Bon, on peut rigoler sur les derniers Prix de Flore, mais au départ, quand même... Jaenada, Houellebecq, Ravalec, Despentes - la liste presque exhaustive des auteurs qui me donnent envie de prendre un crayon chaque fois que je les lis. Il manque un seul nom à cette liste : Iegor Gran. Ipso Facto était un bijou d'absurde et d'humour noir, ONG! idem. Avec l'art de la construction, le rythme léger de la narration et la finesse de l'ironie en passant.
Malheureusement, l'effet magique ne marche pas à chaque fois (sur moi en tout cas) - je n'avais pas fini Acné Festival et Les trois vies de Lucie.
Mais avec Thriller, la grâce est revenue.
Je vous fais l'histoire en très bref. Elle tourne autour de Norman - professeur à Berkeley, homme gauche et de gauche à la recherche de l'équation de l'économie sociale. Un soir à dîner, un collègue malveillant révèle que Norman a volé le portefeuille... d'un clochard. Stupeur ! De fil en aiguille, on en vient à soupçonner le distrait professeur d'avoir occis une blonde dans un parc. Les ingrédients sont réunis pour un thriller domestique, avec un roman à six voix : Norman, sa femme Suzanne (parfaite) qui le trompe avec un doyen falot, un fils qui pirate les caméras de surveillance de la fac, le collègue malveillant, et un mystérieux psychopathe de l'ombre.
Evidemment, Gran s'en fout, d'écrire un thriller, il en retient simplement quelques éléments de construction, et le rythme en crescendo. Et c'est vrai que plus on avance, plus c'est bon.
J'avais déjà connu ça avec Ipso facto : tout en lisant avec le sourire en coin, je me retrouve à savourer comme un étudiant en cinéma qui regarderait un Fellini et se dirait que quand même, putain, il est fort, sur un plan apparemment anodin. C'est qu'une farce en littérature, c'est aussi difficile à réussir qu'une comédie au cinéma (n'est-ce pas, Yann M). Et la finesse avec le sourire, ça n'a pas de prix.
Reste que Thriller, sorti en cette rentrée, n'était pas sur la liste des prix. Mais bon, ne râlons pas, on sait bien que le mérite n'a pas grand'chose à voir là-dedans. Que Gran mérite ou non un prix, on s'en fout. La vérité, c'est que les prixlittérairesTM ne méritent pas Iegor Gran.
Commentaires
merci de nous donner des nouvelles de Iegor Gran, j en été restée à ipso facto sans chercher plus loin
De rien! Il est des auteurs comme ça dont "on" ne parle plus beaucoup, comme si on considérait qu'ils ont déjà leur petit lectorat et que ça suffit...
"Thriller" est vraiment dans la même veine qu'Ipso facto, avec une construction plus complexe (et souvent jouissive).
Ah, il faudra que je le lise. J'avais adoré ONG et j'avais été très déçue par "Jeanne d'Arc fait tic tac" ou je ne sais plus quoi.
Merci :-)
Satisfaite ou remboursée!
Ca marche aussi pour les mâles le "satisfait(e) ou remboursé(e)" ?...
Mâle ou femelle ayant "adoré" ONG (je ne prends pas trop de risques...)
Je viens de lire "Mon papy" et le doute n'est plus permis : il faut absolument que je renoue avec le genre long de cet auteur.
Une télérameuse, je vois^
d'un jour alors !
Bon, tu n'auras pas à me rembourser Ipso Facto. Satisfait. Très satisfait.
Thriller, je l'ai acheté (merci du conseil) ; ONG, ça vaut le coup?
(Ouf^)
Pour Thriller, je m'engage sur le crescendo.
Pour ONG, je crois avoir lu (dans Décapage) que ce n'était pas le préféré de l'auteur lui-même... Moi j'avais aimé, dans le genre loufoque - attends peut-être un moment où tu auras besoin de rire jaune, mais franchement!
Alors oui, je viens de le finir et je suis d'accord, Iegor est Gran mais il manque quand même un peu de densité dans les personnages. Trop de (bons) mots et pas assez de chair - et aucune psychologie, mais c'était déjà la cas dans Ipso Facto. J'admire l'exercice de style, mais reste un peu sur ma faim (comme avec beaucoup d'auteur contemporain d'ailleurs...)
"auteurS contemporainS", sorry, j'ai le "s" pareeux ce oir.
Peut-être peut-on considérer "auteur contemporain" comme un genre ? Un penny pour la psychologie, oui, et c'est un des rares à faire de bons mots sans faire le malin.
(Salutations à Livres Hebdo!)
Non, pas comme un genre, comme des auteurs qui me sont contemporains...