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  • ... et maintenant, la Thailande

    Je suis retourné chez mon coiffeur aujourd’hui, finalement. Le jeune Egyptien n’était pas là, mais au-dessus du grand miroir trône désormais un dessin de sphinx sur du papier imitation lin, comme on en trouve pour 1 euro dans toutes les boutiques à touristes d’Egypte.
    Il n’y avait pas non plus d’Indien ou de Pakistanais, mais un avocat, oui. Un retraité de la cour des comptes, si j’ai bien compris. Qui expliquait que non, il ne vérifiait pas les comptes des entreprises, ha ha rassurez-vous, seulement ceux de l’Etat, et que ça n’avait pas servi à grand’chose.
    L’homme parti, le Salon s’est remis à parler arabe, entre les deux coiffeurs, l’éternel ami-sur-la-chaise (jamais le même) et un jeune gars venu réparer le chauffage du Salon.

    Le type qui s’occupait de moi venait de reposer le rasoir (« profesyonel », disait l’emballage de la lame) quand le téléphone a sonné. C’était pour lui. C’est Ali, a dit le patron, et ça avait l’air important parce que mon coiffeur a respiré un grand coup avant de prendre le combiné et de s’éloigner dans l’arrière-boutique.

    Je n’ai pas eu besoin de tendre l’oreille pour comprendre qu’avec Ali, on parle français, pas arabe. Le jeune coiffeur disait "Ali" mais dans sa voix on entendait "Monsieur Ali". En cinq minutes il a répété "professionnel" une bonne dizaine de fois. Oui, oui, je vous jure, deux fois champion d’Afrique. Niveau professionnel.

    Renseignement pris, c’est un combat de boxe thai qui venait de se conclure, là, au salon.
    - Je fais un peu agent pour un ami, a précisé mon coiffeur. Un gros combat.
    Puis il m’a demandé si je voulais qu’il me désépaississe les sourcils.
    J’ai dit oui, volontiers.

  • B.a.-ba, live

    Entre les clients et les amis de passage, les moments de répit sont rares, pour mon coiffeur du boulevard d’Ornano.
    images?q=tbn:ANd9GcRTm-QjXcNbkDKDFZdrnBMVc7F1wyGBfDporclEbsnvtk_YC5muIl y en a, quand même. L’autre jour, en passant devant la boutique, je l’ai trouvé assis avec son apprenti égyptien (voir épisode précédent), au soleil sur le trottoir, attitude studieuse. Sur les genoux du jeune homme, j’ai reconnu un livre que je connais bien, avec de grandes lettres et des dessins enfantins : c’est l’un des manuels que j’utilisais avec mes élèves d’alphabétisation. Une belle histoire qui continue, en somme.

    Je suis allé présenter mes respects au patron. Il m’a confirmé que son jeune apprenti faisait des progrès – et pas seulement pour les beaux yeux sa copine.
    - Il coupe bien les cheveux mais il faut aussi bien parler français pour la clientèle. Parce qu’ici, on n’a pas que des arabes, hein. On a des même des avocats !
    Puis il m’a donné un rapide cours de géopolitique de la coiffure parisienne.
    - Les africains, c’est très spécial. Ils ont des salons pour eux, mais ils ne savent pas couper les cheveux raides. Nous autres, les arabes, on sait faire avec tous les cheveux. Les noirs, les blancs… Même les Indiens et les Pakistanais. Vous savez pourquoi ?
    Je ne savais pas.
    - Parce que les Indiens ne veulent surtout pas aller chez les Pakis, et les Pakis pareil. Du coup, ils viennent chez nous.
    La vérité semblait toute proche, JF Copé tellement loin.

    J’y retourne demain, on verra bien.

  • … Et soixante ans plus tard

    Près de mon bain j'avais laissé mes deux historiens laconiques en 1930, décrivant l’échec des politiques déflationnistes en Europe. Deux cents et quelques bains pages plus tard, les voilà arrivés à la fin du siècle. Et ils ont gardé le même recul.
    Encore une fois, ils écrivent sans penser à Lehman Brothers, à Goldman Sachs, à la Grèce ou à Angela Merkel.
    Encore une fois, ils prouvent que l’esprit de synthèse est une arme implacable.
    Sans commentaire.

    images?q=tbn:ANd9GcQDW5BIjsnDY2onaXZRP9xz5iv-aMypHuATz-e-zCROLYjO7TKvCALa mise en place d’une monnaie unique entre des pays qui se sont déchirés pendant des siècles constitue un tournant historique indéniable. Mais (…) le respect des critères de Maastricht (1992) et d’Amsterdam (1997) a imposé aux gouvernements concernés des pratiques draconiennes de rigueur qui, venant se superposer aux effets déjà hautement déstabilisateurs de la globalisation, risquent de déboucher sur une véritable explosion sociale.
    Pris en tenaille entre la nécessité d’accélérer le processus d’intégration européenne pour répondre aux défis de l’économie-monde et la résistance des catégories menacées et des nombreux bénéficiaires de l’Etat-providence, les gouvernements en charge des affaires n’ont guère d’autre choix que de tenir le cap en corrigeant, au coup par coup, les effets les plus explosifs des réformes, et en essayant de convaincre leur électorat que celles-ci sont l’inévitable rançon d’un changement de l’histoire et non l’habillage idéologique d’un libéralisme sauvage privilégiant, au nom des "lois du marché", la finance et la "rationalité économique" aux dépens de la cohésion sociale.
    Berstein & Milza – Histoire de l’Europe (Hatier, ed. 2006)