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  • Mon chien Stupide (Fante, mode d'emploi)

    5fd2ece4260001e99fea5230c933a42b.jpgDeux fois hier on m’a regardé avec un œil pétillant - Ah, tu lis Fante ?
    Eh oui. Enfin.
    On me l’avait conseillé plusieurs fois, ce livre. Mais allez savoir pourquoi, je m’en étais fait l’idée d’un livre ennuyeux. La photo de la couverture, sans doute, belle mais tellement statique, enfermée dans les seventies – un livre à pattes d’eph, en somme, un livre diesel aussi dans lequel on mettrait du temps à s’installer.
    Evidemment, c’était très con.

    La semaine dernière, donc, je l’ai retrouvé sur une étagère de bibliothèque, j’ai revu le pétillant dans les yeux de son propriétaire, et j’ai fini par l’ouvrir. Presque à reculons. Et pourtant. Il suffisait de tourner cette couverture et de lire la première page pour avoir envie de lire la deuxième, puis le chapitre, puis…
    Fante a un don étonnant pour nous embarquer sans nous prendre par la main, juste une histoire qu’on suit pas à pas, et de la profondeur sans y toucher.

    Quelle histoire, demandez-vous ? Mais on s’en fout, de l’histoire… L’important c’est qu’il y en ait une, ensuite il suffit de monter dedans.
    Et pour vous éviter comme à moi une trop longue attente, je vous propose un mode d'emploi :

    Prenez la voiture de la couverture. Faites le plein. Laissez la fille à la station, vous la retrouverez plus tard. Mettez le contact, appréciez le ronronnement du moteur, prenez une petite route avec de grands virages et roulez lentement. Admirez le paysage. Pensez à autre chose. Des souvenirs, par exemple. Ou des projets – mais des grands, alors. Laissez-vous aller. Commencez à sourire. Retournez au point de départ.
    Vous venez de lire Fante.

    Bienvenue au club.

  • Porte de Clignancourt

    d3555baabdfa21bab3e42520b94b7c30.jpgLa première chose que vous verrez, c’est l’enseigne rouge du KFC. Puis vous baisserez les yeux et viserez les prospectus et gobelets McDo jetés par terre. En les relevant, vous serez étonnés de revoir des jeans neige (oui!), vous pesterez contre l’anarchie piétonne et bien sûr vous manquerez l’essentiel – parce que pour ce jeune maghrébin qui traverse au feu rouge, l’important c’est la main de sa copine qu'il tient maladroitement.

    En un saut de Puces vous voilà dans le métro, à contempler une jeunesse de toutes les couleurs unie dans le mauvais goût occidental made in China, l’addiction au sucre, les sonneries de portable et la graisse de fast-food – et souvent l’invective parce qu’on n’a pas les mots, et que l’amitié avance toujours masquée.
    Ça, c’est la Porte qui grouille.
    Mais à d’autres heures, la Porte de Clignancourt est un paisible bout d’Afrique.
    Ce matin, par exemple, lorsque face à moi sur la banquette s’est éclairé le visage fatigué d’un vieux sénégalais. Dans la rame venait d’entrer un autre homme – même origine, même veste élimée à la mode de jamais, même tricot. "ça alors, si je m’attendais !" Ils ne s’étaient pas vus depuis des années. Pas d’effusions, mais il y avait de l’émotion dans les yeux de ces hommes, de la sagesse aussi – on aurait eu envie d’écrire sur le champ l’histoire qui soudain les réunissait là et les ramenait si loin en arrière.
    La veille au soir, dans la rame immobile d’une attente de bout de ligne, l’ambiance était à la palabre. Autour d’un exemplaire froissé de L’Equipe, trois hommes se disputent sur le sens d'un mot en parlant foot, animaux et rois de France. Soudain l’un d’eux se lève, vient me voir, me montre l’article. Il était question de Marseille, dauphin de Lyon la saison dernière. J’explique, le gars me remercie et se retourne vers les autres – "C’est bien ce que je vous disais !" Et le débat reprend de plus belle.

    A l'air libre, la Porte n'est plus l’Afrique mais un petit bout de terre où les pays vivent en paix. Un peu moins de décolletés et de minois effrontés que dans le centre, sans doute, mais derrière la sape à dix balles se cachent parfois des traits magnifiques – celui de cette jeune slave, par exemple, qui lit en terrasse. Ou encore cette autre, là-bas, que je regarde en oubliant la foule autour.
    - Excusez-moi… On se connaît ?
    - Non, mais c’est dommage.
    - Hmmm... Peut-être !
    Et dans un sourire elle s’engouffre dans la bouche de métro.

    Un parfum de début d’été flotte sur dans l’air de la Porte de Clignancourt. Le temps glisse tranquillement – attention, on pourrait tomber
    amoureux.