Ce jour-là, je n'ai pas mis de caleçon sous mon jean. Viva la libertad !
Rico sort d'une cure pour se sevrer de l'alcool, bien décidé à ne pas craquer. Le temps de trouver autre chose (un appartement, une nana, un sens à sa vie etc.) il atterrit chez Cochise, un motard rencontré à la clinique. Dans une grande villa en plein Paris, Cochise héberge une bande d'Indiens qui ont tous laissé quelques plumes en route : une ancienne gloire du X, un dealer débile, une réfugiée congolaise qui partage le tipi du chef...
Ça commence comme la chronique d'une rechute annoncée, où chaque Perrier-rondelle menace de se transformer en whisky, on croit avoir déjà lu ça (souvent en moins bien)... et le livre vire finalement au roman noir, version film de gangsters. Je dis film mais c'est faux, parce qu'il y a une écriture, vraie, sèche, crue, qui colle au personnage et vous plante le décor en deux lignes – pas besoin de mots compliqués pour créer une ambiance, il est des livres sur les listes des Prix qui devraient en prendre de la graine.
En me recommandant le livre, un ami m'avait prévenu. Tu verras, disait-il, il y a un petit creux au milieu du livre mais accroche-toi, ça vaut le coup. J'aime bien ce genre d'avertissements : ils donnent toujours plus envie qu'une critique élogieuse où les réticences se cachent entre les lignes. Et puis, c'était le même ami qui m'avait averti avant Les Amants réguliers, de Garrel, alors j'ai foncé.
J'ai bien fait.
C'est vrai, il y a peut-être un petit creux, au milieu, mais du genre qui donne faim, le temps que tout se mette en place pour s'offrir 150 dernières pages tout en crescendo. Une soirée qui tourne mal, un nouvel arrivant dans la villa, de la coke et de la vengeance, de l'amour et du sexe (rarement les deux ensemble), un narrateur dépouillé comme le style de l'auteur, une arnaque digne des meilleurs polars, du suspense, et du style. Ça aussi, il faudra le dire aux jurés du Goncourt : qu'on peut avoir du style en racontant une baston dans un bar – et qu'un genre ça ne se détourne pas, ça se respecte, tout le reste n'est que bourgeoiserie.
Allez, aujourd'hui c'est l'automne et je ne suis pas le seul à le dire : il n'y a pas meilleure saison pour filer chez les Indiens.
Ugh.
Nicolas Roiret, L'Eté chez Cochise, éd. Rue Fromentin