La semaine dernière, j’ai pris une claque. Littéraire. Ce n’est pas si fréquent.
En réalité, il y a plusieurs types de claques.
Parfois, c’est un style nouveau qui jaillit et qui gifle – Les lois de l’attraction d’Ellis, le premier Houellebecq peut-être, le début de Sourires de loup de Zadie Smith, et même (oui, j’ose) le prologue du Hell de Lolita Pille.
Parfois c’est le contenu qui file une bonne baffe (Une femme à Berlin, récemment).
Et puis, il y a des claques qui viennent en douceur. Souvent des livres dans lesquels on n’a pas eu envie d’entrer tout de suite, et qu’on commence un jour, sans trop savoir pourquoi, jusqu’à ce que. Ces dernières années, ça m’avait fait le coup avec Mc Liam Wilson (Eureka Steet) et Murakami (Au sud de la frontière…). J’y étais entré lentement, comme on met un orteil dans la piscine pour jauger la température, et quelques pages plus loin, sans avoir rien vu venir, j’étais déjà plongé dedans.
Et donc, Saramago.
Depuis longtemps je les voyais, ces livres épais, sur la bibliothèque d’un ami au goût sûr. Plusieurs fois j’avais retourné le livre pour regarder distraitement la 4e de couverture, puis j’ouvrais le livre un peu au hasard – et je le refermais vite, découragé par cette écriture serrée et ces pages sans respiration. Que peut bien renfermer un livre de 400 pages qui ne passe jamais à la ligne ? C’était une sorte de mystère, une question que je laissais de côté pour plus tard.
Jusqu’à ce que les échos de Cannes me parlent d’un film tiré de L’Aveuglement. Il y avait donc peut-être une histoire, dans ces 400 pages. Alors j’ai repris le livre, je l’ai ouvert… Et dès la première page, j’ai vu. Qu’il se passait des choses. Qu’il s’en passerait encore. Que les mots étaient simples, mais les phrases profondes et non l’inverse. Qu’une mise en page sans respiration pouvait cacher un texte plein de souffle. D’ailleurs, si Saramago ne va pas à la ligne, c’est que la ligne va à Saramago ses dialogues sont entourés de simples virgules. Des dialogues courts, donc, qui vivent et font vivre, et où tout est dit en quelques mots.
Et l’histoire ? Ah oui, pardon. C’est simple. Page 1, un homme devient aveugle. Page 10, c’est déjà l’épidémie. Les premiers aveugles sont mis en quarantaine, mais parmi eux, une femme a menti pour suivre son mari. Elle voit – et avec elle nous suivons l’installation des aveugles dans leur prison, une sorte de western en huis-clos, où toute la vie est à réinventer, où les grandes espérances côtoient la merde quotidienne – la merde au sens propre, je veux dire : celle qui pue et devient vite, avec celle de la nourriture, une question centrale.
Et voilà.
Je pourrais développer mais non, il me suffira de dire que Saramago m’a coûté quelques nuits courtes et que je ne lui en veux pas. Parce que j’avais envie depuis longtemps de retrouver des grands livres, de ceux qui vous redonnent le goût des classiques.
Des livres qui sortent de l’ordinaire de nos imaginations formatées.
Des livres qui disent Nous plutôt que Je.
Des livres qui vous donnent une claque… et une furieuse envie de tendre l’autre joue.
A vous de voir.
Commentaires
eh bien je suis ravie que tu aies pris cette claque. Tu sais que ce livre m'a fait ouvrir mon blog ?
Je l'ai lu en une seule nuit, à croire que c'est un livre à ne pas lire en plein soleil.
Tu me donnerais presque envie de le relire mais il en a écrit tellement d'autres que je me contenterais dans lire un autre (le dernier paru, les intermittences de la mort, me tente beaucoup) et bien sûr, d'aller voir le film dès qu'il sera sorti !
je vais voir si j'ai encore envie d'une claque, en effet je viens de lire une femme à Berlin et j'ai besoin de lecture facile avant de replonger dans un univers dérangeant.
Merci beaucoup pour ces conseils de lecture...
