Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • De la légèreté et des auteurs poids lourds

    … Et le moment vint de retourner à des livres plus légers – du moins, en apparence.
    J'en aurai deux pour vous, là comme ça. Un réaliste, un fantastique. A voir selon l'humeur du moment, si vous avez plutôt envie de réenchanter le quotidien avec Arnaud Dudek, ou de le sublimer avec Martin Page.

    9782221144947.JPGMartin Page – Je suis un dragon
    Dans son
    Manuel d'écriture et de survie, en septembre dernier, Martin Page dressait un magnifique éloge de la littérature pour enfants – celle qu'on lit, celle qu'on écrit. Lui-même a écrit plusieurs histoires pour enfants et pour adolescents, sous son nom ou sous celui de Pit Agarmen. Aujourd'hui, il réalise la synthèse parfaite : de la littérature pour grands enfants, en quelque sorte. Tout ce que j'aime.
    En un mot ? Margot, une ado timide, se découvre des superpouvoirs. Des pouvoirs qui lui font peur et qu'elle cache, jusqu'à ce qu'un soir elle soit obligée de s'en servir – et qu'une fois repérés ils soient rapidement
    mis à profit par les gouvernements français et américains. Une joint-venture, en quelque sorte. C'est une histoire de super-héroïne qui se met alors en place, mais une super-héroïne de quinze ans qui a envie de choisir ses missions et de laisser tomber son costume de Dragon-girl pour tomber amoureuse, par exemple. Une histoire de libération, donc, une sorte de parabole des talents version 2015, en mode clever-pop (moi aussi j'ai droit d'inventer des néologismes à la con). Réussi, en somme.
    Je me souviens qu'en septembre, dans son Manuel, le même Martin Page écrivait : Si nous le désirons, le monde est à nous. J'ai assez envie de le prendre au mot. Et oui, j'ai envie d'écrire plus d'histoire pour enfants, et oui je m'en vais tester l'écriture sous pseudo. Je crois que j'aimerais bien être Martin Page.

    Couverture_20-_20Une_20plage_20au_20po_CC_82le_20Nord0.jpg?v=1plpxo1e20wkjwy0Arnaud Dudek – Une plage au pôle Nord
    Arnaud Dudek est l'un des rares auteurs que j'ai suivi dans leur progression, depuis ses nouvelles jusqu'aux romans. J'avoue que les nouvelles avaient fini par me lasser, comme des exercices de style tout entiers tournées vers une chute qui semblait comme un twist imposé. Mais en passant à la forme longue, il avait retrouvé du souffle. Le premier m'avait agréablement surpris, le deuxième avait confirmé... Et le troisième poursuit la voie engagée. L'histoire est à la fois minimale (160 pages) et à la hauteur de vies entières (une veuve septuagénaire et un jeune père divorcé qui se réinventent ensemble), avec toute la finesse des nouvelles et toute la force du roman : on y prend le temps de découvrir les personnages, on s'offre l'ellipse et le mystère, on varie les points de vue, les effets, les angles. Et plus que jamais, Dudek s'amuse, non pas avec ses personnages (c'est un auteur sérieux) mais avec les codes, s'autorisant de mini-cliffhangers comme autant de clins d’œil au lecteur. "Un écrivain narquois", dit le dossier de presse d'Alma. C'est bien trouvé. Je crois que j'aimerais bien être un écrivain narquois.

    ... En attendant, je m'en vais voir si l'herbe est plus verte là où il pleut le plus. Dans mon sac, j'emporte quelques écrivains-voyageurs, et Eric Reinhardt. J'ai promis de le lire sans a priori, on pourra vérifier s'il est moins léger que Page ou Dudek. Peut-être méritait-il tout le foin qui fut fait autour de lui à la rentrée. Peut-être n'est-il que lourd. On verra bien.

