Ah, le roman français ! Il va mal, il ne s’aime plus, il regarde son nombril plutôt que le monde… On finirait par le croire.
Mais si les commentateurs officiels du petit monde des chiffres et des lettres passaient moins de temps à regarder le nombril de leurs voisins, ils en gagneraient pour lire des livres qui.
M’enfin. On connaît le refrain. Donc, c’était à la rentrée 2007 (toujours elle? ben oui). Je me souviens d’avoir entendu parler ici et là d’un roman-d’anticipation-qu'avait-l’air-vraiment - le genre d’infos qu’on archive en passant, peut-être bêtement en attendant qu’un grandmédia® valide le tuyau. Sauf que si je me souviens bien, à l’époque les grandmédias étaient surtout occupés à interviewer Mazarine Pingeot et à commenter le passage de 95 à 92 ans de l'âge limite pour les jurés du Goncourt.
Ainsi donc il y avait cette info, archivée quelque part. Et il a fallu une bonne année, un aticle de Standard et l’obstination enthousiaste de Christophe Paviot, sur Strictos et sur le Buzz littéraire, pour qu’enfin je l’ouvre, ce livre.
Le dernier monde, de Céline Minard, donc.
Mais vous voulez peut-être savoir de quoi cause le livre, surtout.
OK.
C’est l’histoire d’un cosmonaute en mission dans une station orbitale. Quand Houston rappelle tout le monde sur Terre après quelques étranges phénomènes, Stevens décide de dire merde et de rester tout seul là haut. Page 100, il revient enfin. Mais il n’y a plus personne sur Terre. Page 150, il comprend ce qui s’est passé. Jusque là, c’est du très bon. Mais il reste 350 pages et on se demande ce qu’il va bien pouvoir faire tout seul tout ce temps-là.
Eh bien, il trouve. D’abord, il doit composer avec les animaux (rats, lions, porcs et autres), tâcher de faire survivre sa petite République humaine. Ensuite il se donne ce défi – ranger la station, comme là-haut. Et puis surtout, il n’est pas seul. C’est une histoire à quatre que raconte Céline Minard – celle de Stevens, de sa Peur, de sa Mémoire triste et de sa Part de féminité, qui s’engueulent gentiment et tentent de coopérer tout en se disputent la narration.
Bref – si on en voulait, du roman-monde, en voilà un vrai, un beau. Avec quelques envolées haut perchées dans lesquelles on peut plonger ou qu’on pourra sauter allègrement pour mieux goûter la suivante (je crois qu’il n’y pas un seul grand livre dans lequel je n’aie pas sauté de paragraphe). Et surtout, quelques-unes de ces pages qui vous scotchent au lit alors que vous aviez vraiment prévu de vous coucher tôt.
De toute façon, le monde des livres appartient à ceux qui se couchent tard.
On en recausera.
Commentaires
ok ! ça donne envie, je vais peut-être changer ma lettre au Père Noël...
Oui, Céline Minard elle est impressionnante ! pas encore lu son Bastard Battle mais c'est sur ma liste.
> Oh, une petite brune enthousiaste ! je vous embrasse.
(dis, il y avait quoi, avant, sur la liste ?)
> Lidell : un bon écrivain n'est donc pas toujours un écrivain mort - je te rendrai Enard, à l'occasion, il a failli se retrouver ici plus d'une fois. peut-être que, tiens.
y'avait rien !
;)
Ha ha, "le monde des livres appartient à ceux qui se couchent tard", ça me rappelle franchement "longtemps je me suis couché de bonne heure avant de tomber sur le blog de second flore"... Bon, bah, mes piles de trucs à lire vont pas diminuer. Tu l'as bien vendu ton truc...
Je tombe par hasard, de clic en clic, sur votre blog, et c'est une belle découverte. Bravo, je reviendrai.
> Petite Brune : parce que vous avez déjà été comblée en 2008 ? :)
> Castor : (ha ha toi même, tiens) mais je sais que tu lis plus vite que ton ombre...
> Georges F : (tiens! Ulysse online)
eh bien... merci - et à bientôt.
Oui, je sais, il date ce post mais je viens juste de terminer le Minard et j'abonde.
Impressionnant. Foisonnant. Scotchant. Et parfois même hilarant.
Pour les pauvres ou les radins, est sorti en poche.
(ah, mais ce post est immortel !)