Hmm ça fait envie oui, vraiment, merci du tuyau.
> Emeraude : je ferai l'impasse sur le film, je pense (des grands livres on fait rarement de grands films)... mais un autre, bientôt, joli plaisir à venir
> Peggy : voilà qui fait chaud aux joues et au coeur - "de rien" et "merci" ensemble, alors
> Annak : suffit vraiment de plonger - une fois dedans, elles est excellente ;)
J'aime bien l'expression un ami au goût sûr ...
Je n'en ai pas de comme cela moi des mais mais peut être que mes amis sont ils aussi cons que moi !
Dommage pour le Prix Fallet mais je crois savoir que tu es en bonne position pour le Prix Paul Loup !
Et allez, un de plus à ajouter sur ma pile à lire.
Salopard, va.
Comme je n'avais rien à faire, je suis allé sur le blog d'Emeraude et effectivement, c'est sur ce livre qu'elle a commencé ses critiques ....
D'ailleurs, son pitch est plus vendeur que le tien ....
Tu es encore le Poulidor du Pitch Second Flore, tu devrais peut être appeler ton blog First Flore !
> Bouboune : le prix Paul Loup, tu veux dire 23€50 ?
Je suis d'accord avec toi, pour Emeraude - au fond j'ai à peine parlé de Saramago, finalement...
Et pour le reste, les amis, tout ça, à voir ensemble bientôt !
(parce qu'en plus, tu ne me croiras pas, mais figure-toi que la semaine dernière... à suivre)
> Dahlia : dis-donc, je suis en train de lire M. Terence grâce à toi, alors... ("salopard", j'aime bien ;)
C'est affectueux, tu le sais bien ;) Ohoh j'espère que tu feras une petite note de lecture pour le Terence! Je suppose qu'il s'agit de Technosmose?
Là je termine le très bon essai Triomphe de la vulgarité et ensuite j'attaque Saga de T. Benaquista, un ami a réussi à me convaincre.
Et non - Fiacso, son premier... pas forcément de note, mais je le referme à l'instant, et c'était bon
(sur Saga, si ton ami n'avait pas réussi je m'en serais chargé moi-même ;)
J'interviens comme un cheveu sur la soupe mais je sais qu'il y a des fans de Jaenada qui interviennent sur ce blog. Donc, pour info, Philippe Jaenada, Nicolas Rey, Ann Scott, Vincent Ravalec, Thomas Lélu, Grégoire Bouiller, Florian Zeller, Arnaud Cathrine, Simon Liberati et Valérie Mréjen seront dans la belle, spacieuse et récente librairie de la Fnac Montparnasse mardi prochain (le 24 juin) pour fêter les 10 ans de la collection "Nouvelle Génération" de J'ai lu. Petit débat suivi d'une séance de dédicaces !
J'y serai, Christophe, le nez débouché (inch'allah) et habillé en vert (poil à Guillaume Robert !)
Ah Fiasco je l'ai lu une après-midi à la bibliothèque, en une heure c'était plié. Assez charmant mais je trouve la fin assez gnangnan.
Pour le Benacquista c'est un régal! Je ne sais pas si j'en lirai d'autres de lui, mais Saga est bien drôle!
dites moi, c'est à quelle heure à la fnac montparnasse mardi ? Sûrement une heure où je ne pourrais pas venir, mais sait-on jamais...?
Il y a une heure, Six à son libraire favori:
"Bonjour Monsieur, je cherche un roman intitulé "l'aveuglement", mais je ne me souviens plus du nom de l'auteur"
"C'est un saramago, et....et....le voilà"
"Merci Monsieur"
"De rien mademoiselle et bonne lecture!"
On peut dire que votre note et vos commentatrices m'ont donné envie!
Reste à savoir si je connaitrai le même engouement!
Six
> Dahlia : dès le début, on pouvait prévoir une fin décevante - mais entre-temps, de jolies pépites !
(heureux de lire ça, sur Saga)
> Emeraude : well... 17h30, je crois. C'est dur de travailler ;-)
> Six : eh bien... à bientôt pour la réponse ! tout le plaisir est pour vous, et la pression sur moi...