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Le Cercle n'était pas fermé

HAENEL%2520Yannick%2520COUV%2520Cercle.jpgDe loin, on ne voit à travers la foule qu'une veste et un visage un peu fatigués derrière une pile de livres.
En s'approchant, on ne voit plus que ces yeux bleus-verts, des yeux lumineux et vivants où l'on retrouve tout l'élan de liberté qui fait la force de ce Cercle.

Ensuite il y aura une conversation tout en retenue, deux lecteurs et un auteur, émotion pudique des deux côtés. Une petite dédicace, un au-revoir discret. De toute façon, il reste le livre.

A un moment, j’ai entendu une voix. Je me suis retourné. De l’autre côté de la rue, il y avait une statue : c’était Karl Marx - Karl Marx lui même. De loin, il ressemble à Zeus. Peut-être ça explique les paroles : un dieu c’est éternel, ça ne meurt pas, ça parle à travers le temps. Au fond, peut-être que Marx lui-même n’a jamais cessé de parler ; ce sont les vivants qui ont cessé de l’écouter.
(…)
A voix haute il a dit que lorsqu’une civilisation se démet de ses capacités symboliques, le calcul multiplie les siennes et rafle la mise. L’argent, dit Marx, occupe toutes les places ; rien n’occupe si rapidement une place laissée libre. Ainsi, le monde qui se défait de son grand récit est-il aussitôt livré à la mise à sac. Celle-ci devient permanente – elle s’installe. Quand plus rien ne s’écrit, c’est que le récit est entièrement remplacé. Alors, dit Marx, l’oubli a beaucoup d’avenir.
Ce que j’aime, chez lui, c’est qu’il ne s’indigne pas. L’indignation n’est souvent qu’un alibi au renoncement. Les grandes gueules croient ainsi donner le change. Mais une gueule, qu’elle soit petite ou grande, n’a rien à voir avec une tête.
(…)
Je me suis dit : ce soir, au téléphone, je dirai cela à Anna-Livia, je lui dirai pour les têtes magnifiques, pour le rhinocéros, et pour Karl Marx. Je lui citerai la phrase de Marx, je lui parlerai de la vie nouvelle.

Yannick Haenel, Cercle (pp. 360-361)

(Dédicace private : « La "vie nouvelle", je la vivais. La "vie nouvelle", une fois qu’on y est entré, on n’en sort plus jamais. Même si l’on traverse une mauvaise passe, personne ne peut vous en dépouiller. Car ce qui s’ouvre avec la "vie nouvelle" ressemble au savoir que vous offre l’illumination. Personne ne peut vous dépouiller d’une illumination. Si vous êtes illuminé, l’enfer ne peut rien contre vous - vous le traversez. »)

 

 

Commentaires

  • Poil à ton petit cul qui aime la fessée.
    (Eh oui, chose promise, chose due).

  • Poil à ma grande gueule présomptueuse qui a osé, à tort, penser que ton dernier commentaire n'était pas velu.

  • Ah ah, non mais c'est qui le patron ? Poil aux mamelons.

  • oui il reste
    le livre
    et nous
    et il y aura,
    la transmission, le prochain aussi à qui...

  • Cercle, un des rares livres paru en France et introuvable a Montréal que j'ai pu lire (grâce a un Parisien en mission a Montréal d'ailleurs).
    J'avais peur de tomber sur un livre sur-écrit, pensé pour plaire aux lecteurs les plus exigeants, j'avais peur de tomber sur un livre, froid, technique, sans élan et sans grâce et non, au contraire.
    Magnifique ce Cercle, un peu comme une claque littéraire, surprenant de trouver encore des livres comme ça.

  • Evidemment, à ne pas suivre l'actualité littéraire, sinon par hasard, on prend le risque de rater quelques beaux livres.
    Ton billet, l'encapsulation (ah, qu'il est moche ce mot, hein ?) d'un extrait percutant (je suis marxien un peu sur les bords) dans un moment intime extimement raconté ...

    Je note. Je note.
    Merci.

  • > Pina B : à suivre...

    > Génération : rien à ajouter - je suis passé par les mêmes doutes, et termine sur le même enthousiasme. Salutations aux jeunes danseuses de Montréal.

    > e-cedric : ... mais à ne pas suivre l'actualité on profite de l'écrémage de la critique, loin de bruit des buzz... (notez, notez! :)

  • Ce jour là dans la librairie j'ai ouvert un livre au hasard. C'est le titre qui m'avait attiré évidement. J'ai lu une page, n'importe laquelle, comme je le fais toujours dans ces cas là, sans lire le résumé de la dernière de couv, la page 31 ce jour là :

    "Une phrase vous soulève, puis une autre qui en appele encore une autre, et votre corps est si imprégné de phrases que vous ne pouvez plus faire un mouvement sans émettre une phrase, puis une autre qui en appelle encore une autre. Vous notez ce qui vient sur vos bouts de papier, et déjà les mots débordent, ils s'écoulent de partout entre vos doigts. La Seine vous regarde, étonnée. Les phrases détournent les fleuves, c'est pourquoi la Seine est inquiète. Elle s'amuse aussi : le débordement est la vraie joie d'un fleuve."

    J'ai saisi le livre, l'ai collé contre moi, et fébrile j'ai filé droit vers la caisse. Je me demande même si j'ai pas couru.

  • Le titre à moi faisait un peu peur...
    Mais la première phrase emportait déjà tout.
    (et l'auteur confirme de visu que ce Cercle ne saurait être vraiment fermé. ouf.)

  • et moi je suis platoniquement in love de l'auteur...

  • (hé hé. je me disais bien, ce pseudo... ;)

  • ne me dis pas que tu viens de découvrir ! ;-) non , tu me fais courir ....;-)

  • Non ! Mais avec sa coquille "Piana" m'avait plutôt emmené vers "piano", oubliant "Pina"... étonnant ;-)

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