  • Le Pont sur la Drina

    514pMJUSKML._SY344_BO1,204,203,200_.jpg… Et donc, voici quelques semaines, en l'an un avant CH, j'avais rouvert Le Pont sur la Drina.
    Je m'étais étonné de ne me souvenir de rien, dix ans après l'avoir entamé une première fois. J'avais voulu me rassurer en me disant que l'essentiel des livres finit toujours par pénétrer le cerveau, que c'était cette somme un peu nébuleuse des livres qu'on lit qui fait non pas la culture (celle qu'on étale), mais la sagesse. Trois cents pages et un point final plus loin, j'espère bien que cette intuition est juste. Parce que quand même, quel livre.

    Le Pont sur la Drina, c'est la chronique de la petite ville de Visegrad, à la frontière entre Bosnie et Serbie. Une ville où en 1506 les Ottomans construisirent un pont pour faciliter le passage entre les deux parties de leur Empire qui s'étendait jusqu'en Hongrie. Une chronique sans héros sinon le pont lui-même, écrite en tableaux successifs et pourtant tout en continuité, sans le moindre bout de ficelle qui dépasse (tu écris ? viens ici prendre une leçon, petit). Parce que ce qui compte pour Andric, ce n'est pas la mécanique romanesque, mais la mécanique humaine. Andric se moque des héros. Il s'intéresse à cette majorité, silencieuse ou braillarde, qui ne demande qu'à vivre tranquillement, à jouer, à aimer ou à s'enrichir en paix, mais que toujours un maître vient soumettre au nom de la grandeur d'un empereur ou de la machinerie d'une administration. Et donc, autour du pont, c'est une histoire de révoltes, de frontières que l'on dresse et que l'on défait, de Turcs puis d'Autrichiens puis de miliciens serbes.
    Le Pont sur la Drina, c'est l'homme tel qu'il est dans le flot de l'Histoire – celui qui résiste et s'adapte aux changements de régimes, aux progrès techniques, aux données politiques, celui qui change et reste le même. Le roman d'un grand sage, avec l'immense sagesse de savoir que les hommes sont déraisonnables – mais pas toujours.

    Bref ! Brisons-là. Je ne me leurre pas, j'imagine bien que personne ne se précipitera en librairie pour acheter ce livre (6,60€ en poche). Mais toi qui lis ces lignes, un jour, je te le dis, tu tomberas sur ce livre – peut-être quand sortira le film de Kusturica, tiens (hum). Ce jour là tu auras oublié qui t'en avait parlé et ce qu'on t'en avait dit, mais sans trop savoir pourquoi cette fois tu l'ouvriras. Et ce jour-là, je te le promets, le monde ira un tout petit peu mieux.
    Hop.

    ---

    "… Et le lendemain, au lever du jour, musulmans et Serbes vaquaient à leurs affaires, offraient les uns aux autres des visages éteints et inexpressifs, se saluaient et discutaient en échangeant la centaine de mots, indispensables à la politesse de rigueur, qui circulaient depuis toujours dans la ville, passant de l'un à l'autre comme de la fausse monnaie, rendant malgré tout les échanges possibles et plus faciles."

    ---

    "L'année 1908 arriva et avec elle une grande inquiétude, une menace sournoise qui ne cessa plus désormais de peser sur la ville. En réalité, cela avait commencé bien plus tôt, avec la construction du chemin de fer et les premières années du siècle nouveau. En même temps que les prix montaient et que le papier-monnaie, les dividendes et l'argent faisaient des bonds ou s'écroulaient dans une ronde infernale et incompréhensibles (...) on s'était mis à parler de politique."

    ---

    "Les plus vieux regrettaient le "doux silence" qui était considéré, à l'époque turque, comme le but ultime à atteindre (…) et qui régnait encore dans les premières décennies de l'occupation autrichienne. Mais ils étaient peu nombreux. Tous les autres aspiraient à une vie bruyante, excitante et agitée. Ils voulaient une vie intense ou du oins l'écho de celle que d'autres menaient, en tout cas la diversité, le vacarme et la fièvre qui donnaient l'illusion d'une vie intense. Et cela changeait non seulement l'état des esprits, mais aussi l'aspect extérieur de la ville."

