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influenceurs

  • Du temps où l'on bloguait (2) - le temps de l'influence

    Ainsi donc j'ai promis (à moi, surtout) d'écrire chaque post au fil du clavier - autant dire qu'il ne faudra pas s'étonner si on digresse dès le deuxième épisode.
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    blog influent, histoire des blogs... Mais avant de parler des blogueuses littéraires, il faudrait se souvenir de ce qu'était la "blogosphère" de ces années 2006-2008. Ce n'était plus tout à fait nouveau mais l'effervescence était encore là. On avait commencé à se rencontrer, des amitiés se nouaient pour de vrai, on se retrouvait au café et on terminait parfois nus dans un lit, on montait des blogs collectifs ou d'autres éphémères, des cathartiques anonymes avaient été démasqués, des vedettes émergeaient et cristallisaient les conversations.

    Le petit monde foisonnant, en un mot, commençait à se structurer. C'était inévitable, bien sûr - non pas tant qu'il soit dans la nature des choses de s'ordonner d'elles-mêmes (vous avez quatre heures), mais parce qu'il était dans la nature de quelques-uns de vouloir façonner le monde à leur image.
    Ils étaient une poignée, autoproclamés "influenceurs" et qui finirent par le devenir à force de crier plus fort. Certains étaient là depuis le début, d'autres avaient flairé l'opportunité, et tous nourrissaient des rêves de Christophe Colomb : le cyberespace regorgeait de terres inexplorées et ils brûlaient de planter leur petit drapeau dessus et de le cartographier - mais cela, il faudrait un livre pour le raconter (un roman dont Mry serait le héros ? chiche).

    Bref! Une fois le drapeau planté, le monde extérieur a commencé à s'intéresser de plus près au "phénomène". Les badauds journaux se demandaient avec curiosité qui étaient les blogs les plus influents parce qu'ils n'aiment rien tant, au fond, que les classements et les cases à cocher. Les entreprises, elles, se demandaient qui étaient les blogs les plus influents parce qu'elles avaient compris que derrière chaque clic se cachait un dollar. Et bien sûr les influents, les vrais, ceux qui pendant la ruée vers l'or auraient vendu des pelles en attendant que d'autres trouvent des filons, les entrepreneurs, donc, développaient déjà les outils qui viendraient monétiser le nouveau monde : alors déferlèrent les statistiques, les classements et classifications, la publicité, les affiliations, le sponsoring et les agences d'e-reputation.
    Ainsi va le monde, sans doute : à chaque époque, toute nouveauté finit par prendre forme dans une structure qui ressemble étrangement à la structure mentale des dominants du moment - ou plutôt de ceux qui, les dents aiguisées et le drapeau hissé, ont fait foi de prendre leur place.
    ... Bref, 2.

    Le petit monde de l'édition, jamais très en avance sur son temps, a découvert "les blogs" avec circonspection, hésitant à récupérer la tendance ou à la disqualifier, et finissant par faire les deux en même temps.
    On comprend les éditeurs : on commençait tout juste à parler de livres numériques, mais déjà sur les écrans on découvrait des écritures bien plus intéressantes que 98% des romans publiés, et des internautes de plus en plus nombreux se piquaient de critiquer des livres sans le moindre respect pour Saint-Germain-des-Prés.

    Il y eut donc des blogs publiés, avec succès pour certains (Ron l'Infirmier, le "Flic" de Bénédicte Desforges, les tribulations de caissière d'Anna Sam...), dans l'indifférence pour beaucoup d'autres (il faudrait se souvenir des concours bidons lancés par les éditeurs à l'époque) - et je ne parle pas bien sûr de Pénélope Bagieu ou Margaux Motin, qu'on mettra hors concours pour plein de raisons (notamment parce que je ne sais pas dessiner, na).

    Dans le même temps, les éditeurs se sont rendus compte que les blogs parlaient aussi de livres - que parfois, même, ils en parlaient bien, et que le bouche-à-oreilles allait encore plus vite sur la toile qu'à la ville.
    Parce qu'un blog qui vous parle d'un livre, c'est un peu comme les conseils d'un ami, sauf qu'un ami, quand il vous conseille un livre, ne vous en fait pas trente lignes argumentées, il vous dit "ça, c'est vraiment bien", ou "ça c'est pour toi", ou alors il vous le prête.

    Les éditeurs, donc, s'arrachaient les cheveux pour comprendre à qui ils devaient envoyer leurs livres pour démarrer un buzz. Ce n'était pas facile pour eux : c'est que la toile littéraire, par nature rétive au parfum si peu subtil de la mercatique, ne se laissait pas cartographier aussi facilement que, mettons, les blogs-de-mode. Il y eut tout un tas de tentatives, mais aucune qui fonctionnât.
    Et puis, en dehors de toute Influence, un petit groupe a commencé à se dégager. Elles parlaient de livres, beaucoup, et presque que de ça. Les éditeurs commencèrent à parler d'elles comme "les blogueuses littéraires", sans trop savoir qui elles étaient, ni comment les apprivoiser. Réussiraient-ils à les récupérer comme les marques de cosmétiques et de fringues avaient trouvé leurs égéries sponsorisées ?
    C'est ce que nous verrons au prochain épisode.

    ... A moins bien sûr que je ne fasse une pause pour vous parler de François Perrin. On a le temps, non ?

     

    PS - à propos de petit monde des livres, un souvenir me revient en mémoire. C'était au début de 2007, j'avais écrit cette note, là, sur les Falsificateurs d'Antoine Bello. Dans une émission de France Culture, Nelly Kapriélian (ou était-ce Jospeh Macé-Scaron ? Ma mémoire a des trous et le podcast a disparu) avait commencé son topo en citant, quasi in extenso, la chronique. Joie, fierté et sourire en coin. Parce qu'à l'époque (elle n'a pas changé), les critiques officiels regardaient plutôt léblogs avec condescendance en dénonçant leur amateurisme et leur manque d'appareil critique. (Ha ha. Faut-il rappeler qu'un an plus tard la presse comparerait Sacha Sperling à Françoise Sagan - salut à toi, appareil critique)
    Mais ce qui m'avait fait sourire, c'était surtout la façon dont NK (ou JMC) avait introduit sa citation : "l’auteur de ce blog chronique des livres qu’il reçoit... ou va recevoir"
    Eh non, Jospeh, non, Nelly ! Je ne recevais pas de livres, à l'époque. Je n'en reçois toujours pas, ou presque pas. Figurez-vous que je les achète en librairie, ou que des amis me les prêtent, qui eux-mêmes les ont achetés. Mais cela visiblement passait au-dessus des critiques dûment appareillés. Une preuve supplémentaire qu'ils n'avaient rien compris. Mais sur ce point, peut-être ont-ils grandi.