Je l'avais croisé étudiant. Il était grand, la démarche un peu raide peut-être mais l'oeil rieur et les traits fins dans son uniforme jean-t-shirt.
Hier soir, ligne 4, il m'a fallu quelques instants pour le remettre. Il était encore un peu plus grand, avec les talonnettes de ses chaussures noires. Il portait un costume anthracite aux fins parements blancs, mais sous la cravate ses traits à lui avaient grossi. Balzac aurait été parfait pour décrire son visage empâté et son menton saillant, plein de la conscience de ses responsabilités - la paternité, sans doute, et avec elle un rapport devenu paternel au monde. A la main, il avait le Figaro.
Balzac aurait parlé de ses chaussures, sans doute. Il aurait tout de suite vu qu'elles n'allaient pas avec le costume - de bonnes chaussures bien solides, mais rien à voir avec la pompe chic des traders à chemise rose croisés un peu plus tôt. Il y aurait vu sans doute le lien qui le raccrochait au monde d'avant l'argent. Ensuite bien sûr il aurait parlé de ses yeux. Aiguillé par l'indice des chaussures, il y aurait cherché (peut-être vainement) la flamme de l'étudiant sous la paupière tombante du jeune banquier. Mais je n'y connais rien en chaussures, et je n'ai pas vu ses yeux. Je n'ai même pas eu à les éviter : en trois stations, tête droite et menton en avant, il n'a pas jeté un seul regard de côté.
Honoré, où es-tu ? Tes personnages sont encore là.
Commentaires
Peut-être qu'il est tellement tellement heureux que, pour ne pas rendre les gens jaloux, il revêt les oripeaux d'une vie monotone et vide lorsqu'il se montre en public?...
Ce serait en quelque sorte le comble de la générosité urbaine.
Peut-être qu'il est tellement tellement heureux que, pour ne pas rendre les gens jaloux, il revêt les oripeaux d'une vie monotone et vide lorsqu'il se montre en public?...
Ce serait en quelque sorte le comble de la générosité urbaine.
Peut-être qu'il est tellement tellement heureux que, pour ne pas rendre les gens jaloux, il revêt les oripeaux d'une vie monotone et vide lorsqu'il se montre en public?...
Ce serait en quelque sorte le comble de la générosité urbaine.
Peut-être qu'il est tellement heureux...
Ah non, je romps le fil du commentaire répété !
C'est bizarre, ça, Balzac d'aujourd'hui.. Qu'écrirait Balzac aujourd'hui ? Est-ce qu'il utiliserait le même procédé de la description-révélation ?
J'ai comme l'impression que les descriptions, c'est un truc qui ne s'écrit plus, aujourd'hui... les longues descriptions, s'entend. Il y a quelque chose de "daté" peut-être que l'écrit a renoncé à concurrencer l'image sur ce point là ?!
2nd flore tient absolument à faire entendre ma voix... Je n'en demandais pas tant.
Où il est? Il se cache de ses créanciers!
Accent Grave
> r1 : prendre des gants pour se camoufler - toute l'élégance XIXe, en somme
(tu sais s'il a un blog ?)
> Anacoluthe : certes - mais pour décrire les caractères, l'image ne peut rien !
> Accent grave : juste! mais je croyais qu'il écrivait pour tenter de les calmer...
Je ne suis pas tout à fait d'accord, l'image peut décrire, elle aussi. Même si Balzac d'amour est irremplaçable, on est d'accord.
(des caractères s'entend)
(enfin, s'écrit)
(enfin bref, tu as compris)
Ses chaussures sont peut-être la dernière chose qui lui rappelle d'où il vient, histoire de ne pas perdre pied dans ce monde quasi virtuel des traders et autres financiers…
peut-être qu'il est tellement heureux
> Anacoluthe : intéressant... En même temps, des écrivains comme Hammett (et d'autres) ont depuis réduit la description d'un personnage à de rapides coups de pinceaux suggestifs, donnant au lecteur le soin de se faire eux-mêmes une opinion...
Comme SecondFlore, d'ailleurs... :)
> Fashion : yep! mais qui, hein ?
> Yola : de façon sans doute inconsciente, mais c'est ça.
> ctoileblog : voilà. et moi si jaloux.
(salutations à Florent M)
> SophieK : vrai - c'est tjs intéressant de voir des liens entre des arts qui n'ont rien à voir...
(flatteuse) (ça fait plaisir) (sauf que moi ce serait plutôt par paresse ;-))