  • Entre toutes les femmes... Erwan Larher

    Difficile, une semaine après ça, de recommander un livre. Un grand classique, peut-être, qui engloberait toute la sagesse du monde. Un contemporain, peut-être – mais alors un livre qui parlerait de politique. Du politique, parce qu'on en a besoin. De politique, aussi, avec son mélange d'idéalisme et de réalisme.
    Parce que sans idéalisme, on ne fait que se soumettre. Et sans réalisme, l'idéaliste a tôt fait de baisser les bras. Parce que la politique est un combat – pour imposer ses idées dans un agenda, pour forcer des décisions, pour oser questionner la réalité et changer les choses.
    Un livre politique, donc ? A écouter la radio avant, on aurait cru qu'il n'y avait que Michel H. Evacuons : je suis fan de Houellebecq, son intuition d'un peuple soumis me semble assez bien vue, hélas, mais au vu des pages incroyablement faibles que j'ai pu lire, je crains qu'il n'ait surtout cherché à choquer les lecteurs de l'Obs. J'espère me tromper.
    Quoi qu'il en soit, pour l'heure, j'ai moins envie de lire Soumission que de réfléchir à l'insoumission, avec Erwan Larher.

    9782259222570.GIFLe livre s'appelle Entre toutes les femmes.
    L'histoire : à quelques siècles d'ici, un groupuscule s'applique à faire vivre le culte d'un certain Arsène Nimale, qui aurait pris le pouvoir en France aux environs de notre époque avec un programme plutôt fou : repenser tout pour rechercher l'intérêt commun sans se soucier des positions acquises des élites, avec l'empathie pour arme principale, et une fausse naïveté pour questionner nos idées toutes faites à force de "Pourquoi ?"
    Oui, il y a de l'idéalisme, là-dedans. Tant mieux. Qu'on nous donne des gens qui se demandent si, pas des gens qui pensent que !
    On pourrait lire le livre rien que pour ça. Mais il ne s'en contente pas, loin de là. Il parle aussi comme peu savent le faire de la politique, la vraie, avec toute la difficulté crasse du quotidien, les divisions internes du camp nimalien, et le clan des cyniques qui a toujours la force avec lui.

    Entre toutes les femmes est l'histoire d'une tentative de révolte. Sans héroïsme hormis celui du quotidien, mais avec une héroïne : Cybèle, la Voix qui endort les masses avec de belles histoires et qui se trouve confrontée à la foi nimalienne. Cybèle qui comprend, qui s'informe, qui hésite. Et puis Cybèle qui agit, Cybèle qu'on manipule, Cybèle qui va plus loin, et d'autres qui entrent dans la danse... Mais je n'en dis pas plus, sinon que le fond est là, à la fois intelligent et galvanisant. Et qu'il est servi par une efficacité romanesque impeccable, qui en fait non pas un roman à thèse (pitié!) mais un roman avant tout qui délivre ses messages en passant, au choix pour le lecteur de prendre ou non, et d'entrer dans l'arène une fois le livre refermé.

    On trouvera bien ici ou là quelques exagérations qu'on pardonne volontiers à l'auteur (rien qui ne soit du niveau de Bayrou 1er ministre, par exemple). On y trouvera aussi, en plein dans l'uchronie, de la foi, un brin de soumission, un zeste de Huysmans et du sexe, comme chez Michel. Mais entre les pipes un peu tristes des personnages de Houellebecq et la baise frénétique des militants de Larher, franchement, je n'hésite pas.

