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  • Xabi Molia, "Les Premiers"

    xabi molia, les premiers, le seuilUn matin, sans prévenir, Jean-Baptiste décolle dans une rue de Paris. Dans le même temps, un autre s'envole à Marseille. Il deviendra Le Capitaine. Et une autre, encore...
    Ils sont sept, étrangement nés la même année, à se découvrir soudain des talents de super-héros. Que vont-ils faire de leurs pouvoirs ? Les services secrets les prennent sous leur coupe, et soudain la France bat au rythme des exploits de ses super-héros.
    Mais de leurs missions, on ne saura presque rien. Parce que ce qui intéresse Xabi Molia, ce n'est pas l'exploit, ni le spectaculaire (quoique le roman n'en manque pas), c'est la vérité des personnages, et les passions collectives.
    Alors on va suivre "les 7" se débattre avec leurs pouvoirs encombrants et leur célébrité nouvelle. On va les voir s'aimer, se jalouser, se haïr, tomber le masque ou s'enivrer de leur puissance. En parallèle, on suivra les soubresauts de la société tout entière face à cette Nouveauté. Deux lignes narratives qui ne vont pas tarder à se rejoindre, bien sûr, mais je ne voudrais surtout pas spoiler...

    Xabi Molia a toujours eu la plume à la fois légère et profonde – avec cet art du comique de situation qui fait mouche sans jamais rabaisser le propos d'ensemble (gageure!), et la finesse du portrait collectif qui faisait déjà la force de son précédent roman, Avant de disparaître, où des zombies assiégeaient Paris.
    Il est ici à son meilleur, et je pourrais bien m'arrêter ici et t'enjoindre à le lire, mais comme je suis chez moi et que plus personne ne lit les blogs, je m'en vais ajouter quelques réflexions, pour l'Histoire et pour des livres à venir.

    Narration
    Entre récit, interviews des protagonistes et témoignages divers, la narration de ces Premiers varie les formes, les angles, les rythmes... et ça fonctionne. De L'éloge de la pièce manquante d'Antoine Bello à la Septième fonction du langage de Laurent Binet, ça fonctionne souvent, d'ailleurs. Où l'on sent que l'auteur s'éclate en éclatant sa narration – prends-en de la graine, petit.

    Saramago
    Une épidémie de cécité dans L'Aveuglement, les gens qui ne meurent plus dans Les intermittences de la mort, et j'en oublie... José Saramago avait un talent unique pour mêler l'intimité de ses personnages et la société dans son ensemble. Comment les corps constitués et le corps social réagissent-ils face à une situation nouvelle ? Il n'y a que les grands qui réussissent à répondre à cette question sans perdre de vue la trame romanesque (tu devrais lire un peu plus de SF, petit).

    3. France
    Xabi Molia a choisi : sa génération spontanée de super-héros n'apparaît qu'en France. Pourquoi pas ailleurs ? On ne saura pas. D'ailleurs, on s'en fout. Est-ce qu'on se pose la question pour les super-héros made in USA  ?

    Les romans de Saramago se situent toujours dans un pays qu'on imagine le Portugal mais qu'il ne nomme jamais, en évoquant la réaction des pays alentours sans jamais s'y attarder – juste assez pour que l'ensemble soit réaliste. Les Premiers est clairement une histoire française, mais aussi une histoire universelle. Nulle part entre les lignes on ne trouve ce second degré inconscient qui marque la littérature française contemporaine (comme si on s'excusait de ne parler que d'un petit pays) : est-ce un hasard si le roman sort en même temps que L'Histoire mondiale de la Française dirigée par P. Boucheron (et chez le même éditeur, tiens tiens) ? Je ne pense pas.

    Il y a des voies à suivre. Des auteurs aussi.
    Sur ce, je t'embrasse si tu es encore là, et bonne lecture !

     

    Xabi Molia, Les Premiers (Une histoire des super-héros français) – Le Seuil, 2017

     

  • New York Odyssée

    jansma, new-york odyssée, rue fromentin« Nous sommes venus en ville parce que nous voulions une vie désordonnée, voie ce que nos échecs avaient à nous apprendre, et ne satisfaire que nos désirs les moins raisonnables (…) Nous voulions explorer les possibles, sucer la moelle de la vie, crouler sous le travail jusqu'à notre dernier souffle. Si nos patrons se montraient mesquins, nous porterions un toast à leur méchanceté pure et entière à grand renfort de vodkas cranberry (…)
    Complexité, complexité, complexité ! Que nos vies soient alambiquées et sans point final ; que nos comptes soient dans le rouge et nos allocations réduites. Prenez nos cotisations, et que la Sécurité sociale coule ! En faillite depuis le départ de chez nos parents, nous allions construire notre propre sécurité. La retraite appartenait à l'ancien monde auquel nous ne croyions plus. »

    Kristopher Jansma, New York Odyssée, ed. Rue Fromentin (trad. Sophie Troff)

    Cinq amis, la vingtaine bien entamée, qui tentent de faire leur trou à New-York. Irène, l'artiste de la bande, semble cimenter l'ensemble. Sauf que page 50, on lui diagnostique un cancer, et la vie bascule.
    Le sujet m'aurait fait fuir, mais il y avait cette couverture, magnifique, et l’œil des deux éditeurs qui frisait quand ils parlaient du livre, persuadés qu'ils étaient de tenir une pépite.
    Ils avaient raison.
    C'est fin et ça claque, certains chapitres valent un roman entier, d'autres vous fichent la larme à l’œil. Et puis ce prologue, magistral, qui vous trousse une génération en 4 pages.
    Bing.
    Bon voyage.