Il était 15h20 et la nuit tombait lentement, Stockholm était très calme, elle semblait presque triste. Au bout du parc, derrière l'école maternelle, il y avait de la lumière et des orchidées suspendues, je suis entré. Bonnierskonsthall, disait le bâtiment. Life forms, disait l'exposition. Le genre d'art qui interroge notre regard sur tel ou tel sujet. Le sujet, là, c'était la nature. L'organique et l'artificiel, tout ça, avec des artistes internationaux. Pourquoi pas.
J'ai bien fait. Derrière la caisse, le couloir affichait une première œuvre magistrale. Retenez bien son nom. Imaginez un couloir à l'entrée duquel sont alignées cinq couvertures de l'armée suisse, parfaitement pliées. Sur chaque couverture, une pierre. Chaque pierre fait la taille du sac que l'Artiste prenait sur son dos lors de son voyage dans les Alpes suisses, dit le texte qui accompagne l'Oeuvre. Ni plus, ni moins (l'art, c'est être précis, disait Juan Gris). Un peu plus loin, cinq photos témoignent des cinq endroits où l'artiste a pris les pierres - mais attention ! les photos, prises en grand angle, sont présentées verticalement - so as to disrupt the anthropocentric gaze, and to admit the possibility of a seeing and a consciousness that is other than human.
(l'art n'a pas besoin de langue ; son commentaire non plus, en fait)
Voilà.
Sans doute mon regard n'a-t-il pas compris la question.
Cela dit, à propos d'art et de nature, je crois que j'ai compris quelque chose de profond. On croit toujours que l'herbe est plus verte ailleurs : pas forcément. Le reste des œuvres était à l'avenant, j'ai même pensé un moment que le Palais de Tokyo était enfoncé dans son style - ou mieux : la Fondation Ricard (sans doute la plus fabuleuse collection de toc conceptuel de Paris), et là...
... Et là, bingo ! Laissons cette carte postale inachevée, je viens de voir que "Conscience de pierres", d'Helen Mirra, avait été exposée à la Fondation Ricard. Toutes les pierres sont à leur place, c'est parfait. Du coup je vous offre un morceau de l'œuvre :
Demain il sera temps de voir si le soleil de Stockholm se couche vraiment à 15 heures ou s'il ne fait qu'une petit sieste.
Commentaires
Quelle méchanceté avec la fondation Ricard... Je t'ai déjà dit d'aller voir Ensor à Orsay, en attendant...
Si sur nul commentaire n'apparaissait : "(...) mettre le spectateur en contact direct avec l'œuvre", il s'agissait d'une imposture.
> Castor : t'as raison, j'y suis allé qu'une fois (mais c'était drôle)
> Vlou : mince alors, on m'aurait escroqué ?
"the artist exposes herself and the viewers to the physical forces that ultimately determine our existence (...) A reduction of existence to its most tangible physicality", tu crois que ça compte ?
N'étant pas spectatrice, je ne saurais juger de la chose ; néanmoins, le fait qu'elle t'expose aux forces physiques déterminant notre existence, outre le danger que cela puisse représenter (j'en appelle au LHC), me semble une clause propice à la validation.
C'est de l'Art, du vrai, et je m'incline.
Hors-sujet : je voulais seulement vous envoyer ce télégramme de Strasbourg pour vous sommer, si je puis me permettre, de cesser d'écrire aussi petit.
> Vlou : LHC... le grand collisionneur de hadrons ?
(merci pour la validation, je tamponne le souvenir, il sra conservé 5 ans)
> Chr. B : je veux bien m'engager à penser plus grand, mais pour l'écriture j'aurai du mal !
(salutations à Strasbourg et au baby-foot de l'ancienne poste)
L'art contemporain a aussi tendance à me laisser sans voix... mais rarement dans le bon sens du terme.
Itou, et pourtant j'y reviens toujours, bizarrement...