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  • A la recherche de l’Idée géniale

    Il est des films ou des livres dont le point de départ est une idée si simple et si géniale qu’on aurait rêvé de l’avoir eue nous-mêmes.
    Au cinéma (je pense notamment au Truman show et Bienvenue à Ed TV qui préfiguraient la télé-réalité), ces films sont souvent décevants au final – comme si, tout heureux de leur trouvaille, les scénaristes s’étaient contentés de tirer vaguement quelques fils pour boucler en vitesse.
    Et en littérature… J’ai beau me creuser la cervelle amollie par la fièvre, je ne trouve pas d’exemple. Il faudrait aller chercher du côté de la SF, peut-être, mais ma culture est limitée. Je ne trouve pas d’exemples, sauf un, récent : Les actifs corporels, de Bernard Mourad.

    baead8a0d52f75f7ffc7a5eee60dbc36.jpgL’idée de départ est simplissime : imaginons que demain les personnes physiques aient le droit de se coter en bourse. Voilà, juste ça. Suivons ensuite les traces d’Alex Guyot, premier homme à se constituer en Société-Personne.
    Des premiers rendez-vous en banque d’affaires pour déterminer un "noyau dur" d'actionnaires (question cruciale : quelle part de la société donner à la mère d’Alexandre ?) aux tentatives d’OPA par une collègue jalouse, l’auteur tire habilement tous les fils de son histoire sans jamais en faire trop. Sobre, inventif, efficace.

    J’y repense souvent, à ce livre. D’abord parce que je me souviens de l’histoire dans son entier (pas si fréquent). Ensuite parce je sais que c’est précieux, une idée de roman, une vraie. Pour ma part je n’en ai pas eu une seule depuis que j’ai commencé Hors jeu, heureusement que j’en avais en stock.
    Et depuis quelques semaines, une nouvelle raison d’y songer : Les actifs corporels vient de sortir en poche.
    Prenez cette info comme un délit d’initié.

  • Interpellation

    Dans le bruit de fond de propagande qui nous entoure, la sagesse a souvent du mal à se faire entendre.
    Mais les paroles sages sont endurantes, elles ne perdent pas de leur force dès qu’apparaît un nouveau jeu ou un bout de pain tendance, elles prennent du recul pour mieux nous sauter au visage.

    Cette interview a été réalisée en 2005 – mais ne serait-ce l’évocation, vers la fin, d’un ancien ministre de l’intérieur appelé depuis à d’autres fonctions, on jurerait qu’elle date d’hier.

    Qu’y trouve-t-on dans cette interview ? Un ancien officier de police qui raconte, tranquillement, la politique de chiffre (celle qui rend plus "rentable" de traquer les sans-papiers ou les fumeurs de shit), les "chasseurs" des BAC ou les rapports police-justice (ah, hier soir, Rachida Dati à Cardiff, au garde-à-vous derrière son président...).
    Et en filigrane, le portrait d’un système inhumain où les petits soldats du quotidien prennent la relève des citoyens et chassent la statistique au nom du résultat et du toujours plus.

    Pas de "dénonciation" ici, juste des faits – du concret non-anecdotique. Et ça fait du bien.
    Parce que les oppositions médiatiques à coups de petites phrases et de grandes envolées me scient les nerfs tant elles sont contre-productives (répétera-t-on jamais assez que l’anti-sarkozysme est aussi con qu’en son temps l’anti-lepénisme ?).
    Et parce qu’aujourd’hui pour dénoncer il suffit souvent simplement de décrire.

  • Liberté d'entreprendre

    b4c81fc4201bd5ab2fd871c7d24fadf5.jpgTss, tss !
    Je croyais que c’était le code des petits dealers à la manque, mais apparemment c’est une sorte de code universel, quand on n’a pas les mots il reste la langue, pour siffler entre ses dents.
    Tss, tss, Mademoiselle !
    Evidemment, les filles ne se retournent pas. Souvent elles se crispent, pressent le pas.
    Tss, tss, Mademoiselle, siouplaît !
    C’est la version urbaine du marketing téléphonique – ça ne marche qu’une fois sur cent, alors faut compenser par du volume. On ne sait jamais, d
    es fois qu’il y en ait une qui. (il doit bien circuler des légendes parmi ces pauvres types – ou alors le marketing télé-faux-nique les films porno suffisent)
    Tss, tss, Mademoiselle, t’es belle !
    Parfois, il y a un effort louable – parfois même la demoiselle se retourne, mais jamais longtemps ; au mieux le type a le temps de demander du feu. Pour la flamme, il peut toujours se brosser.
    Tss tss !
    Il y a aussi ce double claquement de langue, comme un beauf appelle son chien.
    ClcClc !
    Souvent il y a des baffes qui se perdent.
    La liberté d’entreprendre a ses limites.

    C’est peut-être une idée, je me disais, pour les professeurs de français : montrer aux gars qu’apprendre des mots, des vrais, ça peut être utile pour draguer les nanas.

    --------- (Edit, vend. soir)

    Cela dit, les mots ne sont pas tout.

    C’était la semaine dernière, ligne 4.
    Le terminus approche, le wagon se vide. A côté de moi une jeune femme triture nonchalamment son baladeur mp3. Face à nous, deux jeunes gars qui partagent la même couleur de peau mais pas celle du regard : l’un est éteint, obtus, l’autre brille intense, vivant.
    Depuis quelques instants il lorgne de plus en plus ostensiblement vers ma voisine. Elle a relevé la tête plusieurs fois, il n’a pas baissé les yeux. Des ondes s’échangent dans la rame mais je n’ai pas la bonne fréquence. Puis le gars fait un signe de la tête, un petit signe sec et sûr de lui, et je sens bien que la scène bascule. Mais alors que je commençais à peine à capter, l’émission s’interrompt soudain. Des ondes interfèrent, un portable sonne – c’est celui du mec. Il répond. Avec mes codes étriqués, ce serait la fin de l'histoire, mais...
    Bientôt le conducteur annonce le terminus. Je me lève, la fille aussi mais je la sens qui hésite. Elle ose un regard vers le type, sans quitter son portable il lui fait un nouveau signe de tête, puis se tourne vers son pote lieutenant… Puis tout va très vite : l'autre se lève, salue la fille maladroitement et lui prend son numéro de portable. Echange de sourires gênés, elle donne son prénom, regarde une dernière fois le type au portable et s’enfuit dans les escaliers.
    Quelques instants plus tard le type raccroche, l'autre lui livre ses infos, il note. Je n’ai toujours pas entendu sa voix mais la suite de l’histoire lui appartient.

    C’est bien ce qu'on me disait : les vrais caïds restent muets.

  • Mulholland Drive

    (Note pour un-jour-qui-sait...)

    Pour un téléfilm, prendre des stéréotypes 

    Pour un film de consommation courante, créer des personnages 

    Pour un film d'art et essai, introduire des symboles

    Pour un chef d'oeuvre, travailler ces symboles comme des personnages.