Il y a plusieurs types de voyageurs, dans le métro. D’abord il y a la majorité silencieuse qui se met gentiment là où il y a de la place, et qui se pousse au fond en cas d’affluence. On connaît aussi les petits malins qui font la course aux places assises, les autistes qui restent sur leur strapontin quoi qu’il arrive…
Il existe aussi une espèce plus rare, mais pas moins sournoise - le voyageur-planton. Celui qui se plante devant la porte, face au quai, et ne bouge plus d’un centimètre. En général on le remarque surtout quand on veut sortir et qu’il bloque tout passage. Mais parfois, c’est l’entrée qu’il bloque.
Tout à l’heure, par exemple, station Invalides. Je vous fais la scène au ralenti : un jeune type pressé (moi) déboule des escaliers avec un grand sac à la main, il vient d’entendre qu’un métro est à quai, les portes sont en train de se refermer, le jeune homme accélère malgré ses eux sacs, il s’apprête à entrer in extremis dans la rame dans un magnifique déhanché qui déclenche les applaudissements du wagon ébahi par tant de sveltesse et de maîtrise… Sauf que devant la porte se tenait un gros con de quinquagénaire. Le jeune type aurait pu ajouter à son exploit une jolie bousculade, mais je suis trop bien élevé, alors j’ai freiné mon élan, j’ai lancé au quinqua ce regard de reproche noir dont je gratifie parfois un coéquipier mal placé sur une action de but, et j’ai regardé le métro s’éloigner.
Jusque là, vous me direz, je ne faisais que perdre trois minutes (mais dans le métro, allez savoir, chaque seconde compte triple). En réalité, j’étais d’autant plus énervé contre le type que je m’en voulais déjà à moi-même – je ne sais pas à quoi je pensais, en sortant de ce grand magasin soldé, mais je venais de me taper une moitié de ligne à contresens. Prenant mon mâle en patience je m’installe donc sur un grand siège anti-sdf, pose à côté de moi ce grand sac et ses 70 euros de fringues soldées. Vers 15h23 je me dis « tiens, ça fait bizarre de poser un sac de fringues à côté de moi, je n’ai tellement pas l’habitude, ce serait con de l’oublier sur le quai ». Vers 15h25 le métro arrive, je monte tranquillement dedans. Vers 15h31, je replie le Canard Enchaîné, m’apprête à prendre ma correspondance, pense soudain qu’il ne faut pas que j’oublie de prendre le sac… Mais le sac, lui, était encore à Invalides. Petit retour express, bien sûr il n’était plus là.
Voilà, maintenant c’est sûr, les soldes c’est vraiment une bonne affaire. Au moins, je peux repenser avec satisfaction à ce pull à 60 euros que j’ai reposé au dernier moment.
Je repense aussi à ce soir de la semaine dernière, où je suis allé retirer de l’argent au distributeur avant de m’installer au café : tout content que l’appareil me rende ma carte, j’étais parti le cœur léger, n’oubliant que les billets (et ne m’en rendant compte, évidemment, que bien plus tard). Et hop, 40 euros de plus par la fenêtre.
Si je veux continuer à positiver, je peux me dire aussi que ces quelques épisodes viennent heureusement confirment ce qui ne se traduit pas encore très concrètement dans mes carnets de note – maintenant, c’est sûr, je me suis bien remis en mode écrivain, la tête bien en l’air.
J’espère bien qu’un jour l’écriture finira par me rapporter des sous, parce qu’on ne se rend pas compte, mais écrire, ça peut coûter cher.
Commentaires
Et voila comment je ne retiens que deux lignes, juste deux.
Les deux dernieres...
g.
"Allo McFly ?"
Je suis comme g., j'aime la chute. (Et on voit que tu n'es pas une fille. Une fille n'oublie ja-mais un sac plein de fringues soldées sur un quai de métro. Son mari, ses enfants, peut-être. Mais pas des fringues, soldées en plus.) (Pfff, ces hommes!)
