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  • Décarcérer

    L’envie de lire est revenue !
    Et après
    le confinement, allez savoir, parmi tous les livres qui m'attendaient, j'ai eu envie de lire sur la prison :

    Lhuissier, Décarcérer, Rue de l'Echiquier- Un essai : "Décarcérer", de Sylvain Lhuissier - 80 pages et pas une ligne de trop : c’est nerveux, c’est sourcé, c’est éclairant en diable. 59 % de récidive, l’échec est criant. Et cette question lancinante : en construisant des prisons, lutte-t-on vraiment contre la délinquance ou fabrique-t-on de nouveaux délinquants ?
    (c'est aux éditions Rue de l'Echiquier, dont la collection "Les Incisives" est peut-être ce qu'on fait de mieux en matière de pamphlet - du contenu féroce mais jamais gratuit, un papier aussi solide que l'argumentation, et un prix raisonnable (10 euros). bravo)

    laissez-nous la nuit, clavière, grasset- Un roman : "Laissez-nous la nuit", de Pauline Clavière, basé sur le témoignage d’un chef d’entreprise qui se retrouve en taule du jour au lendemain, broyé par la machine. Les caïds et les autres, les trafics en tous genre, la dope et les psychotropes, les surveillants complices, ripoux et martyrs, les parloirs, la trouille, la débrouille : tout y est, 600 pages qui s’étalent un peu mais étonnamment fluides, édifiantes au final.

    … Et après lecture, une même conclusion : dans 95 % des cas, la prison ne sert à rien - au contraire. Et il serait bien temps d’arrêter de mettre le problème sous le tapis, parce que le tapis commence à peser sacrément lourd.

     

  • Incident sur notre petit bout de galaxie

    Ah, ce presque-enthousiasme au tout début du Confinement - c’était frustrant en diable mais on allait pouvoir lire tous ces livres qui qui suppliaient depuis si longtemps qu’on s’occupe d’eux dans la bibliothèque.

    … et puis non, je crois que nous avons tous vécu ça, ou presque : l’envie comme atrophiée, les yeux engourdis, l’esprit au ralenti. Picorer, oui. Se plonger, non. Vous aussi ?

    Je crois bien avoir mis 3 semaines entières à lire un polar de Jean-François Parot - certes, c’est écrit avec la grâce d’un hippopotame, mais l’auteur n’était sans doute pas seul en cause.
    (pour des raisons tout à fait professionnelles que je pourrai dévoiler d’ici quelques mois, j’avais envie de polar historique - je me suis consolé avec les Enquêtes rhénanes de Jacques Fortier (salut Vlou))
    J’ai fini par retrouver un peu de fluidité dans la lecture avec les beaux jours et les Années d’Annie Ernaux, et l’intelligence implacable des Garçons de l’été de Rebecca Lighieri.

    incident galaxie.jpgEt puis, au sortir du Confinement, j’ai retrouvé un livre qui m’attendait depuis mars comme un sourire en coin d’outre-Covid.
    Incident au fond de la galaxie, d’Etgar Keret, est un recueil de nouvelles - un des plus fourmillants que j’aie lu depuis longtemps.
    Des nouvelles d’ambiance et des nouvelles à chute, tantôt réalistes, tantôt absurdes (souvent les deux à la fois), toujours symboliques. Mention spéciale aux aventures d’un amoureux timide qui en pleine pénurie aimerait acheter un petit gramme d’herbe pour une fille à qui il n’ose pas demander de sortir, et qui se transforme en un After Hours de Scorcese en plein Jérusalem. Et la palme à ces riches californiennes qui partent en quête de mendiants à qui donner toujours plus - deux romans complets en moins de 15 pages, je dis bravo.
    (quant à cet échange de sms qui se développe en feuilleton entre les nouvelles, je pense que je piquerai l’idée s’il me vient un jour d’écrire un recueil)

    Vive les nouvelles quand elles se déploie en bouquet pour parler du monde : le voilà, l’incident dont j’avais besoin.
    Maintenant, je peux relire des romans, je crois.

    (à suivre...)

  • Traduit de l’anglais par…

    (yours truly)

    holiday, tm logan, hugo thrillerLongtemps, je me suis levé de bonne heure en me disant qu’un jour, je deviendrais traducteur.

    Certes, il aurait fallu le faire savoir au monde, mais je n’osais pas lui dire, j’avais peut-être peur qu’il me rie au nez.
    Et puis, chemin faisant, j’ai traduit quelques petits textes dans cette novlangue managériale qui n’est pas exactement de l’anglais (ni du français), j’ai vu le grand Charles Recoursé au travail quand il se battait avec David Foster Wallace… Alors j’ai commencé à lire autrement les romans traduits de l’anglais - j’ai commencé à grogner chaque fois que je devinais l’anglais sous le français, je ne pouvais m’empêcher de penser « et moi, j’aurais écrit quoi ? », j’ai même imaginé un jour d’écrire un roman dans cette langue singulière qu’est le français-traduit-de-l’anglais.
    J’ai fini par comprendre que le traducteur doit surtout se faire oublier. C’est peut-être ça que j’aimais. Peut-être pour ça aussi que pendant des années je suis resté un traducteur clandestin - des bouts de roman par-ci par-là comme un ghost-rewriter, histoire de faire mes armes et de confirmer que oui, j’aimais ça.

