Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le bruit des livres qu'on oublie

Que reste-t-il d'un livre ?

Parfois presque rien, c'en est effrayant.
D'immenses livres comme Crime et châtiment ou Alexis Zorba, je ne garde aujourd'hui que quelques images, et pas un mot. A la limite, j'ai l'excuse de les avoir lus au siècle dernier, et si le contenu m'a depuis longtemps échappé, je sais ce qu'ils m'ont apporté.

Mais il m'arrive de retomber sur un livre que j'ai lu dans l'année, un livre dont j'ai un bon souvenir, d'essayer de me rappeler de quoi il parlait... et de me rendre compte que je ne me souviens de rien. Ou presque. Un trait du personnage, un bout de scène, une impression. C'est peu.

002312592.jpgPrenez Juan Gabriel Vasquez.
L'an dernier, j'avais découvert par hasard, et avec enthousiasme, ses Réputations. Dans la foulée j'avais acheté en poche son premier roman, Le bruit des choses qui tombent.
J'ai fini par le lire cette semaine - ce genre de lecture d'été où l'on sauve des livres de la pile-purgatoire sous laquelle ils étaient écrasés.
Vasquez, donc. L'homme est intelligent, l'auteur sait mener une histoire, j'ai corné quelques pages. Mais je sentais le livre glisser sur moi – cette expression étrange mais tellement juste : ça n'imprimait pas, voilà.
Alors je me suis demandé ce qui me restait de ses Réputations, et là... le trou noir. Rien, ou presque : des souvenirs épars du personnage principal, l'image fugace d'un cireur de pompes dans les rues de Bogota... Moins d'un an après la lecture, c'est bien peu. Au fond, ce qui me restait le plus, c'était le souvenir du plaisir pris à la lecture.

J'ai repris le Bruit des choses qui tombent en prenant le même plaisir mais avec la désagréable certitude qu'il n'en resterait bientôt qu'un vague écho. Et du coup, en me demandant un peu pourquoi.

Et pourtant je sais (ou n'est qu'une croyance?) que les romans sont bien plus qu'un simple moment.
Je ne sais pas dans quel endroit du cerveau sont stockés mes souvenirs de Vasquez, mais je sais qu'ils sont là, quelque part, au milieu de milliers d'autres souvenirs enfouis d'expériences vécues. Qu'ils ont contribué à ma connaissance du monde. Que dans chaque réaction que je peux avoir, dans chaque idée qui me vient, dans chaque conseil que je peux te donner, il y a du Zorba, il y a du Dostoievski, du Vasquez et un peu de tous les autres – ce Tout ce qui fait Boum de Kiko Amat, par exemple, dont j'ai oublié de te parler et qui fait remonter toute l'adolescence avec de l'invention à chaque page.

Les voyages forment la jeunesse et les romans sont une formation continue : ce serait mon credo, en gros. Et j'aimerais quand même bien percer le mystère de la trace que laisse un livre (ou un film, ou une pièce)... Si tu as une lumière, hein, dis-moi.
.

Ce matin, j'ai commencé une expérience assez vertigineuse : je me suis planté devant ma bibliothèque, et je me suis demandé pour chaque livre ce qu'il m'en restait. Et puis le téléphone a bippé, et la vie a repris. Il me faudrait transporter ma bibliothèque loin de Paris, loin des salariés qui défilent sous ma fenêtre de retour de vacances. Ou habiter plus grand (soupir).

Bref ! En attendant, ragaillardis, on va pouvoir attaquer cette Rentrée, parce que pour une fois, elle fait vraiment envie. Binet, Jaenada, Blanc-Gras, Reverdy, Vinson, Turckheim, Hirsch, Ristic, Chalandon, Garcia, Montal et quelques autres dont on commence à me causer : la Rentrée est une fête, finalement, quand on n'y sort pas de livre soi-même.

Oh ! Et puis Rentrée ou pas, une autre bonne nouvelle : j'apprends que les éditions Cambourakis viennent de retraduire et sortir Zorba. Chouette. On en reparle.

 

Commentaires

  • J'aime me planter devant mes étagères et sortir un livre au hasard. S'il ne me revient aucun souvenir, le livre ira sur une autre étagère, faut laisser la place aux jeunes en quelque sorte

  • Pour certains l'empreinte d'un film sera une mélodie, une image, une réplique. Pour d'autres, l'expression d'un personnage, son visage, sa démarche ou encore son regard. Pour les livres, c'est tout de suite plus compliqué, il faut fouiller dans le tréfonds de sa mémoire et cueillir les émotions que l'intrigue a provoqué en soi, retrouver ce paysage qui soudain surgit au détour d'une phrase, entendre à nouveau la voix du narrateur, le ton qu'il a pris et tout ces flots de mots qui ont résonné à nos oreilles comme un écho lointain qui reprend... ou pas.

  • > Zazy : ... et tout n'est que renouvellement! j'aime bien l'idée (et tous ces livres formeront le terreau d'autres livres en attendant l'arrosage)

    > Anonymuse : exact! et il faut plusieurs pages avant que quelques émotions / souvenirs ne reviennent
    (et parfois pas, en effet - on doit tous avoir en tête un polar qu'on a relu jusqu'à se souvenir, quelques pages seulement avant la fin, qu'on connaissait l'assassin)

  • Et puis ces livres dont on se souvient d'un seul passage qui nous a marqué et autour duquel on reconstitue le reste du livre (de mémoire) qui deviendra alors uN tout autre livre.

    J'ai fait récemment ça avec "les corrections" de Franzen dont je me souviens d'un seul passage (celui qui m'a fait dire que j'aimais ce livre ) et que j'ai conseillé à un ami en reconstituant l'histoire à partir de ce passage.
    Une fois lu, l'ami en question m'a dit que mon résumé n'était pas du tout fiable et que le livre ne racontait pas du tout e que je lui avait dit....

  • Ca me fait ça, parfois, aussi. Finalement, c'est la meilleure preuve que les livres font leur chemin en nous assez indépendamment de leur contenu (et du souvenir qu'on en a)...

Les commentaires sont fermés.