C'est ça d'acheter des trucs en solde... on y fait moins attention vu qu'on a bénéficier d'un rabais...
PS J'adore la chute aussi
Pas facile d'avoir la tête dans les nuages ou plutôt devrais-je dire dans la fumée de ton argent qui s'envole !
Certains sont distraits sans même avoir l'excuse d'écrire; ou alors tout au plus de tout petits écrits vains. Cela dit, je n'ai jamais oublié mon fric au distributeur non plus. Peut-être que ça viendra avec le talent.
ça pourrait paraître méchant mais j'adore. Et Fashion a raison, une femme n'oublierait jamais un sac de fringues dans le métro, ni nul part ailleurs d'ailleurs...
Mais j'espère sincèrement que l'écriture te rapportera des sous :-)
Mais il faut te suivre à la trace alors… :)
> g. : perso je retiens aussi la 8 et la 12 (les deux lignes que j'ai confondues avant que ne m'arrive ce triste épisode... ;)
> Brg : heu... McFly ??
> Fashion : ben oui, sans l'habitude il nous manque des réflexes...
> Arpenteur : si ça pouvait être ça... mais non...
> Nath : l'argent qui s'envole ne fait pas de fumée, il fait le bonheur d'un autre... (Grrr)
> Vagant : oh, mais j'étais distrait bien avant d'écrire quoi que ce soit !
(tiens, là par exeple je repense à cette convocation pour l'armée parce que j'avais oublié d'envoyer ma demande de report)
> Emeraude : pour l'instant le solde reste positif, mais de peu... (merci ;)
> Charl' : si tu m'avais suivi il y a qqs années, tu aurais pu avoir une voiture - deux nuits où je l'ai laissée dans la rue avec les clés sur la portière...
Tu me rassures, tu es encore plus étourdi que moi (quoi que moi je suis étourdie, même sans écrire un roman, bon, ça a l'air dangereux d'écrire, finalement :-) ). Tu es condamné à écrire des best-sellers à l'eau de rose :-D
Damned, il y a des jours comme ça où il faut être fort pour positiver. Ca me rappelle à une période de ma vie à laquelle je ne repense qu'avec des frissons, ce moment où tu n'es plus ton meilleur ami et où tu dois te méfier de toi-même qui te trahis sans cesse...
ca me rappelle ton autre billet étourdi; et ca me fait le même effet "creux de la main".
c'est dingue quand même !
quant au sac, tout a fait d'accord avec Fashion.
Ouais bin moi je reste sur ma théorie première...en fait ta distraction est d'une limpide clarté mais je ne te déballerai pas ici ;)
bizz
Miam miam.
Une bonne petite histoire, ce genre de truc qui fait marrer quand on ne le vit pas, mais qui rend dingue dès lors qu'on en est l'acteur (il y a aussi, dans le même registre, les chutes grotesques qui font super mal mais qui provoque l'hilarité de tout le monde sur le quai, y compris celle du type qui, finalement, vous tend la main pour vous aider à vous relever - une humiliation saine, à mon avis.)
(j'ai pas mon permis c'est con) :p
bonjour , alan king m'a suggéré d'aller voir votre blog.... j'ai lu, je reviendrai.
à bientôt,
valentine
Je trouve que ça te rend sexy ce coté étourdi. Ne me demande pas d'expliquer, c'est comme ça.
(sinon, j'ai fort souri sur le voyageur planton. Surtout que j'avais lu "plancton")
"Fashion victime" : il y a des filles qui effectivement ne risquent pas d'oublier un sac plein de fringues, écrivain ou pas : le dernier habit que j'ai acheté, c'était une robe d'été, pour mon mariage il y a 5 ans et demi... quelle idée de faire les soldes ! Je préfère rester sur mon canap à écrire et me débrouiller avec les habits qu'on me donne, que je prends à mon fils aîné lorsqu'il grandit encore, ou que je recouds (mon blouson d'hiver a 20 ans). C'est marrant, en plus, je ne suis pas du tout étourdie, je pense à tout, et ce qui me permet justement d'écrire en toute circonstance : je dois pas être un vrai écrivain, j'ai la tête trop par terre.
