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  • Le métro reste un sport collectif

    Gare de l'est, ligne 5, début d'après-midi. En direction de Bobigny, le trafic est interrompu en raison d'un accident grave de voyageur. L'histoire doit être récente, on sent flotter le désordre et dans l'autre sens aucun train n'est annoncé. Le quai se remplit, on attend.
    Arrive un type depuis le couloir de correspondances. Il grogne et titube. Pas saoul, je ne crois pas. Disons qu'il n'a manifestement pas toute sa raison. Il s'approche du quai, s'éloigne, lance pour lui-même des phrases incompréhensibles. Les regards se détournent.

    Le train débouche du tunnel et le gars de nouveau s'avance. Je fais un pas, en alerte. Il y a quelques années, je n'y aurais pas pensé. Mais Charlie, mais Germanwings, et Vitry, et la cour des miracles qui grossit. Le gars n'irait pas pousser quelqu'un sur les voies mais un accident grave est si vite arrivé.
    … Mais il s'arrête sagement au bord du quai, comme presque tout le monde presque toujours. Il se trouve peu de monde pour monter par la même porte que lui. Un temps d'arrêt, la rame bien pleine, le métro repart. Le type est debout non loin de moi. Il se penche vers un couple de retraités assis.
    - Incident de voyageur, ça veut dire qu'il y a eu une attaque d'ours !
    Il a parlé fort, il cherche le contact, pas méchant.
    Qu'aurais-bien pu répondre s'il m'avait interpellé, moi ? Rien, sans doute. Je ne saurai pas.
    Le retraité, lui, a levé la tête.
    - Ah oui, dit-il, mais ça dépend si c'est un ours blanc ou un ours brun, ce n'est pas pareil !
    - Très juste, Monsieur, un ours blanc, c'est un incident grave !

    La conversation continuera, absurde, jusqu'à Oberkampf. Le type s'en va, salue, le monde va un peu mieux.
    Merci Monsieur.

  • Du vrai avec des mots

    déchargeurs, un obus dans le coeur, mouawad, bacquetVu Un obus dans le coeur, de Wajdi Mouawad, hier aux Déchargeurs. Avec le très bon Grégori Bacquet seul en scène, tout en incarnation et changements de rythme. Le genre de pièce qu'on recommande, autant que le roman dont elle est tirée, Visage retrouvé, mais à vrai dire les deux se renforcent l'un l'autre.

    Visage retrouvé, c'est l'un des premiers livres que j'ai lus après les événements de 9782742788446.jpgjanvier, sans raison particulière sinon qu'il était là, mais au moment de le finir j'avais perdu le goût de parler de livres. Allez savoir. Mais j'aurais dû, au moins quelques lignes.
    Parce que Wajdi Mouawad est l'un de ces auteurs qui, dans un univers où règne le second degré permanent (qui peu à peu se laisse grignoter par un militantisme radical aussi peu réjouissant) - un de ces auteurs, donc, qui affronte sans biais ni préjugés les thèmes les plus profonds : la vie et la mort, la guerre et la mère, l'enfance et l'âge adulte. Ce que c'est qu'être un homme, au masculin ou au féminin.

    Pendant une des rares pauses du spectacle, je me suis demandé ce que je trouvais de si fort chez Moawad, dans ses livres et surtout dans ses pièces. Ce qui fait que ses mots accrochent, alors que chez tant d'autres ils ne font que glisser.
    Et puis j'ai trouvé ça : Mouawad fait du vrai avec des mots, et pas des mots avec du vrai.
    Ça a l'air de rien, mais ça change tout.

    Oh, et dis-donc : on me glisse dans l'oreille que Un obus dans le cœur se jouera aux Déchargeurs tous les lundis de juin. De rien.

  • Un dimanche au Salon du livre

    salon du livre, 2015, auteurs, harlequin, gallimard, intervallesCe n'est pas que je boycotte, mais je n'étais pas à l'Inauguration du salon, jeudi soir. Je n'étais pas non plus à la manifestation des auteurs du samedi, et c'était encore moins du boycott, mais voilà, je chargeais des moulins à vent au pays de don Quichotte, à rêver de châteaux en Espagne qui auraient trois pièces dans le quartier de Lavapies.

    Et puis dimanche, à la descente d'avion ou presque, je suis allé porte de Versailles, pour saluer des amis, pour découvrir des nouvelles choses, humer l'air du temps.
    Bref, pour voir.
    Et j'ai vu, donc : les yeux brillants de l'éditeur d'Intervalles parlant de Terzani, le feu sacré dans la voix d'une éditrice de FLE, une jeune auteure qui rayonne sur son stand avant de bientôt rayonner dans le monde, une autre qui vient de commencer un nouveau roman, et des idées qui s'échangeaient, et des sourires bonhommes. J'ai vu aussi les mines renfrognés d'éditeurs inméconnus relégués au fond du salon et qui mangeaient seuls un maigre sandwich en jurant sans doute qu'on ne les y reprendrait plus. Figures classiques.

    Mais si je devais retenir trois images symboliques de 2015, ce serait celle-ci :
    - la (longue) queue pour les dédicaces Harlequin qui finit par empiéter sur le stand Gallimard
    - le petit Eric Zemmour traversant le salon comme la vie, sans regarder autour, entouré de ses gardes du corps et des perches des télés
    - ... et puis cette éditrice littéraire dans une maison de comptables, consolant ses auteurs tandis que, sur le même stand, plus de cent personnes faisant la queue pour faire signer le livre d'Ingrid Chauvin.
    Moulins à vent, moulins à vent...

    Ah, et il y avait cela, aussi : une appli smartphone pour scanner ta bibliothèque et rencontrer des lecteurs/lectrices de Laclos ou Koestler, et plus si affinités. Booxup n'est pour l'instant disponible que sur iphone ; en attendant, si tu es android, je t'embrasse.