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Du plaisir de faire mentir ses préjugés (Sara Gran, La Ville des brumes)

saran gran, la ville des bumes, le masqueIl y a quelques années, du temps où les éditeurs m'envoyaient encore des livres pour que je les chronique, j'avais détesté, mais alors détesté, le 1er polar/thriller de Sara Gran.
C'était une histoire bien foutue mais mécanique, avec des embryons de personnages à peine collés sur des ressorts dramatiques visibles à l'oeil nu. Un scénario avec poutres apparentes, si j'ose dire – expression qui s'appliquait à pas mal de titres que les éditions Sonatine m'envoyaient en promettant invariablement un chef d’œuvre absolu.

Et puis l'an dernier, au hasard des allées du Salon du livre, je suis tombé sur une jeune éditrice, que j'avais connue rue Fromentin et à qui Le métro est un sport collectif doit beaucoup. Elle venait de reprendre le célèbre Masque avec une complice chez Lattès – la collection dans laquelle j'ai lu tous les Agatha Christie entre 12 et 14 ans -, me parle de quelques livres dont elle est fière, et me cite en premier... Sara Gran.
« Je te promets, ça n'a rien à voir avec le premier », assurait-elle.

Il m'aura fallu 6 mois pour me décider à relever le défi... Mais donc, enfin, j'ai entamé le livre avec la légendaire objectivité dont je suis capable, prêt à l'abandonner à chaque page... Mais après le premier chapitre, je suis passé au deuxième, puis au troisième... Vous voyez le topo.

Je ne vous raconte pas l'histoire (disons, une privée qui enquête sur la mort d'un ex. et qui se trouve obligée de remuer un passé longtemps resté dans un tiroir – le détail est là, si tu veux).
"La
Ville des brumes" n'a effectivement rien à voir avec les débuts scolaires de l'auteur. C'est que tout s'est épaissi, sauf le style : le mystère, les personnages, le regard de la narratrice sur le monde. C'est un de ces polars où l'enquête n'a que peu d'importance, où tout le sel est dans les personnages – ici l'héroïne désormais récurrente de Gran, Claire Dewitt, et les fantômes de son adolescence new-yorkaise, entre découverte des plaisirs interdits et frissons d'apprentie-détective.

... Allez, presque au hasard, cet extrait que je retrouve d'une rencontre tendue dans les toilettes d'un bar de New-York, période flash-back :

Ce qui s'était passé entre Georgia et moi ne datait pas d'hier, pourtant ce n'était pas réglé. Il y avait un garçon, certes, mais les amitiés ne se brisent jamais à cause des garçons. On n'attendait rien d'eux. Les garçons n'étaient que d'innocents spectateurs dans les guerres des filles.

Voilà – il y a de ces paragraphes un peu partout, et ces personnages secondaires vraiment réussis (la palme à la relation entre Claire et son jeune assistant qui a tout à apprendre) qui finissent par largement excuser les quelques bouts de poutres apparentes qui surgissent ça et là dans le récit au gré des rails de coke que l'héroïne s'enfile comme certains auteurs enfilent les clichés.

… Et je ne spoilerai certes pas la fin – disons seulement que j'y reviendrai.

Bien joué, Violaine.

 

 

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