En tout cas, ça m'a fait marrer ton histoire, Second Flore...
> Cassiopée : hum... je ne saurais pas faire
> Pandore : je ne me connais aucun ennemi extérieur ;)
> Ecaterina : on doit être bien, au creux d'une main...
> Fafa : ouais, sur ce coup-là je pourrais te suivre ;)
> Franswa : j'aimerais bien, maintenant que tout est digéré, voir les images du moment où qqn s'est emparé du sac, peinard... (ou alors un peu honteux, avec des petits coups d'oeil autour de lui/elle...)
> Charl' : hé hé... (mais si j'avais un vélo, je le laisserais pareil)
> Valentine : eh bien... bienvenue (tout cru), et à bientôt
> Lib : est-on vraiment plus sexy sans vêtement ? ;)
> Em : nous sommes d'accord que la fin n'est qu'une pirouette... mais c'est vrai que j'aime bien me balader dans le métro avec les personnages de l'histoire en cours.
(sinon, avouons-le, je fais la course comme les autes, à défaut de faire les courses)
Bertrand,
C'est la journée Alzheimer aujourd'hui .... Je pense à toi !
un soir de décembre 2006, sur le quai de métro station Havre Caumartin.
c'est samedi, c'est 19h.
j'aime pas Noël, j'aime pas les grands magasins, j'aime pas faire les courses le week-end.
je suis saoulée.
le métro n'arrive pas, ya trop de monde et je grogne (dans ma tête).
le métro arrive (le métro finit toujours pas arriver)
mais ya trop de monde.
alors j'attends le suivant.
le quai se vide.
je lève les yeux, je rebaisse les yeux.
Ya un paquet à mes pieds.
oublié.
je laisse passer 3 rames dans un sens et 4 dans l'autre pour voir si la personne va revenir chercher son colis (pas piégé, j'ai vérifié).
alors oui, desfois on est tête en l'air...
depuis, je pense à ce soir de décembre et je me dis que ce que j'ai perdu fera un heureux quelque part.
un cadeau de la vie.
dans le sac, yavait des chocolats dégueu et un parfum pourri.
Mais c'est l'intention qui compte, non ? ;-)
> Bouboune : c'est sympa de s'en souvenir ! ;)
> Zel : ha! un joli compte de Noël... votre attente justifie le cadeau.
(heu... vous faisiez quoi, mercredi dernier, vers 15h40 ?)
Ben tu vois, moi j'ai tout retenue :)
Et pour la parenthèse métro, je me suis sentie transportée ce matin à République. Les portes du métro se refermaient lorsqu'un C.... à voulu jouer à super man, le problème c'est que :
1) J'étais devant lui
2) Il aurait du mettre des lunettes pour s'appercevoir que même avec personne devant lui, il n'aurait jamais eu son p..... de métro.
Rater son RER, ça je comprends, mais le métro, toujours pas.
C'est mes neuronnes de sudiste qui parlent, pas moi hein :)
Ah, Paris, la petite compète au quotidien...
(mais franchement, avec tout le monde que charrie le métrio chaque jour, je trouve étonnant qu'au final tout soit si fluide. Si, si. Ce sont mes neurones de parisien qui parlent ;)
vous auriez du prendre ce joli pull à 60 euros...
Faustine : Comme les métros marchent très bien et sont fréquents, on part à la dernière minute. Chaque métro raté est un métro de retard.
En plus, c'est un jeu, les parisiens sont joueurs. Le but du jeu est d'éviter de faire les cent pas cinq minutes de plus sur un quai sale.
Bertrand, mcfly : de retour vers le futur.