  • Que lire après Charlie ?

    andric, larher, charlie, pourquoi le romanHier, ce parfum [choisis ici ton adjectif] de retour à la normale. C'est dans la nature des choses. Et pour beaucoup, cette question aux contours encre un peu flous : et après ?
    Après, il y a les résolutions qu'on peut prendre, là maintenant, alors que le corps est encore chaud et garde toutes les traces, sans quoi elles finiront aux oubliettes et tout ça n'aura servi à rien.
    Et puis il y a la vie qui a repris, déjà, avec ses questions quotidiennes encore marquées par la semaine passée – par exemple : que lire après ça ?

    Parce que nous sommes probablement beaucoup, à avoir eu un roman en cours mercredi dernier, et à ne pas avoir avancé depuis.
    Pour ma part, je lisais Le pont sur la Drina, d'Ivo Andric. J'avais entamé une première fois le livre après être allé à Belgrade, en 2002. J'en avais lu cent pages, puis j'avais oublié le livre dans un café et ne l'avais jamais retrouvé. Jamais racheté, non plus, jusqu'à ce que C. (merci éternel) ne me l'offre à Noël.
    C'était étrange, de reprendre ce livre, plus de dix ans après. Hormis une scène de pal douloureusement réaliste, je ne me souvenais de rien. Absolument rien, alors même qu'Andric est un conteur génial, avec un style limpide, le recul historique et la connaissance des hommes – le genre de livre qui vous fait penser que le prix Nobel (qu'Andric a eu en 61) sert vraiment à quelque chose.
    Bref ! Je lisais, donc, j'admirais, et en même temps je m'interrogeais. N'avais-je rien compris au livre, il y a dix ans, pour m'en souvenir si peu ? Et puis cette autre question plus générale : à quoi peut bien servir un roman si l'on ne s'en souvient pas ?
    J'ai voulu me rassurer en me disant qu'il reste toujours quelque chose des grands livres qu'on lit. Que l'histoire peut s'effacer de notre mémoire consciente mais que tout ce qui nous a frappé sur le moment reste là, quelque part, dans un coin oublié du cerveau, que tout ce qu'on lit nourrit notre intelligence du monde, et des autres...

    Puis on a attaqué Charlie Hebdo, tué une policière, assassiné des juifs et vandalisé des mosquées, je n'ai plus pensé à tout ça et aujourd'hui, alors que je lis sur facebook reprendre les débats stériles et les procès d'intention (la suite de la Société du spectacle, au fond, qui intègre désormais les spectateurs dans les gradins d'où ils peuvent (nous pouvons) hurler, huer et applaudir), aujourd'hui ça me revient soudain.
    Je sais de nouveau pourquoi je lis des romans. Et je crois même me rappeler à quoi ils servent.

    Le roman nous aide à voir le réel qui se cache derrière les postures et les simulacres - le réel tel qu'il est : compliqué, imparfait, parfois pathétique et parfois merveilleux, presque toujours contradictoire, à la fois branquignole et froidement efficace comme les frères Kouachi. Le roman nous apprend à comprendre l'autre, à se mettre à sa place, à intégrer son point de vue. Je ne dis pas que les romans font la tolérance, mais ils la nourrissent. Je ne dis pas non plus que les livres seraient la seule réponse. On connaît de grands lecteurs bornés comme des routes nationales, tout comme il existe des bourreaux mélomanes. Les livres sont des gouttes d'eau dans l'océan, mais ils rendent tout de même le monde un peu meilleur.

    Alors oui, se remettre à lire après cette semaine. Délaisser l'écran pour un fauteuil, un café, le métro. Des romans, n'importe lesquels. A en écrire aussi, le temps de retrouver l'envie – même si là, tout suite, si tu me demandes, je préférerais être nu dans un lit avec toi.

    … Et donc bientôt, pour toutes ces raisons et en attendant de finir Andric, je vous parlerais bien d'Entre toutes les femmes, d'Erwan Larher, histoire de revenir au cours de ce blog.
    Je rassemble mes idées et je reviens.
    ..

