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  • Le père du marié

    Il y a toujours un moment dans la soirée où on se retrouve près du buffet avec le père du marié. Qui commence ses phrases par « Moi, vous savez… » Et parfois, il se passe quelque chose.

    C’est l’histoire d’un ado de quinze ans qui pour dire merde à son père plonge dans le rock. Après il y a les groupes, les squatts, les concerts, les conneries – tout ce qu’on peut faire pour exister face à un père entrepreneur et imposante figure locale, j’imagine.
    Sauf que la passion survit à l’adolescence et qu’il reste le groupe, et les concerts, bientôt des disques – en anglais of course.
    Puis la trentaine arrive et avec elle des textes plus adultes, on n’écrit plus contre le père mais on glisse, en français, une chanson sur le père…
    Un jour enfin (mais ce n’est un début), on se marie. La fête est intime, on sort les guitares et on joue acoustique les vieilles compos, on reprend Christophe comme Lou Reed, le temps passe et il passe bien.

    Le père est là, dans un coin de la pièce il écoute, je le regarde. Visage impassible.
    Quand on fait un break pour une nouvelle tournée de champagne, on se retrouve près de lui.
    - C’est drôle, hein, je ne les avais jamais entendus.
    - Même pas les disques ?
    - Même pas les disques, non. Pourquoi ?
    Moment de flottement. Je me dis qu’il ment, mais après tout pourquoi pas. D’ailleurs la musique il s’en fout, il veut nous parler d’autre chose.
    - C’est beau, cette amitié qu’on sent, ce soir. Ce groupe qui joue ensemble. Moi, vous savez… Quand j’étais dans le métier je connaissais beaucoup de monde, on se voyait souvent, on trinquait mais par dessous on se demandait surtout comment on allait baiser l’autre avant qu’il ne nous baise.
    - Des relations, en somme.
    - C’est ça. Quand j’ai pris ma retraite, pfuitt, plus personne, ou presque. Et pas d’amis. Alors que là, cette bande…

    Il a le regard un peu dans le vague, c’est un peu trop fort pour être une mondanité, là encore on se demande s’il n’y a pas de bluff, au fond c’est un storyteller à sa façon, le fils sait de qui tenir…
    - Et je vais vous dire : je regrette un peu.

    Je me demande s’il a déjà dit ça à son fils, c’est un peu trop fort pour ne pas vite resservir une coupe.
    Puis il raconte une blague et la soirée repart.

  • Une bonne cuite au G8

    "Mon député" Pascal F. pourra toujours se consoler dimanche soir en buvant un coup de rosé (ou plusieurs) avec sa colistière dans un gobelet en plastique pour fêter son score (allez je prends les paris : 0,17% des voix, ça me semble raisonnable).

    Il n'aura qu'à regarder ces images, gentiment diffusées par la télé belge : le démarrage de la première conférence de presse de Sarkozy au G8.

    Vous noterez la force du son - dans l'imagerie officielle de nos politiques telle qu'on la trouve sur nos écrans de téléachat, on n'entend jamais leur respiration...
    A part ça, les images se passent de commentaire. Une bonne cuite au G8, ça ne se commente pas, ça se déguste.
    Santé !

    (... et une pensée pour "Le dernier amour du Président", roman politique et alcoolisé de Kourkov - l'auteur du "Pingouin") 

  • Pascal F, mon député K par K

    5000bf50e636b4ef9a8cff9ec8fb54ea.gifAprès le phoning de mardi, j’attendais avec impatience le mailing… Je n’ai pas été déçu.
    Vingt professions de foi – vingt candidats de conviction pour sauver la planète et notre quartier avec, combattre le chômage et la dette, pour la paix dans le monde, contre le racisme… Miss France n’aurait pas dit mieux.

