On m’avait promis de l’intelligence et du romanesque, du politique et de l’érotique, un don Giovanni moderne sachant lire le cœur et le corps des femmes tout en parcourant l’Europe du début du XXe siècle.
… Et donc, aujourd’hui, cette question : comment diable ai-je pu, voici deux ans, abandonner la lecture de « G. » après trente pages ?
Vers la fin du siècle dernier, la classe dominante en Angleterre dut affronter une crise inhabituelle […] Son mode de vie apparaissait de plus en plus incompatible avec le monde moderne. D’une part, la taille de la finance, de l’industrie et de l’investissement impérialiste exigeait une image nouvelle du commandement ; d’autre part, les masses réclamaient la démocratie. La solution adoptée par la classe dominante fut conforme à sa nature : pleine d’esprit et frivole. Si son mode de vie était appelé à disparaître, elle le mènerait à son apothéose le transformant ouvertement et sans honte en spectacle : puisqu’il n’était plus viable, il deviendrait théâtre […] A partir de 1880, tel fut le sens sous-jacent de la vie mondaine : les Chasses à courre, les Concours hippiques, les Bals de la cour, les Régates, les Grandes réceptions.
Le grand public accueillit favorablement l’apothéose. Comme la plupart des publics, il avait l’impression de posséder plus ou moins les acteurs en scène.
John Berger, G., p. 46
(à suivre)
Commentaires
Je le note ! ;)