     * NB – si j'osais je dirais qu'il en va de même sur le plan politique. Si Hollande n'annonce pas dans les jours qui viennent (au-delà des mesures bricolées à la hâte) des orientations, des vraies, basées sur la fraternité et pas seulement sur la peur, eh bien on n'aura que la rhétorique guerrière et la réponse policière, on bricolera comme on sait faire sur l'éducation et la justice et on fera semblant d'avoir un Grand Débat national pour savoir s'il faut travailler six ou douze dimanche par an. Mais ne désespérons pas encore complètement.

  • Nation

    … Et jeudi avait été belle, tout en fraternité discrète. Dans la tension des prises d'otage, vendredi nous avait ramenés à notre condition de spectateurs et l'optimisme de mercredi faisait place à une vague nausée.

    569212_928138-FranceCrowd6.jpgCe dimanche, d'ailleurs, la matinée avait commencé derrière l'écran à voir se déliter les réseaux sociaux dans de bien tristes débats. Etions-nous Charlie ou pas ? Avions-nous envie ou non de défiler avec Orban et Netanyahou ?

    Et puis on s'est dit qu'on irait sans se poser de question, juste pour les noyer sous le nombre, faire corps. Et la foule était sage parce que parfois, vraiment, c'est le peuple le plus sage.

    11-1.

     

  • République

    img-4676.jpgJe n'avais pas envie d'aller place de la République. Je crois que j'avais un peu peur de ce que j'y entendrais, de m'énerver alors qu'il n'y avait qu'à, laïquement, communier.

    Finalement je m'y suis retrouvé – merci E. et F. de m'y avoir entraîné. Juste être là, faire nombre, et partager. Le choc. Ce que ça remuait en nous. Ce que ça nous inspirait. Et la suite, alors, et l'avenir ? Même s'il était encore trop tôt.

    Et pour une fois je me retrouvais dans le rôle de l'optimiste. C'est que, Répu ou pas, on l'a senti ce sursaut, en nous et chez les autres, ce truc collectif dans la façon dont entre nous on parlait de l'événement, sur la toile ou en se prenant dans les bras. Le sarcasme n'avait plus de place, personne ne jouait plus à qui ferait le meilleur mot sur l'événement, cette fois c'était collectif, ça nous dépassait et on avait seulement envie de partager. Dans un café, un seul type a essayé de faire des phrases, on l'a vite envoyé chier. Gentiment.

    Sur l'attentat lui-même, pas de mot, ils sont tous là dans la rue, on se les passe comme ça, pour parler, pour être ensemble.
    Sur le sursaut, j'en ai quelques-uns. Un espoir, un peu fou mais réel. L'espoir que cet élan collectif nous marque comme nous marque l'attentat.
    Parce qu'on l'a tous senti, que tout ça allait plus loin qu'un symbole et douze morts.
    Qu'on avait fini de rire, en gros, qu'on n'avait vraiment plus le droit de faire les malins et que ça durerait plus que les trois jours de deuil. Eh bien tant mieux. Que le sarcasme reste où il est, profondément enterré, et qu'on revienne au premier degré, à l'essentiel : la joie, le partage, l'attention à l'autre une fois l'émotion retombée. Qu'on revienne à la politique, aussi, en s'appuyant sur le choc d'aujourd'hui pour poser les vraies questions, bannir les postures et les petites phrases, être sérieux pour avoir le droit de redevenir joyeux.

    Sur facebook, juste après la nouvelle, un ami a ressorti cette phrase du premier ministre norvégien après le massacre d'Utoya : "Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance".
    Puisse-t-il être entendu. Soyons fous, on a le droit d'espérer des actes, et pas seulement policiers. Parce que nous les aurons, les mesures policières, dans les mois qui viennent nous accepterons collectivement des mesures que nous aurions honnies voilà dix ans. Mais on a le droit d'espérer que dans l'onde de choc puissent passer d'autres actes – allez, au hasard et divaguons, le réinvestissement des banlieues, une vraie taxe sur les transactions financières, une Constituante... Bref. Espérons, et faisons en sorte que ça puisse arriver. Que les lobbies se taisent un instant comme s'est tue l'ironie, qu'on se dispute sur des choses qui en valent la peine, en ayant conscience qu'on a quand même bien de la chance de pouvoir s'engueuler.