    J’attendais particulièrement celle de mon ami Pascal F, mon député qui veut défendre mes idées. Je me demandais comment il ferait le grand écart entre le rôle national d’un député (ah, la jolie photo du candidat sur fond de Palais Bourbon !) et ses convictions d’animateur de Fête des voisins.
    La réponse vient dès la cinquième phrase : "mon objectif est de proposer des lois concrètes pour faire bouger les choses très rapidement dans votre quartier." Et juste après, le clou : "au cas par cas, une solution adaptée à chacun d’entre vous."
    Le cas par cas, nous y voilà ! La belle solution à tous les problèmes ! Je vais vite écrire à mon député Pascal F. Mais où lui écrire, vous demandez-vous ? Eh bien, c’est simple : Pascal F. propose en effet "la création d’un grand BLOG (espace d’échanges et de suggestions populaires) que l’on baptiserait blog civique." Simple, non ? Et mon député de conclure par ces mots émouvants : "Notre jeunesse, c’est la France de demain*."

    Amusant ! Toi aussi, recycle le programme des candidats à la Présidentielle et présente-toi aux Législatives pour épater tes voisins.

    Attention cela dit, tout n’est pas encore gagné pour Pascal F., car la concurrence est rude chez les candidats351889e2131991846963dfb93458aeea.jpg indépendants…
    - Lucien C, par exemple : "soyons unis dans le respect de chacun, car le respect est la base de la vie commune et le ciment de notre société, et sans le respect nous ne pouvons construire une famille car l’arrondissement doit être un miroir du bien vivre ensemble*."
    (*question : peut-on être poursuivi pour diffamation juste en citant quelqu'un ?)
    - Arezki D., surtout, qui se présente comme le candidat de la rupture (sic) "pour une France unie et nouvelle" et qui conclut (en gras) : "pour les électeurs qui aspirent à un vrai changement la candidature d’Arezki D. est la seule possible !"
    - … sans oublier Jacques D., gaulliste et républicain qui s’engage à "apporter sa contribution au relèvement de notre pays"… ou enfin la candidate UMP qui s’affiche en photo avec Lilian Thuram (je suis sûr qu’il appréciera).

    Vive la République, vive la France.

    c’est vraiment trop nul, pdf, de taper sur les belles idées comme un gros blasé.
    - oui mais j'y peux rien, ça me démange.

    A suivre dimanche, bien sûr...

     

  • Phoning participatif

    632d0460f0c8df6966af926b0256e34b.jpgElle a appelé à l’heure des téléchieurs.
    - Bonjour, je suis bien au domicile de Monsieur… ?
    Normalement j’aurais déjà raccroché, mais quelque chose dans la voix détonnait.
    - Je vous appelle de la part de Pascal F., votre candidat qui défend vos idées dans l'arrondissement…
    - Mes idées ? Génial ! Lesquelles ?
    Légère hésitation due à l’interruption, je sens mon interlocutrice qui saute une ligne sur son papier, une respiration puis le disque reprend, version 78 tours.
    - Eh bien, c’est justement l’objet de mon appel. Pascal F. habite l’arrondissement depuis très longtemps et il connaît très bien les quest…
    Pour que je redevienne humaine, tapez sur 74#33.

    Elle a le professionnalisme d’une militante associative et le charisme d’une télévendeuse ; c’est dommage, il aurait fallu juste l’inverse pour que la discussion soit amusante. Alors je tente la colle, à tout hasard.
    - Mais au fait, quelle est votre étiquette ?
    - Heu… vous voulez dire, la hausse des prix ?
    - Le parti…
    - Eh bien, il n’y a pas de parti. Pascal F. est un citoyen comme vous qui… (je vous fais grâce de l’argumentaire, dénué d’arguments) … C’est pourquoi, Monsieur, je me permets de vous demander quels sont les problèmes qui vous semblent importants, dans l’arrondissement ?

    Là, c’est à mon tour d’être collé. Scotché, plutôt. Je croyais qu’on voulait me vendre un sous-produit, arrive un sondage. Monsieur le candidat vient me demander ce que j’ai envie d’entendre. C’est beau, la démocratie participative, mais à une semaine de l’élection, c’est surtout prendre les gens pour des cons. J’esquive.
    - Je viens d’arriver, vous savez ?
    - Mais il y a bien…
    - Bon, je vais vous dire. Le gros problème, ici, c’est qu’il y a vingt candidats, et que du coup, on s’en fout.

