Elle aussi était venue pour un cinq à sept. Elle est entrée seule dans l'auberge, habillée de cinquante nuances d’un noir qu’éclairaient ses cheveux légèrement roux et finement frisés. J’aurais dû comprendre tout de suite qu’il ne s’agissait pas d’une touriste.
Nous avons monté l’escalier ensemble, mais contrairement à ce que dirait Clemenceau le meilleur était encore à venir.
Elle m'a rejoint sur le seuil de la chambre du fond, où des corps nus s’enduisaient de peinture bleue.
- Vous savez ce que c’est ? m’a-t-elle demandé.
Je ne savais pas.
Elle avait cette distance toute parisienne, entre froideur et timidité, contrebalancée par la chaleur innocente de son sourire. Ensemble nous avons regardé ces seins et ces fesses qui ne semblaient plus impudiques, puis nous avons consulté le programme. J’ai remarqué une chambre où l’on nous promettait de rêver éveillé. Mais où ? La jeune femme presque rousse ne savait pas. Nous nous sommes séparés une première fois.
Puis j’ai retrouvé S. et nous avons arpenté les différentes chambres, au hasard des expériences. Un peu plus tard dans le couloir, nous avons recroisé la jeune femme presque rousse. Elle m’a dit qu’elle avait trouvé la chambre de nos rêves mais qu’il fallait attendre parce qu’on ne pouvait y rêver qu’un par un…
[ici, bientôt, une photo]
... Quand arriva mon tour de rêver, c’est elle qui sortait de la chambre 302, le visage rayonnant d’un sourire d’enfant, remerciant l’artiste du fond des yeux. C’est là que j’ai pensé qu’il fallait absolument que je la revoie.
Puis la porte de la chambre s’est refermée sur moi, je me suis allongé, j’ai tiré des cartes et inventé un rêve où la jeune femme rousse n’était pas – il était trop tôt, encore.
A sept heures, nous sommes descendus au bar de l’auberge. Nous sommes sortis un instant pour profiter de la douceur de l’été indien. Elle était là, seule, agenouillée auprès d’un arbre nu, cherchant son téléphone dans son sac. Sans attendre, bien sûr, j’aurais dû lui proposer de se joindre à nous. Un peu plus tard, je lui aurais demandé de me raconter ce rêve qui l’avait transportée. Mais le temps de chercher deux mots (apprendrons-nous jamais ?), elle s’était déjà levée et elle s’en allait dans la rue de Crimée, son portable à l’oreille. Elle n’avait même pas mon numéro.
Voilà donc l’histoire, ami voyageur. Quelque part dans l’une des rues de cette ville, à l’heure où tu lis ces lignes, il existe dans cette ville une jeune femme aux cheveux presque roux et au sourire lumineux qui se promène, le regard fermé mais les rêves grands ouverts.
Si tu la croises, surtout, fais-moi signe.
Pour ma part je serai ce soir, et les autres soirs, au bar du St Christopher’s, un bloc bleu devant moi, un livre à dans la tête et un stylo dans la main. Quoi de mieux qu’une auberge de jeunesse pour écrire des histoires de voyage ?
A bientôt.
Commentaires
Ça me rappelle tellement, désolé 2nd F., mon adolescence. Une fois rentré chez moi après ce genre de jolie rencontre inaboutie, j'écrivais de fiévreux poèmes. Puis je me suis enhardi, car la poésie est aussi dans l'acte, comme l'enseigne Ema la Bienveillante. Tu es grand, beau, fort et intelligent, ne l'oublie pas (mais n'annonce pas tout de suite que tu aimes le foot...)
Ha ! J'ai eu la même adolescence, les poèmes en moins (je préférais les lettres). Puis j'ai appris, je te rassure. Quoi de mieux que le foot pour enseigner la poésie de l'action?
(vivement que je puisse rejouer...)
Dis-moi que tout cela est de la fiction et que dans la vraie vie tu oses ! ;-)
Un peu moins que je ne voudrais, sans doute...
(cette réponse valant pour tes deux questions ;-)
pfff
(Apprendrons-nous jamais ? Je l'espère, mais certainement pas aussi vite qu'on le voudrait…)
Dites-moi, cher ami, la dernière fois j'avais raté l'événement parce que je n'avais pas pu me libérer, cette fois-ci simplement parce que... je n'étais même pas au courant.
Tu m'envoies un rappel, la prochaine fois ? (promis, c'est pas pour te piquer les presque rousses que tu n'attrapes pas !)
> Columbine : tu veux dire, pffft'...
> CUI : deal! je te tiens (solidement) au courant - note que pour l'heure ce n'est qu'une fois par an.
(et la bise à Shéhérazade^)