… Et le moment vint de retourner à des livres plus légers – du moins, en apparence.
J'en aurai deux pour vous, là comme ça. Un réaliste, un fantastique. A voir selon l'humeur du moment, si vous avez plutôt envie de réenchanter le quotidien avec Arnaud Dudek, ou de le sublimer avec Martin Page.
Martin Page – Je suis un dragon
Dans son Manuel d'écriture et de survie, en septembre dernier, Martin Page dressait un magnifique éloge de la littérature pour enfants – celle qu'on lit, celle qu'on écrit. Lui-même a écrit plusieurs histoires pour enfants et pour adolescents, sous son nom ou sous celui de Pit Agarmen. Aujourd'hui, il réalise la synthèse parfaite : de la littérature pour grands enfants, en quelque sorte. Tout ce que j'aime.
En un mot ? Margot, une ado timide, se découvre des superpouvoirs. Des pouvoirs qui lui font peur et qu'elle cache, jusqu'à ce qu'un soir elle soit obligée de s'en servir – et qu'une fois repérés ils soient rapidement mis à profit par les gouvernements français et américains. Une joint-venture, en quelque sorte. C'est une histoire de super-héroïne qui se met alors en place, mais une super-héroïne de quinze ans qui a envie de choisir ses missions et de laisser tomber son costume de Dragon-girl pour tomber amoureuse, par exemple. Une histoire de libération, donc, une sorte de parabole des talents version 2015, en mode clever-pop (moi aussi j'ai droit d'inventer des néologismes à la con). Réussi, en somme.
Je me souviens qu'en septembre, dans son Manuel, le même Martin Page écrivait : Si nous le désirons, le monde est à nous. J'ai assez envie de le prendre au mot. Et oui, j'ai envie d'écrire plus d'histoire pour enfants, et oui je m'en vais tester l'écriture sous pseudo. Je crois que j'aimerais bien être Martin Page.
Arnaud Dudek – Une plage au pôle Nord
Arnaud Dudek est l'un des rares auteurs que j'ai suivi dans leur progression, depuis ses nouvelles jusqu'aux romans. J'avoue que les nouvelles avaient fini par me lasser, comme des exercices de style tout entiers tournées vers une chute qui semblait comme un twist imposé. Mais en passant à la forme longue, il avait retrouvé du souffle. Le premier m'avait agréablement surpris, le deuxième avait confirmé... Et le troisième poursuit la voie engagée. L'histoire est à la fois minimale (160 pages) et à la hauteur de vies entières (une veuve septuagénaire et un jeune père divorcé qui se réinventent ensemble), avec toute la finesse des nouvelles et toute la force du roman : on y prend le temps de découvrir les personnages, on s'offre l'ellipse et le mystère, on varie les points de vue, les effets, les angles. Et plus que jamais, Dudek s'amuse, non pas avec ses personnages (c'est un auteur sérieux) mais avec les codes, s'autorisant de mini-cliffhangers comme autant de clins d’œil au lecteur. "Un écrivain narquois", dit le dossier de presse d'Alma. C'est bien trouvé. Je crois que j'aimerais bien être un écrivain narquois.
... En attendant, je m'en vais voir si l'herbe est plus verte là où il pleut le plus. Dans mon sac, j'emporte quelques écrivains-voyageurs, et Eric Reinhardt. J'ai promis de le lire sans a priori, on pourra vérifier s'il est moins léger que Page ou Dudek. Peut-être méritait-il tout le foin qui fut fait autour de lui à la rentrée. Peut-être n'est-il que lourd. On verra bien.