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Sur la plage, un pavé

c18c0ffea0178c089983d3a3503d8050.jpgRobert McLiam Wilson a 26 ans et un roman (Ripley Bogle) quand il décide, en 1990, de plonger avec un ami photographe dans les quartiers pauvres de Londres, Glascow et Belfast – "un duo d’Irlandais du Nord aux compétences discutables, avec un amateurisme indéniable".

Les dépossédés, c’est une série de petits récits sur les découvertes et rencontres successives de l’auteur – sur la déchéance d’individus ou de quartiers entiers, sur les espoirs fous des gars de la rue, sur l’aveuglement d’un système, sur ces glissades inéluctables, des vies qu’on jugerait inactives mais dont toute l’énergie est pompée par la survie.

Ecrit sous Thatcher, le livre est sorti cette année en France – comme si le calendrier éditorial suivait scrupuleusement les glissements politiques. Pour l’occasion, McLiam Wilson, qui n’avait rien publié depuis longtemps, a écrit une préface - alors autant le laisser parler, lui.

"Ce petit livre a été étrangement difficile à écrire. J’y ai été poussé par le règne quasi-absolu de théories économiques absurdes qui, dans la culture britannique majoritaire, expliquaient que la pauvreté était soit inexistante, soit moralement méritée, ou encore presque agréable. Je me suis lancé dans l’aventure avec toute la confiance de la jeunesse. A grandes et puissantes enjambées j’ai foncé droit dans le mur de mon ineptie et de mon incapacité à affronter un sujet beaucoup trop vaste pour moi (…).
Mais malgré toutes ses faiblesses, c’était peut-être une petite voix qui s’en prenait aux folies théoriques les plus évidentes de l’époque. (…)
Au cours des années 80 et 90 dans le monde anglo-saxon, le flambeau de l’idéologie radicale a été fermemet brandi par la droite économique. La gauche a paru incapable d’élaborer une riposte efficace. Le processus était d’une simplicité désarmante. A tout un ensemble d’affirmations supposées fondamentales, la droite a posé cette question très simple et dévastatrice : « Qui dit ça ? » Il doit exister un accès universel à l’éducation gratuite et aux soins de santé. Oui, mais qui dit ça ? L’Etat doit aider financièrement les personnes sans emploi (…) Ah bon, qui dit ça ?"

Ainsi va le concours de beauté économique organisé par les pays les plus riches à l’intention du reste du monde…

La préface est politique, le livre est avant tout sensible.
Forcément, à la lecture, j’ai pensé à ce livre à trois voix – une année en France.
Amusant de noter les différences dans l’approche – pour forcer le trait : le Britannique, attaché aux faits qu’il raconte impitoyablement ; le Français qui dépasse le fait pour aller vite à l’analyse - parfois tombant à côté, mais parfois faisant résonner une cloche intérieure à la vibration différente de celles qui peut réveiller McLiam Wilson.
Justes complémentaires, donc. Et tous les deux très bons.
Des pavés, en quelque sorte - petits par la taille, grands par l'effet qu'ils peuvent produire quand on les jette dans la mare.

"Mon espoir serait que ce livre reste lettre morte dans un pays comme la France, conclut la préface. Mais je crains pour l’avenir, car les vents dominants de l’actuelle politique soufflent désormais dans ce sens. et si jamais l’orage éclate, si pareille absurdité se met à parader dans la vue publique française, je compte sur la présence de quelques individus cachés dans la foule, des dissidents au sens le plus élémentaire du terme, pour montrer simplement et obstinément que le Roi est nu." (février 2007)

On vient de dire à mon petit doigt que McLiam Wilson vivrait désormais à Paris (fiabilité : 10%, ne rêvons pas), et qu’il publierait prochainement ici deux romans.
Deux raisons au moins de crier Youpi, donc. Si vous passez par ici, Robert, il y aura des pintes à partager. En toute humilité, on foutra les rois à poil.

Commentaires

  • Ca m'interesse.
    g.

  • Ca a l'air hyper intéressant, et malheureusement plus que jamais d'actualité de ce coté-ci de la manche ... merci!

  • Youpi, donc :-)

  • Bien dit, bien joué. Jeter des pavés dans l'eau, j'adore, ces temps-ci. Et dépouiller les rois, mmh, oui ! ;-)

  • (Sinon, McLiam W. vit depuis dix ans en France, dans le sud il me semblait jusqu'à présent.)

  • > g. : ... c'est intéressant ;)

    > Cassiopée : tout n'est pas transposable, cela dit... sur le plan politique du moins - parce que sur le plan humain, il n'y pas vraiment de Manche qui tienne...

    > AD : donc.

    > Sophie K : l'invitation a été lancée, non pas dans la mare mais sur StrictoConf !
    "Jeter des pavés dans l'eau et dépouiller des rois"... c'est pas un beau programme de fin d'été, ça ? ;-)

  • Strictoconf... encore un club secret quasi mafieux ? ;)
    Et ils sont franc-maçons ?

    C'est une grève des commentaires constructifs.

  • On est francs, voui. Maçons, non. Mais c'est une vaste mafia, c'est sûr, hé hé ! :-)

  • > Brg / Sophie K : pour la maçonnerie je confirme - il y a bien la peinture de Sophie, mais pour le reste pas sûr qu'il y ait beaucoup de manuels là-dedans...
    (Une mafia ouverte à but non lucratif, on appelle ça comment ?)

  • Un mafiette ?

  • Une, pas un, rôô.

  • Superbe, le titre, je lirai la note plus tard... ;-)

  • Ça n’a aucun rapport mais aujourd’hui enfin j’ai été rassuré car j’ai appris que Michèle-Alliot Marie voulait tripler les capacités de vidéosurveillances.
    On va enfin pouvoir être protéger des enfants de la pauvreté, enfin.

  • Je viens de lire ton ''En Passant''....douce coïncidence alors.

  • Dans la même veine et très bien aussi, il y a le bouquin de Nick Cohn anarchy in UK paru à l'olivier pour sa version française.

  • > Sophie K : mafiette toi-même ! ;-))

    > Caro : ... dommage simplement que pour le plaisir d'un titre je donne l'impression qu'il s'agit d'un gros livre - alors que le truc de McLiam W, ce serait plutôt les grands livres...
    (à bientôt ? ;)

    > G. Rose : ... du coup je suis sorti hier, dans mon quartier des épiceries exotiques, presque rassuré par avance.
    (brr...)
    Au fait : j'aime beaucoup (beaucoup) ton petit mot sur l'écriture, la déprime et les femmes.

    > Volto : je viens d'en lire une jolie critique - avec cette conclusion : "le monde entier est dans chaque livre de NC". A suivre.

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