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En mai, fais...

en mai, fais ce qu'il te plaît, CharlieJe ne sais pas ce qui a déclenché ça.
Ce n'est pas quelqu'un : j'étais seul. Ce n'est pas un livre, il était dans mon sac. Ce n'est pas le soleil : j'étais en sous-sol et dehors il pleuvait. Vraiment je ne sais pas, mais c'est venu en une seconde.
Jeudi 30 avril, vers onze heures du matin, je suis passé du noir&blanc à la couleur – et comme ça, sans prévenir, je suis sorti d'une léthargie de trois mois.

Si je te raconte ça (tu es là?), ce n'est pas pour m'extasier. La vie est faite de cycles, j'avais déjà vécu ce genre de moment. Toi aussi, sûrement. Mais cette fois, me dit mon petit doigt, ce n'était pas seulement moi. Il y avait du nous là-dedans, comme une étape dans tout ce qu'on a connu ensemble ces derniers mois.

Je te raconte vite fait, tu me diras si ça t'a fait pareil.

D'abord il y a eu janvier. Le choc du 7, la colère, la tristesse, le bref soulagement du 11. Puis la tristesse s'est fait bouillonnement. Il était trop tôt pour faire des projets mais on lisait, on parlait, on pensait (j'ai noirci un carnet entier de notes sur ça, sur moi, sur nous), et on prenait des résolutions, et on se faisait des promesses. Et puis...
Et puis pas grand'chose, non ? Comme après le 21 avril et le 1er mai 2002, le quotidien a repris ses droits et on l'a gentiment laissé faire.
Sauf que le choc, je crois, était plus violent. Ce n'était pas seulement un retour à la normale : c'était du refoulement.
De mon côté, avouons-le, j'ai fui vers la légèreté. J'ai lu léger (et c'était bon), j'ai écrit léger (pas si mal, je crois). Mais c'était une légèreté pleine de vide. Du léger avec une grosse ancre aux pieds. J'aurais pu t'embrasser plutôt que d'écrire une romance, mais comme pour un peu tout, il y avait un poids qui me retenait. J'en avais conscience, je me disais que c'était un moment à passer, mais il durait. Plus longtemps que pour bien d'autres, peut-être.

Je ne sais pas comment tu as vécu ça, toi. Moi je croyais que l'envie reviendrait petit à petit, qu'en avril on se découvrirait d'un fil... et puis non, ça a été pire. J'ai tenté de me rappeler hier de ce que j'avais fait d'avril – je t'épargne la réponse, tu prendrais pitié. La vie en pause et l'écriture en berne : écrire un statut facebook m'apparaissait insurmontable, alors une note de blog ou un roman, tu imagines.

Heureusement, petit à petit, il y a eu le dernier Despentes, quelques rencontres, un brin de politique, du travail, un vieux projet qui revient à la surface et soudain se connecte avec tout ça... Et puis hier, 30 avril, sans prévenir l'Envie qui revient. Envie de quoi, je n'en savais rien. Je ne sais toujours pas vraiment. Mais ce que je sais, c'est que tout ce que j'avais perdu depuis des mois est revenu : l'énergie, la confiance, et cette force tranquille qui fait plier le monde à nos envies, au moins autour de nous.

alive-n-kicking.jpgEt soudain j'avais l'énergie d'écrire, et j'avais envie de te voir, et j'avais envie d'inviter des gens à dîner, et je savais que je pouvais faire tout ça à la fois, bien sûr, que les projets ne pompent pas d'énergie mais nous en donnent... Comment avais-je pu oublier / refouler tout ça aussi longtemps, et aussi profond ?

… Mais j'arrête là, je commence à parler de moi, et ce n'est pas le but.
Ce qui compte, c'est ce qui viendra ensuite. Ma léthargie m'a légué une bonne dizaine de textes à écrire tant qu'il pleut, ici ou ailleurs, ensuite on se retrouvera dans la rue, on n'aura qu'à faire des projets ensemble. Parce que (re)vivre est quand même la meilleure façon de lutter, si on voulait lutter. Faire de la joie un projet politique, me disait C. Lire Goliarda Sapienza. Manger, bouger, donner, aimer, baiser.
Vouloir.
Tu viens ?

En mai, fais...
Faisons, quoi. C'est déjà beaucoup.

Commentaires

  • Ton éclosion me fait découvrir que je n'en suis pas encore là. J'ai vécu janvier-avril autant qu'il m'était possible de le supporter. En sélectionnant. Et je crois que je trie encore.

  • Oh, moi aussi...
    (je pense que ce n'était qu'une petite étape sur un long chemin)

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