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Porte de Clignancourt

d3555baabdfa21bab3e42520b94b7c30.jpgLa première chose que vous verrez, c’est l’enseigne rouge du KFC. Puis vous baisserez les yeux et viserez les prospectus et gobelets McDo jetés par terre. En les relevant, vous serez étonnés de revoir des jeans neige (oui!), vous pesterez contre l’anarchie piétonne et bien sûr vous manquerez l’essentiel – parce que pour ce jeune maghrébin qui traverse au feu rouge, l’important c’est la main de sa copine qu'il tient maladroitement.

En un saut de Puces vous voilà dans le métro, à contempler une jeunesse de toutes les couleurs unie dans le mauvais goût occidental made in China, l’addiction au sucre, les sonneries de portable et la graisse de fast-food – et souvent l’invective parce qu’on n’a pas les mots, et que l’amitié avance toujours masquée.
Ça, c’est la Porte qui grouille.
Mais à d’autres heures, la Porte de Clignancourt est un paisible bout d’Afrique.
Ce matin, par exemple, lorsque face à moi sur la banquette s’est éclairé le visage fatigué d’un vieux sénégalais. Dans la rame venait d’entrer un autre homme – même origine, même veste élimée à la mode de jamais, même tricot. "ça alors, si je m’attendais !" Ils ne s’étaient pas vus depuis des années. Pas d’effusions, mais il y avait de l’émotion dans les yeux de ces hommes, de la sagesse aussi – on aurait eu envie d’écrire sur le champ l’histoire qui soudain les réunissait là et les ramenait si loin en arrière.
La veille au soir, dans la rame immobile d’une attente de bout de ligne, l’ambiance était à la palabre. Autour d’un exemplaire froissé de L’Equipe, trois hommes se disputent sur le sens d'un mot en parlant foot, animaux et rois de France. Soudain l’un d’eux se lève, vient me voir, me montre l’article. Il était question de Marseille, dauphin de Lyon la saison dernière. J’explique, le gars me remercie et se retourne vers les autres – "C’est bien ce que je vous disais !" Et le débat reprend de plus belle.

A l'air libre, la Porte n'est plus l’Afrique mais un petit bout de terre où les pays vivent en paix. Un peu moins de décolletés et de minois effrontés que dans le centre, sans doute, mais derrière la sape à dix balles se cachent parfois des traits magnifiques – celui de cette jeune slave, par exemple, qui lit en terrasse. Ou encore cette autre, là-bas, que je regarde en oubliant la foule autour.
- Excusez-moi… On se connaît ?
- Non, mais c’est dommage.
- Hmmm... Peut-être !
Et dans un sourire elle s’engouffre dans la bouche de métro.

Un parfum de début d’été flotte sur dans l’air de la Porte de Clignancourt. Le temps glisse tranquillement – attention, on pourrait tomber
amoureux.

Commentaires

  • je vois vraiment pas de quoi tu parles, garçon, vraiment pas (sourire)

  • Je le savais que tu avais un coté dragueur... Sourire.
    Perso j'préfère la POrte de Clichy. Rires

  • Tombe, tombe, j'en connais à qui ça réussit...

  • Des jeans neige... j'en ai eu un. Personnalisé au tabasco un mois après.

  • > Lola : il faudra donc que je te montre ;-))

    > Chroniqueuse : ah ??? faudra que tu m'en parles, alors...
    (tu me raconteras la porte de Clichy par la même occasion, j'y ai quelques souvenirs)

    > Castor : va savoir sur qui je vais tomber...

    > Brg : je ne sais plus trop comment c'était à l'époque, mais aujourd'hui le jean neige se porte moulant sur des cuisses boudinées - avec des baskets à la languette remontée sur les chevilles (je me demande même si elles ne sont pas vendues avec)

  • Mazette ! Vous, vous rentrez en forme (littéraire, s'entend).

  • Rive droite, bien sur !!! Le reste, c'est la Province.

  • attention : le jean neige est cancérigène.
    (+1 pour Hors Jeu)

  • Poil à la queue

  • Hmm merci pour ce bout de Paris que j'aime, cette ville si variée, d'une porte à l'autre, que j'aime arpenter au hasard dès que l'occasion se présente...
    Je vais pas tarder à réserver un billet moi...
    Magnifique texte.

  • Merci pour la balade... Charmant, vraiment.

  • comme une fan, un com' à la con, qu'on lit trop vite mais qui a le mérite d'être exprimé: je ressens aussi...De la profondeur de l'ailleurs ici...de la prise de distance dans le monde dans lequel on vit....

  • > LVS : vous savez bien que l'important, c'est le fond...

    > Syd C. : l'évidence... mais il est vrai que mon travail occasionne de fréquents déplacements en province.

    > Zel : en tout cas, peu de canons à neige à signaler par ici...
    (le jeu des 7 erreurs commence, donc... ;-)

    > Arpenteur : j'ai pris un plaisir à écrire ce billet-là... (merci d'excuser aussi joliment mes maladresses !)

    > AD : tu n'as plus qu'à venir voir, maintenant

    > Virginie : dans mes bras, fan d'un comm' ! ;-)
    (ce que tu as senti... c'est étrange, 18 mois que j'habite ici, des petits bouts d'histoire que je traînais et soudain ce week-end, la bonne distance m'est venue. (ailleurs, profondeur, ça rime bien))

  • "souvent l’invective parce qu’on n’a pas les mots, et que l’amitié avance toujours masquée." Ah que c'est beau et juste !

  • c'est ou la lucarne des écrivains ?

  • > Pandore : "cela est juste et beau", attention au lyrisme ! ;-))

    > Virginie : à gauche, puis tout droit...
    (corrigé)
    (mais je te croyais loin... l'O a déjà coulé sous les ponts ?)

  • loin puis près à nouveau puis...Très loin très bientôt...
    Alors j'irais à droite puis à gauche

  • Mais voyons ! Qd elle a demandé, "on se connait?" Il fallait en profiter pour faire la pub pour ton bouquin "Vous m'avez surement vu à la TV ou sur internet. Je viens de sortir un nouveau livre, tenez, voici son nom "hors jeu" (et hop une petite carte de visite avec le nom du livre, là où le trouver .. etc), et depuis les médias ne me lachent plus ... et hop un livre de vendu :-).
    Très joli texte sinon, mais bon, est-ce besoin de le dire, on a l'impression de se répéter ;-)

  • > Virginie : insaisissable... ;-) (et là, au détour d'un virage...)

    > Cassiopée : c'est tout moi, ça, en effet... (merci)

  • je ne sais pas. je parlerais si j'y arrive

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