Les hommes autour de lui semblaient simplement las et déroutés, mais il ne leur en voulait pas. Lui-même, il lui avait fallu du temps pour comprendre que la force de l’adversaire et le nombre ne sont rien, et que seule compte la distance entre l’ordre des choses et sa contre-proposition."

Il y aurait eu d’autres extraits (voir ici, par exemple), mais à chacun sa résonance…

Sophie Maurer parle doucement, mais elle parle fort.

Commentaires

  • (J'aime beaucoup beaucoup votre premier paragraphe)
    Quant à "Asthmes", vous prêtez vos livres, vous?

  • "la force de l’adversaire et le nombre ne sont rien, et que seule compte la distance entre l’ordre des choses et sa contre-proposition."
    Très jolie phrase mais dont le sens réel m'échappe... Si par force de l'adversaire on entend aussi "brutalité" alors cela me paraît au contraire jouer un rôle indéniable. Je suis souvent déroutée quand le style étouffe la forme. Pourtant, je relie ! Je le jure ! :))

  • > Presque, toujours : presque toujours, oui. mais je ne les récupère presque jamais. sauf que celui-là, il faudra me le rendre, un jour j'aurai plaisir à le relire.

    > Bon sens : bien vu. à la lecture je me suis arrêté sur cette phrase, qui concluait un paragrahe en bas de page. j'en ai cherché le sens tout seul, vainement, mais j'aimais toujours autant la phrase. étonnant.
    ... puis j'ai tourné la page et l'explicitation m'était offerte.

    (mais je n'ai pas le livre avec moi, et m'en voudrais de trahir ici et l'auteur et son personnage)

  • Je suis en train de me demander si tu m'en voudras si je "triche" avec ton livre.
    g.

  • Deuxièmétage, tu viens d'être reconnu officiellement d'utilité publique.
    (Sincèrement.)

  • > g. : "tricher" ?
    (si tu penses au prêt, c'est une bonne question... je me la suis moi-même posée en répondant à Mlle Presque. et la réponse est : je ne sais pas ;)

    > Franswa : waouh, je suis ému! et ça ouvre droit à des déductions d'un pot ?
    (un merci, alors. et un double)

  • c'est marrant c'est le livre à la mode en ce moment - on m'en parle beaucoup, je vais finir par le lire (mais j'avoue qu'étant très asthmatique le titre me fait frissonner)...on m'en parle beaucoup en disant toujours "c'est bien mais..." ou "plus prometteur que réellement poignant" ou "quelque chose d'inachevé", "des moments de très belle écriture, un réel rythme, mais..." etc.
    Merci de ces quelques extraits.

  • J'ai beaucoup entendu parler de ce livre (en bien), mais le style me crispe, c'est plus fort que moi. Cela dit je n'en ai lu que des extraits...

  • Ah tiens, c'est amusant - je ne savais pas trop qu'on en parlait tant. Il faut dire, je suis bien à la masse concernant les critiques officielles, et autre.
    Cela dit, si vous avez des critiques un peu plus fournies, je veux dire un peu mieux argumentées que celles relevées par piccolofio (attention, je n'ai pas dit celles de piccolofio, j'ai bien compris qu'elle ne parlait que de ce qu'elle avait lu), je suis preneur.
    Quant à Deuxièmétage, si tu me reparles d'impôt je te fais rentrer intégralement dans un pot de chambre - je sais y faire, c'est possible...
    ... oui, sinon, je ne suis pas bon en calembours.

  • Ah je suis honorée que nous butions sur les mêmes tournures de phrases :)
    En fait ,ça me rassure :))

  • > Piccolofio : ça alors... même mon libraire n'en avait jamais entendu parler. (il faudrait que je me mette à fréquenter d'autres gens)
    "Réellement poignant", peut-être pas, mais est-ce là une valeur suprême pour un livre ? Je confirme que le livre peut être lu en oubliant les "mais"... Et en plus, l'asthme du titre n'est qu'une métaphore, donc, vraiment, aucune contre-indication !

    > Lidell : pour paraphraser Paul Prébois, je dirais que le style, c'est comme une brosse à dents, c'est personnel...
    (mais il faudra qu'on en parle)
    En tout cas, les extraits ici me semblent assez fidèles.

    > Franswa : si c'est pour un pot, autant quitter la chambre et aller au café, non ?

    > Bon sens : je n'aurais jamais pensé être "rassurant"... mais j'en suis honoré, pareillement ;)
    Maintenant tu n'as plus qu'à le lire !

  • Hier moi j'ai relu ''Un Pur Roman'' de Louis Lanher.
    C'est divertissant, comme le Club Dorothée quand on est enfant.

  • Au prêt ? Ouhla, non, rien à voir.
    Si je veux lire un livre, je ne veux pas qu'on me le prête, parce que je ne veux pas avoir à le rendre - ni meme à me demander si quelq'un l'a dejà lu ou touché avant moi...

    Nan je pensais plutot à la derniere page, ou l'histoire d'une tricherie, cf un de mes vieux billets...
    Est-ce que tu m'en voudrais si, hesitante devant ton livre, je trichais en lisant la derniere page.
    C'est tout.
    g.

  • > G. Rose : "relu" ?? (moi je n'ai gardé aucune cassette de Récré A2)

    > g. : la dernière page, évidemment...
    j'ai pensé à toi en terminant le livre, à la dernière page tu trouveras une annexe, donc tu peux y aller !
    Plus sérieusement : je ne t'en voudrai pas, parce que je préfère (très) nettement la fin au début du roman. D'un autre côté, je continue de penser que cel gâcherait la lecture... mais nous en avons déjà parlé ;)
    Tu me diras.

  • Je te dirai.
    g.

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