Je n'ai pas attendu aussi longtemps que pour Un roman russe, mais allez savoir pourquoi, j'ai laissé passer un an avant de l'ouvrir. La peur d'être déçu, sans doute, entre les dithyrambes (méfiance) et cet "obscène" lapidaire de Lidell (sourcil qui se lève).
Mais de déception, point.
Dès le départ j'ai retrouvé le caractère particulier d'Un roman russe - cette façon de se raconter (ici, dans le trauma de l'après-tsunami) sans jouer aux victimes ni se donner le beau rôle, avec toutes les petitesses de Carrère homme qui font la grandeur de Carrère auteur.
Après 100 pages le roman se décentre. A la base, m'avait dit la 4e de couv, une sorte de commande : "tu es écrivain, pourquoi n'écris-tu pas notre histoire?" Carrère ne reste jamais loin, compare souvent à la sienne ces vies qu'il raconte (un cancer, un handicap, un deuil - que du primesautier), mais la distance est bonne, il ne prend pas son lecteur par la main mais lui propose des chemins.
Et puis, sans qu'on s'en rende compte, quelques jolis tours de force. Quand il raconte la vie de ce juge du surendettement, par exemple, épinglant la douteuse philanthropie des établissements de crédit. Pas facile de résumer les finesses du droit de consommation sans perdre son lecteur - on se dit que dans un magazine on n'aurait pas forcément eu envie de lire un dossier de 6 pages sur le sujet, ici il arrive à en faire 50 passionnantes, sans faux suspense, dans la narration la plus simple.
Comme quoi on peut vraiment dire des choses quand on n'oublie pas de raconter une histoire.
Tiens! Une idée me vient.
Commentaires
"toutes les petitesses de Carrère homme qui font la grandeur de Carrère auteur" : c'est tout à fait ça dans "Un roman russe" ! Il faut maintenant que je lise "D'autres vies que la mienne".
Une note qui me met de bonne humeur, une indiscrétion en direct de la cheminée du père noël me fait dire que l'opus sera sous mon sapin ce soir, mais sentira bon !
oui, c'était vraiment bien bien bien de le lire.
> Caro[line] : tu m'en donneras des nouvelles!
> Castor : héhé... tu en es encore à chercher fébrilement la cachette à cadeaux avant Noel ?
> Ficelle : pas mieux^
Ca donne très envie de lire ce livre
J'M. (toujours lectrice assidue, même si plutôt discrète)
Evidemment ! Mais c'est bien ça, je l'ai eu au cours d'un dîner ou j'ai fait mon Carrère en mangeant d'autres assiettes que la mienne... On a les ressemblances que l'on peut...
Je n'ai encore jamais rien lu de lui et pourtant, je n'en entends (et n'en lis) que du bien !
Un jour, sûrement...
Et Joyeux Noël bien sûr :-)
> Justine : discrètes salutations, alors !
(ça se passe bien dans ta rue ? ;)
> Castor : toujours finir ce que les autres ont commencé (devise de dominant)
> Emeraude : merci! à un de ces jours
"Comme quoi on peut vraiment dire des choses quand on n'oublie pas de raconter une histoire."
Une évidence, certes, mais toujours bonne à rappeler. Merci donc.
De rien!
("trois ans d'ajustage")