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  • Les livres, la guerre, etc.

    Pendant très longtemps, j'ai cru que la guerre était réservée aux livres d'Histoire ou aux pays lointains.
    L'embrasement de la Yougoslavie, bizarrement, n'avait rien changé à cette croyance. Le "lointain" était un peu moins loin, voilà tout - mais nous, nous avec notre belle démocratie et notre drapeau européen, nous étions à l'abri.
    Sottise !
    J'ai cessé de nous croire à l'abri depuis quelques années déjà.
    Maintenant je crois - je sais que oui, elle peut arriver, et je suis comme nous tous : je vois les germes se développer, je désespère de savoir qu'il suffit de la penser pour déjà un peu l'appeler, je cherche ce qui pourrait l'empêcher, et au final je ne fais pas grand chose.

    ... J'écris, c'est vrai, mais ça n'a rien à voir.
    Parce que je n'ai jamais cru que les livres puissent prévenir les guerres.
    Ils nous enseignent qu'elle vient toujours plus vite qu'on ne le pense. Ils nous préparent aussi, un peu, à comprendre à l'avance les réactions des uns et les autres si la guerre arrive : ceux qui combattent et ceux qui se planquent, ceux qui fuient sans jamais avoir le choix, ceux qui s'enfoncent, ceux qui se révèlent (pour le meilleur ou pour le pire), les repères qui se brouillent puis qui ne sont que trop clairs, la bêtise, l'absurde, les lâchetés, les amitiés.

    maya ombasic, mostarghia, emma saudin, flammarionIl y tout ça, dans le Mostarghia de Maya Ombasic. Le livre raconte l'éclatement de la guerre de Yougoslavie pendant l'enfance de l'auteur à Mostar, les adultes qu'on ne comprend pas ou qu'on comprend trop bien, les cachettes chez les uns et les autres, en Croatie ou en Bosnie, puis l'exil : la Suisse, le Canada, la survie, les mains tendues et les autres, l'impossible retour, le désespoir du père et la fille qui tente de tracer son chemin.
    Maya Ombasic est aujourd'hui prof de philo à Montréal. Son écriture est sensible, précise, concrète, elle ne s’appesantit sur rien pour rendre au lecteur le voyage léger, sans rien taire de la misère parfois lumineuse de l'exil.

    En le lisant, j'ai pensé à ces quelques adultes afghans, tchétchènes ou autres (ne précisez pas) qui sont passés par mon cours de français et dont je voyais bien que jamais, comme les oncles de Maya, ils ne réussiraient à apprendre la langue de leur pays d'accueil. Puis un jour arrivaient leurs gamins, sortant de l'école – de vrais petits français, et soudain on y croit un peu plus, à la paix, quand même. Cette paix que Maya Ombasic finit par faire avec elle-même à la fin de ce récit qui se lit comme un roman, parce qu'il contient un peu toutes les guerres et toutes les fuites du monde. Et non, tiens, je ne chercherai pas de chute à cette note parce que ce mouvement est sans fin. J'y penserai dimanche, tiens.

    Maya Ombasic, Mostarghia, Flammarion, 2017

  • "La danse de l'araignée" - Laura Alcoba

    laura alcoba, la danse de l'araignéeLa grâce ne quitte jamais la plume de Laura Alcoba.
    Dans "Manèges (une enfance argentine)", elle réussissait à montrer la guerre civile argentine à hauteur de petite fille.
    "La danse de l'araignée" est une sorte de suite : l'auteur a 12 ans, exilée dans une tour de Bagnolet avec sa mère et une amie de sa mère tandis que son père lui écrit de sa prison de Buenos Aires.
    Le livre dit 'je' mais ses 160 pages contiennent toutes les pré-adolescences du monde, quand on commence à comprendre sans tout à fait saisir, quand le moindre événement est sujet à questionnement existentiel...
    "Il y aura les garçons", chuchotent les deux nouvelles-copines qui invitent la narratrice chez l'une d'elles, dans un passage où avec la jeune Laura on vibre pour chaque détail. Il y a un peu de ça dans chaque chapitre de ce roman : une forme de suspense, et une justesse absolue.
    Bravo.

    Laura Alcoba, La Danse de l'araignée, Gallimard


    (PS - entre "Manèges" et cette Araignée, il y a un autre livre : "Le Bleu des abeilles" raconte l'arrivée en France de l'auteur, et sa découverte du français. Allez savoir pourquoi je ne l'ai pas encore lu. Il y a des livres comme ça qu'on a achetés et qu'on n'a pas lus tout de suite, et qui depuis restent sur leur étagère. La plupart de ces livres, je le sais bien, ne seront jamais lus - leur moment a passé. D'autres peuvent attendre tranquillement. Je sais qu'un jour, leur temps viendra - c'est un plaisir, même, que de savoir qu'ils sont là, pour demain. "Le Bleu des abeilles" est de ceux-là)

    (PPS - grosse, grosse nostalgie en cliquant sur la chronique de Manèges : il y a 10 ans, ces échanges de commentaires, starring Dudek, Jaenada, Maisetti, Zel, Cassiopée, O' et autres... Et aujourd'hui ce lieu quasi à l'abandon. Snif.)