    Je savais qu’un jour je traduirais un roman - le problème, c’est qu’aucun éditeur n’était au courant. Jusqu’à ce qu’un jour, au détour d’un déjeuner, je finisse par en parler à une fée - Adeline Escoffier, attachée de presse et maintenant beaucoup plus chez cet ogre d’Editis. C’est elle qui m’a mis en contact avec Bertrand Pirel - éditeur et aventurier chez Hugo.
    Bertrand m’a appelé un jour d’été 2017, il avait une façon de parler des livres qui donnait envie de dire Oui tout de suite, et ça tombait bien : il avait sur le feu un projet si urgent qu’il nécessitait plusieurs traducteurs en parallèle, ça parlait de foot, est-ce j’en prendrais un bout ? Je n’ai pas hésité.
    Cette petite aventure m’a permis d’admirer Bertrand Pirel au travail (confidence : il y a qqs années de cela, je me suis fixé pour règle de ne plus travailler qu'avec des gens sympathiques ET compétents; ils ne sont pas si nombreux; Bertrand, lui, coche ces deux cases à un très haut niveau) ; elle m’a donné envie d’en faire plus… Et puis le livre n’est jamais sorti, ni la VF ni la VO, bloquée par son auteur de l’autre côté de la Manche. Un jour, qui sait.
    A ce stade, je commençais à penser que je resterais à jamais le traducteur maudit, celui qui travaille dans l’ombre et dont les œuvres ne voient jamais la lumière.

    Et puis, la lumière est revenue. L’été dernier, en pleines vacances, Bertrand m’a proposé de traduire un thriller. Holiday, c’était le titre. TM Logan, l’auteur. Le pitch tenait en quelques phrases :

    4 amies d’enfance vont passer une semaine de vacances en France, avec hommes et enfants.
    Kate, la narratrice, comprend que son mari la trompe, avec l’une des 3 amies.
    Mais laquelle ? A elle de le découvrir.

    J’ai fait semblant de réfléchir, et j’ai dit oui.
    C’est ainsi que j’ai passé mon hiver d’avant-confinement au bord d’une piscine en plein Languedoc en compagnie de Kate, Izzy, Jen et Rowan. J’y ai trouvé le plaisir que j’attendais, la joie depuis longtemps oubliée de travailler des heures d’affilée sans pause - allez, encore une page. Le défi d’une phrase qui résiste, d’un mot intraduisible ; le confort d’un paragraphe qui tombe tout seul, fluide comme une brasse coulée. J’ai pesté parfois contre TM Logan mais il savait que je ne lui en voulais pas vraiment, un peu comme dans un vieux couple, après tout c’est avec lui que je passais presque tout mon temps - avec le soutien au PC Sécurité de Sophie Le Flour, éditrice empathique et enthousiaste.
    Après quelques semaines, j’avais l’impression de le voir écrire, je me mettais à lui parler en traduisant : Là, mon gars, t’exagères, ou Bien joué, mec.

    Nous avons passé deux mois plutôt tranquilles, TM et moi : Holiday commence comme un roman d’ambiance à plusieurs voix - j’ai adoré traduire ses chapitres où les enfants s’emparent de la narration. Et puis, après la page 300, tout s’accélère brutalement. La trad elle aussi a pris un coup de boost - il m’arrivait parfois de me lever de mon siège en pleine phrase, comme quand j’écris pour moi et qu’il me semble que le clavier brûle sous mes doigts. J’étais dedans - je m’étais bien gardé de lire le roman avant, je voulais aborder le mystère dans les mêmes conditions que le lecteur… Mais foin de spoiler - je vous mets au défi de trouver le coupable avant la fin.

    Holiday, de T.M. Logan, sort aujourd’hui chez Hugo Thriller, et quelque chose me dit qu’un vieux fantasme pourrait prendre vie cet été.
    J’ai toujours rêvé de voir un jour la couverture d’un de mes livres entre des mains inconnues dans le métro, ou dans un parc. C’est arrivé une fois mais c’était un ami, ça ne compte pas.
    Mais avec ce roman-là, ça pourrait bien arriver.
    En tout cas, je n’ai pas peur de le dire : Holiday est le roman qui devrait se trouver sur toutes les chaises de piscine cet été. Parce que je crois que nous avons tous besoin de bonnes vraies vacances.

    Prenez du care, et ayez du fun !