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zeller

  • Attention, il y a des longueurs

    medium_florian_zeller.jpgDonc, j’ai lu Florian Zeller.

    Je m’étais engagé à vous en parler, mais je ne sais pas par quel bout prendre la chose. Alors le mieux, c’est peut-être que je me lance, là, maintenant, que j’aille au bout sans trop réfléchir, écrire pour faire venir les idées au lieu de l’inverse, ne pas craindre les longueurs, digresser un peu avant de trouver les mots qui vont à l’essentiel, prendre le truc comme un exercice, en somme.
    Soit.

    Alors commençons par là : il y a longtemps, je me suis posé cette question :
    Peut-on juger objectivement un livre quand on connaît l’auteur ?
    //edit : non je ne connais pas Florian Zeller ; ceci n’est qu’un préambule.//
    Après plusieurs expériences je connais la réponse : c’est non. Bien sûr, ça n’empêche pas de faire des critiques, mais prétendre « je l’ai jugé(e) comme n’importe qui » est un leurre. On a des indulgences qu’on n’aurait pas pour d’autres... Alors forcément, l’édition (comme tout milieu) favorise régulièrement des auteurs pas meilleurs (mais pas forcément pires) que les autres, mais qui se trouvent au bon endroit, au bon moment. Il paraît que c’est le cas de Florian Z. Soit. Peut-être pas. On n’a qu’à dire qu’on s’en fout.
    Cela dit, parfois ces auteurs ont du succès. Alors les écrivains-vengeurs se déchaînent, crient au complot et/ou à la mort de la littérature, et dans les discussions de salon on embraie volontiers sur le mode ironique – et si en plus le type en question a une coiffure dans le vent et une belle gueule, on se fait plaisir lâche même sans avoir lu. Surtout sans avoir lu.
    Voilà pourquoi je m’étais engagé à lire Zeller.

    Ce faisant, je me suis heurté à une nouvelle question :
    Peut-on rester objectif au milieu de la polémique ?
    Réponse : difficilement. Donc, après tout ce qui s’est écrit ici-même (et un peu partout), lire objectivement Florian Zeller était devenu une vraie gageure.
    Mais comme je suis un aventurier, un vrai, une sorte de Bob Morane de l’objectivité, je n’ai pas renoncé.
    Et pour le lire dans de vraies conditions de lecteur, bien sûr, je l’ai acheté.
    (Je dis ça notamment pour mes nouveaux amis de France Culture : M. Macé Scaron, évoquant ce blog à l’antenne voici dix jours précisait entre deux louanges (merci) que "l’auteur de ce blog chronique des livres qu’il reçoit... ou va recevoir". Ben non, M’sieur. Mais vous m’avez bien fait rire, avec votre déformation du journaliste qui depuis longtemps a oublié que des livres, ça peut s’acheter, ça ne s’obtient pas uniquement gratos en demandant un service de presse. Mais brisons-là, vous allez croire que j’essaie de gagner du temps avant d’en venir à Florian Z...)

    Bref !
    J’ai acheté La fascination du pire, en édition poche. J’ai ri en voyant la couverture, mais je m’étais promis que je ne m’arrêterais pas à ça.
    Et donc...

    Si je ne m’étais pas engagé à le lire pour vous, je ne suis pas certain que j’aurais dépassé la page 30. Non pas que le livre fût mal écrit, pas du tout. Mais je m’ennuyais. Je m’étais attendu une écriture percutante, efficace, le genre de truc qui ne tient pas forcement la distance mais sait accrocher le lecteur dans les premières pages avec des formules bien senties, un peu publicitaire, en somme. Pas du tout. Au contraire : le texte était court, mais plein de longueurs.
    J’y voyais une certaine paresse dans l’écriture, comme si l’auteur écrivant au fil de la plume se substituait inopinément au narrateur pour des digressions qui ont le don de me faire sortir de l’histoire avant même d’y entrer.
    Il se passait des choses, pourtant - le narrateur par exemple hésitait à laisser un petit mot à sa compagne avant de prendre l’avion pour l’Egypte...

    Et puis, peu après que l’avion s’est posé sur l’aéroport du Caire, l’histoire a décollé, les digressions se sont faites plus rares ou plus à propos, et j’ai lu le roman assez vite – ce qui, somme toute, est un signe positif.
    Allez, disons-le : j’ai lu La fascination du pire sans déplaisir. Sans fascination non plus.
    Il m’a manqué cette petite lueur que certains livres vous allument dans l’oeil, au coin d’une belle formule ou d’une chapitre fort.
    Il m’a manqué quelques découvertes, aussi, mais sur ce point Zeller n’a pas de chance :

    • Il aurait pu me faire voyager, mais il se trouve que j’ai vécu au Caire quelques mois, et que ce qu’il a vu, je l’ai vu aussi (hormis un ou deux lieux interlopes, joliment dépeints d’ailleurs).
    • J’aurais pu m’intéresser au personnage-clé de l’histoire – un auteur moche, libidineux et revanchard – mais je me souviens trop d’Extension du domaine de la lutte pour ne pas y voir un double un peu affadi. Idem pour la thèse sous-jacente du livre, sur l’Islam et le désir : l’ai-je déjà lue chez Houellebecq (entre les lignes, peut-être) ou ailleurs, je ne sais plus, en tout cas le fameux esprit « polémique » dont parle la 4e de couverture sentait un peu le réchauffé.

    Cela dit, soyons honnête : après tout ce que j’avais entendu je m’attendais à trouver un livre prétentieux. Il ne l’est pas. Je doute que l’auteur le soit lui-même, d’ailleurs. Et après tout il écrit ce qu’il veut.

    Reste donc une question : pourquoi un tel battage ? pourquoi un tel succès ?
    Bah... Finalement tout cela dépasse sans doute l’auteur.
    A la lecture, je me suis dit que peut-être Zeller épousait suffisamment bien l’époque pour que Saint Germain et le petit monde médiatique en fassent un personnage emblématique.
    Après réflexion, je hasarderai une hypothèse : Florian Z a flirté avec l’époque (comme beaucoup), il a eu le culot de lui demander si elle voulait l’épouser et elle a dit oui. Car dans un mariage, il faut être deux. Pour le meilleur ou pour le pire.
    Et dans son cas, franchement, il n’y a pas de quoi monter sur ses grands chevaux. Après tout, l’époque est polygame.

    Pfiou, c’était long. Finalement, je pourrais vous faire une version courte, version Brève de comptoir :
    - Tiens, j’ai lu le dernier Florian Zeller.
    - Ah oui ? C’est bien ?
    - Pas mal.

    Heu... Et tout ça pour ça ??
    - Exactement.