- Un cake au bleu et aux poires, ça te dit? a demandé ma voisine aux yeux malins après un moment de recueillement.
- Oh oui!
- Alors il va falloir que tu fasses quelque chose pour nous, a dit derrière moi sa complice flamboyante avec un rire machiavélique.
J'étais piégé.
- Tu vas nous écrire une quatrième de couverture Harlequin.
- Ah?
- ... Une histoire que tu aimerais vraiment lire, mais que tu traiterais à la manière de, tu vois ?
- Je vois, oui, mais...
- Sinon, pas de cake.
Un peu plus tard, au dessert, j'ai eu l'idée d'une première phrase. Alfred est ébranlé, ça vous irait, par exemple? j'ai demandé. Elles m'ont donné un cookie au chocolat blanc. Je n'avais plus qu'à.
***
Lettres de feu
par Phyllis D. Fakeburn
Les nuits étaient chaudes dans Venise enneigée. Alfred pensa à George, et une nouvelle Aurore se leva. Ô gloire éphémère de l'amour ! Aussitôt il trempa sa plume dans l'encre de la belle et imbiba des mots les plus ardents le parchemin fragile de leur passion. Il remplit ainsi une page entière de ces saillies qui l'avaient rendu célèbre, jusqu'au point final rageur où s'évanouirent enfin les questions inutiles. Pour vivre heureux, vivons cachetés, pensa-t-il en refermant l'enveloppe.
Alfred est ébranlé. Depuis son dernier billet, Aurore n'est pas reparue dans leur chambre du Danieli. Et ce matin, par la fenêtre, il les a vus. La précieuse, l'intrépide Aurore, sa George profonde, folâtrant avec le beau Pietro - son propre médecin !
Certes, les deux enfants terribles des lettres françaises s'étaient promis de ne jurer de rien. Un jour amis, le lendemain amants... Et s'ils n'osaient pas s'avouer une passion plus dévorante encore ? Alfred aimerait le savoir lui-même, mais voilà qu'à nouveau une formidable érection vient troubler son jugement. Alors il reprend la plume. A la lueur de la bougie les mots s'enflamment, sa main s'enhardit et dans une transe compose une de ces lettres codées dont il a le secret.
Comprendra-t-elle le message ? Lui répondra-t-elle ? A trop se jouer des codes, Alfred et George pourraient bien finir par comprendre qu'on ne badine pas avec l'amour...
Commentaires
Joli coup! C'est subtil, et en plus ça se lit bien. Merci opur cet instant de bonne humeur matinale!
très fort et très drôle! Cette idée de transposer de grandes histoires d'amour ouvre un boulevard de possibles aux auteurs harlequins, l'avenir de la collection est assuré...
Votre idée de première phrase, survenue entre la poire et le fromage si je vous ai bien déchiffré, l'ont-elles lue ou bien entendue ? Parce que, vous comprenez, la version orale de "Alfred est ébranlé" n'est finalement pas très loin de ce que cet idiot de Musset a dû endurer...
On est en train de perdre l'auteur.... Quignard, Echnoz et Michon deux fois 20 pages par jour.... (en vrai j'ai ri, aussi)
> D. Fattore : de la part de celui qui est devenu le grand spécialiste français de la 4e de couv' Harlequin, c'est un honneur ! ;)
> Didouchka : ... comme le western et la tragédie antique, au fond.
> Chr. B : à l'oral, bien sûr ! (sinon je n'y aurais jamais pensé)
> Castor : c'est mon rythme, pour Michon (pour Echenoz c'est d'une traite, pour Quignard je reste à 0)
Et pour une grosse part de gâteau au chocolat, on aurait droit à Christine et D. G.?
Extraordinaire, pas moins.
> Yola : Fondant au coeur et craquant sur le dessus, on peut tout avoir...
(Christine Albanel et Didier Gustin ? Je n'y crois pas... ;)
> Flamboyante : veux-tu donc que mes joues s'assortissent à tes cheveux ??
(merci encore - c'était très bon^)
Là, je suis écroulée... De rire... Si, si! :-))
Sa George profonde.
Tout le plaisir était pour moi.
:))
> Chiffonnette : la relève arrive ! ;)
> Mathilde : vérité historique
(à propos de George, comment va Washington ?)
> Fashion : (je t'en ai piqué un peu)
"de la part de celui qui est devenu le grand spécialiste français de la 4e de couv' Harlequin, c'est un honneur !"
Gosh... on acquiert vite une solide réputation! ;-)
"Désirs à venir" m'a conquis ;)
Bravo!!! On reste quand même dans la littérature, non, avec George?
Ceci étant ladite George a un jour pondu un célèbre billet coquin...
Oh la la ! Je ne savais pas que MON cake au bleu et à la poire (et aux noix !!) avait été à l'origine de tout ça. :-)
> Keisha : merci! (les billets d'Alfred et George sont bien sûr derrière toute cette histoire...)
> Caro[line] : disons-le haut et fort à la face du monde : TON cake au bleu, aux poires et aux noix était excellent !
(je confesse en avoir mangé la moitié ;)
(et pour la requête google qui tombera ici : cliquez donc juste au-dessus pour demander la recette)
ahah, la suite est à la hauteur de la phrase d'attaque, bravo! il en te reste plus qu'à rejoindre les OuLipo (mais c'est terrible, ca donne un peu envie de lire la suite...).
Tu ne cherchais pas une idée de best-seller ? ;)
Bravo !!!
merci !