    Voilà, il y avait un peu de ça, ce soir, place de la République et autour. La dernière fois que j'avais trouvé la place dans cet état, c'était le 21 avril 2002. On sait comme ça avait fait long feu.
    Mais là...

    Dans le métro un jeune type, afghan ou pakistanais, qui avait pris un exemplaire de 20 Minutes par terre et qui essayait de le lire en se concentrant, parce que c'était ça sa vie, ici et maintenant, essayer de parler le français et de le lire.
    J'ai passé cinq minutes en face de lui, je me rendais à quel point ils nous ont tous pollués, les discours haineux et statistiques sur l'immigration. Ce jeune gars était du côté de la vie, de l'espoir, mettons-nous de son côté, chacun et ensemble. Ça ne m'arrive pas souvent mais aujourd'hui j'ai envie de parier sur le meilleur. Mais il faut commencer tout de suite, alors, et ne pas s'arrêter.
    Fini de rire, commençons autre chose.
    Salut.

  • Paulina 1880

    Jouve-Paulina_1880-Folio_1974-Photo_Film-493.jpegPaulina est jeune. Paulina est belle. Paulina est intelligente, c'est la fille chérie d'une riche famille, oui mais voilà : Paulina vit en Italie au XIXe siècle, et les jeunes filles appartiennent d'abord à leur père, à leurs frères, et à ce Dieu que Paulina prie plusieurs heures par jour.
    Mais un été surviennent les premiers émois, et arrive dans la maison familiale le conte Cantarini. Il est marié (à une femme malade), il tombe amoureux, elle aussi. Rendez-vous secrets, désir et découvertes, culpabilité, Dieu, le sexe, la société, la vie.

    Paulina croissait en violence et en esprit souterrain. A treize ans elle avait sa vie intérieure. Pour prier Dieu elle s'agenouillait ou même elle se couchait entièrement, à demi nue, sur le pavement froid en hiver dans la chambre nord. Le vent qui passait sur son jeune corps l'épouvantait et l'exaltait au plus haut point, elle imaginait alors tout ce qu'elle devait donner au Seigneur et désirait trouver en elle des souffrances plus pures, okus belles, plus atroces qu'il serait doux de lui offrir.

    Evidemment, Paulina 1880 n'a rien d'une romance. C'est un grand roman. De ceux qui vont jusqu'au bout des sentiments et des sens, souvent à la limite (elle est ténue) entre le génie et le ridicule, et toujours du bon côté. Du genre dont on admire la précision et le style, seulement pour se rendre compte que le style n'est que la manifestation de l'intelligence de l'auteur, une intelligence qu'on imagine nourrie par les années, toute la sagesse de l'expérience...
    … Avant de se rendre compte, en tombant sur la bio de l'auteur, qu'il avait tout juste notre âge quand il a publié ce livre. (soupir)

    A quatre-vingt-huit ans de distance, toute mon admiration, M. Jouve.
    Et merci à toi, Paulina 2015.

    Marine Riguet, j'écris ton nom ^

  • ... à la récré.

    Alors qu'il semblerait bien que cette année 2015 soit la dixième où l'on blogue par ici, la maison s'engage à ne prendre strictement aucune résolution.

    Mais derrière son comptoir, avec sa barbe et quelques notes à venir bien cachées sous l'évier, le tenancier vous transmets ses vœux les plus réels, et vous souhaite, entre autres, quelques belles surprises et un zeste de romanesque.

    A bientôt

    113901252.jpg