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  • Première carte postale

    medium_carte.jpegQuand j'étais petit, je partais en colonie.
    "Tu n'oublies pas de nous écrire, hein ? Au moins une carte postale, si tu n'as pas le temps."

    Je n'ai jamais envoyé de carte postale, je crois. Je ne voyais pas l'intérêt d'écrire si on n'a pas le temps. Mais ça, bien sûr, c'était avant. Avant que je comprenne que la carte postale était importante pour celui qui la reçoit, pas celui qui l'écrit. Avant que je comprenne qu'on pouvait envoyer une carte postale sans rien écrire dessus.
    Bref, avant que je ne reçoive des cartes postales...

    Alors aujourd'hui j'essaie de me rattraper...

    Chère XX, Cher XY,

    Ce week-end, j'étais loin de Paris avec mes amis, dans une très grande maison. La première nuit, c’était bizarre, on n’entendait même pas les voitures, alors forcément ça n’était pas facile pour dormir. Mais on s'y fait vite !
    On a beaucoup joué au foot, à la belote, au ping pong et à la cuisine. On a discuté et on a ri, on a même fait un peu de jardinage, et un très grand feu autour duquel on est restés toute la nuit. On ne pensait à rien, juste à regarder les flammes, mais on sentait bien qu'il se passait des choses à l'intérieur de nous, qu’on changeait et que c’était bien, au fond.

    Le lendemain, j’ai fini le livre de Tunström que m’avait prêté Lol V. Stein, et là encore c’était bon de se sentir vraiment proche de l’essentiel. Quand je l’ai fini, j’ai fermé les yeux pendant cinq minutes et j’ai pensé à moi, je me sentais fort, ensuite je suis allé faire une partie de pétanque, j’ai perdu mais j’étais content.

    Tout à l’heure, en rentrant, j’ai pris le métro. Avec le long voyage et la chaleur, je ne sentais pas très bon, en plus je n’étais pas rasé et j’avais un gros sac qui gênait un peu les gens. J’ai pensé qu’en temps normal je me serais fait tout petit en attendant d’arriver à ma station. Mais là je m’en foutais : j’avais mon livre à la main et mes souvenirs de week-end dans la tête, j’étais juste moi et le reste ne comptait pas du tout.

    J’espère que demain matin, avec mes coupures de rasage et mon beau costume sans cravate, je me dirai exactement pareil.

  • Carte postale de Charleroi

    medium_tncharleroi-1.jpegOn m’avait déjà prévenu plusieurs fois : cette étape à Charleroi était une hérésie. "C’est la ville la plus laide du monde", disaient-ils.
    La ville la plus laide du monde ! Il fallait absolument que je voie ça.

    Il faisait beau ce jour là sur les routes de France. Passé Valenciennes, le temps a commencé à se gâter. Puis vint Mons, et le premier panneau indiquant Charleroi. A ce moment précis, mon pare-brise a essuyé la première goutte.
    Depuis la nationale défoncée, on voit au loin de hautes collines vert de gris, qui pourraient sembler jolies à qui ne sait pas ce qu’est un terril. Et soudain un panneau jaune : nous sommes à Charleroi.
    A l’entrée de la ville, des faubourgs classiques – Lidl, Bricomarché et concessionnaires Toyota. Mais ensuite… Les habitations disparaissent peu à peu, quelques fumées se dégagent, puis c’est le Grand couloir, sur plus de 2 kilomètres. A gauche, de grands bâtiments industriels aux briques rouges et aux vitres brisées ; à droite, une ligne de chemin de fer surélevée cache mal une immense déchetterie. Et dans la voiture, une odeur de minerai. Sur ma droite, un signe a attiré mon regard, un grand « M ». Une station de métro, au milieu des usines? J’ai regardé son nom : "Providence". Et dire qu’on m’avait défié de trouver ici une quelconque poésie !
    Quelques hectomètres plus loin, au pied d’un grand terril, un rond point marquait l’entrée dans la ville elle-même.

    J’ai commencé par la Ville Haute. Au sommet de l’Avenue de France, la place Charles II s’efforce de faire mentir les contempteurs de la ville, avec ses façades Art nouveau et ses immenses jets d’eau pour fêter le retour du soleil. Un bon point. Autour de la place, plusieurs terrasses, vides. Seuls quatre hommes sirotent une Maes sous un parasol Coca Cola, près du beffroi. Un peu à l’écart, le Palais des Arts est à moitié caché par une fête foraine (fermée), et soudain je comprends ce qui me semblait bizarre depuis mon arrivée : dans les rues, je ne croise que des hommes. Il y en a de tous âges et de tous modèles, souvent en groupe, mais que des hommes. Etonnant...

    Je poursuis ma visite. Le centre piéton est agréable, maisons basses et rues pavées. Comme dans toute ville wallonne, rétorqueront les grincheux. Certes. Mais bien sûr, si vous ne trouvez pas de poésie à une rue dont la moitié des magasins vendent des chaussures à prix d’usine autour d’un marchand de glaces fondues, alors je ne peux rien pour vous.

    medium_tncharleroi-2.jpeg

    Lorsqu’au détour d’une ruelle une perspective s’ouvre sur la ville basse, ce sont encore les cheminées de brique que l’on voir au loin. Plutôt sympathique, finalement – l’impression d’avoir vraiment pris de la hauteur…
    Deux heures plus tard, je retrouve ma voiture. Un dernier détail me saute aux yeux : au bas du petit panneau qui indique « Avenue de France », une fine bande jaune : « TV-HiFi-Car Stéréo ». Il me manque vraiment un appareil photo.

    Un fleuve coule à Charleroi. Mais au cœur de la Ville Basse, la Sambre ressemble à un canal qui aurait été tiré là pour les besoins de l’industrie. Je poursuis néanmoins ma visite au milieu des vapeurs d’usine. J’ai un but, désormais. Je ne quitterai pas Charleroi avant d’avoir croisé une jolie fille. Mais où la trouver ? Je cherche dans les cafés, en vain. Puis finis par trouver un endroit prometteur : une Librairie.
    On dira ce qu’on veut de Charleroi, mais une ville qui possède une librairie si accueillante mérite le détour. [la librairie Molière, qu'on se le dise!] Pour sa cafétéria notamment, à l’étage, près du rayon Philosophie. Ayant pris un peu de hauteur, je vois enfin, dans les rayons, une jolie demoiselle aux jambes fines et au visage avenant. (et non l’inverse.) Je cours l’attendre à la sortie, mais quand elle ressort, elle fait des bulles avec son chewing gum avec deux petites frappes modèles local. Ils se dirigent vers le magasin suivant. Shoe Discount. Tout est redevenu normal.

    Il a bien fallu quitter Charleroi. Et c’est au moment précis où je sortais de la ville qu’il s’est remis à pleuvoir. Si ce n’est pas de l’accueil, ça !

    Mais l’averse a été courte, heureusement. Car après Charleroi, les routes sont belles et la Belgique se met à rire.