    Je me replace en défense, prêt à parer une longue tirade sur la démocratie ouverte et le droit de chacun de bla bla, elle doit bien avoir ça à la page 4 de son conducteur, la pauvre femme… Mais non, elle reprend sa voix de machine chevrotante.
    - Eh bien, merci Monsieur d’avoir répondu à nos questions.
    Et boum, elle raccroche, en route vers un nouvel électeur à convaincre.

    C’est aussi cela la démocratie participative.

    On rigole, on rigole... Mais pendant 5 ans, vous verrez, on va en bouffer comme jamais, du sondage et du pseudo-participatif. A échelle industrielle.
    Allez, au débotté, je vous propose une stratégie en 4 temps :
    1. Je matraque un sujet X, parce qu’il m'arrange ou qu’il arrange mes amis
    2. Je fais un sondage, gentiment relayé par TF1 et Metro (et les autres). Et là, surprise : le sujet X arrive en tête des préoccupations.
    3. Je sors de mon chapeau mon projet de loi sur le sujet
    4. « Selon un nouveau sondage OpinionWay, les Français trouvent que le gouvernement s’attaque vraiment aux problèmes. » (et maintenant, la page Régions...)

    Combien de temps vont-ils allons-nous tenir comme ça ?
    A suivre…

  • De noir et de rose(s)

    615d1da95e614fd3854d71f7a9bdca78.jpg… et après quelques semaines enfermées dans mon for intérieur, je suis enfin sorti voir la vie, un peu au hasard.

    La première étincelle jaillit sous terre, assise face à moi, à quelques mètres.
    Une robe d’été légère mais son visage s’accorde mieux avec ce blouson en cuir noir qu’elle porte clouté, sans doute en toute saison. Sur le revers, un pin’s rond, tout rose, avec une inscription majuscule. Une militante d’un nouveau genre ? Je fronce les sourcils, je regarde mieux, je lis : "Au régime".
    En vain j’essaie d’imaginer ce qui peut se passer dans la tête d’une punkette coquette au moment où elle décide d’arborer ce pin’s… Je n’en saurai pas plus, le Palais Royal approche et j’y ai rendez-vous avec elle qui fut Elle.

    Ensuite c’est le soleil, un banc, des roses, des mains, et sous les mains des yeux qui se ferment pour entendre commencer l’été dans toutes les langues.
    Quand je rouvre les yeux, ils sont prêts à voir le monde autrement. Et le monde est complice : voici qu’au loin je repère un homme en habit noir. Parapluie dans une main, éventail dans l’autre, il avance très lentement dans les allées du jardin. Le temps de le détailler et ils sont déjà une dizaine à ses côtés, aussi noirs, aussi lents. Ils poussent la porte de notre square. Silencieusement une femme s’approche. A un mètre de moi elle lève lentement un long tube noir, qu’elle place près de mon oreille. Un court silence nous place hors du temps, puis un souffle, puis une voix, douce.
    Mignonne, allons voir si la rose...

    Dans le petit square le temps s’est arrêté. Un jeune ado à casquette s’approche des costumes noirs mais ils restent muets – qu’est-ce qu’ils font ? demande-t-il à tout le monde. Quand je lui dis, en souriant, il ne me croit pas.
    Les poètes s’en vont maintenant sans un mot, lentement, consciencieusement absurdes ils savent qu’ils viennent de remettre de la vie dans le square. A une vieille dame toute fraîche sur le banc voisin ils ont laissé une carte. Je me renseigne.

    Les souffleurs – commandos poétiques.

    Alors elle qui fut Elle me raconte un jeu de piste, celui qu’un soupirant a inventé pour obtenir ses faveurs. Dans l’histoire il y a des messages codés, des fleurs, des chansons, des complices…
    Au début j’ai cru que c’était toi, dit-elle, et je prends conscience qu’il y a bien longtemps que. Mais je ris, surtout, parce que j’ai senti à l’intérieur la machine se remettre en marche.
    Il est temps de saluer la petite dame toute fraîche et de profiter d'aujourd'hui en parlant de demain.

    Laisser le monde dominer encore une semaine, puis redevenir romanesque.
    L’été ne fait que commencer