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  • Lui, Elle, eux, nous

    Adam raised a Cain avait parfaitement lancé l’affaire. Spirit in the night suivait déjà mais l'esprit a parfois des voies impénétrables. Une forêt de gens qui vous séparent de la scène, par exemple. Pour l’heure ce n’était que Lui et eux, entre deux têtes on les voyait communier sur l’écran géant, là-devant, vivant pleinement le concert quand nous n’étions que spectateurs.
    Mais Candy’s room. Mais No surrender.
    Puis une descente, inévitable. Une série de requests, She’s the one mais non bien sûr, Springsteen en roue libre et la soupe inaudible du E Street Band. Et devant nous ces épaules immobiles qui ne méritaient que des gradins.
    Alors qu’à cela ne tienne, puisqu’ils étaient trop loin ce serait Elle et moi.
    Le ciel était déjà bas quand il a envoyé le Band se reposer. Un moment de silence, il s’est assis au piano et. For you, ce bijou. Alors nos yeux se sont fermés, nos bras aussi, But you did not need my urgency, et cette larme qu'elle laisse tomber sur ma langue as I caressed your cheek.
    Quand le groupe est revenu pour enchaîner sur The River, miracle, la nuit était tombée et maintenant c’était Lui et Nous, enfin, le Parc s’était fait public, un nouveau concert pouvait commencer pour tout emporter. Désormais il reste cette larme au goût de Plus jamais et Pour toujours enlacés, et une bande-son à l'intérieur qui joue encore tandis que d’autres films commencent.


  • Le culte des vainqueurs

    Allez, on va commencer par un sondage :

    Qu’est-ce qu’un vainqueur qui triche ?
    a) un tricheur
    b) un vainqueur

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    "Je ne veux pas jouer au vieux con, mais j'ai l'impression qu'avant 1998, on venait à ce métier parce qu'on l'aimait et parce qu'on aimait le sport. Depuis 1998 et 2000, on peut y venir parce qu'on aime les gagnants. Il y a eu une génération de suiveurs qui n'avait pas de regard critique..."
    (Vincent Duluc, L'Affaire Jacquet)

    Bon. Les trois mots suivants, c’est "... sur le football". Vincent Duluc parle de l’affaire Jacquet et du journalisme sportif en général. Mais au fond, on pourrait l’appliquer aussi bien à la politique ou au marketing-spectacle.
    Est-ce un effet retard des années 80 ? Est-ce la victoire définitive du Chiffre ? Le glissement a été imperceptible, mais le fait est là : hormis quelques exceptions folkloriques (le Petit Poucet de la Coupe de France), le discours dominant ne célèbre plus que les vainqueurs.
    Et bien sûr, je ne parle pas ici de sport. Toute notre "actu" (TM) est aujourd’hui structurée autour d’une seule question : qui va gagner ? (avec des variantes, bien sûr : qui va vendre le plus ? qui va monter dans les sondages ?)

    L'actu d’aujourd’hui est dominée par le journalisme sportif : on commente les combats de l’arène et on donne les scores. Ensuite, on peut toujours se payer une petite batterie de cons sultans pour commenter les stratégies des uns et des autres. Que ce soit chez Estelle Denis ou chez Yves Calvi, finalement, c’est un peu pareil – on fabrique l’histoire en direct comme un grand jeu de pronostics.

    Et on joue avec l’arbitre toujours à la limite de la règle.
    Dans tous les milieux on trouve des connards qui plongent dans la surface pour obtenir un penalty. Aujourd’hui, comme des footeux professionnels, on leur dit "bien joué" quand l’arbitre tombe dans le panneau. On peut aussi leur dire merde.

    (And now, something completely different)

  • Inventer

    C'était le grand débat du soir - Pour ou contre les petites allumeuses ?
    Et je me rendais bien compte que la seule vraie question était de retrouver la flamme.

    Qu'on me donne l'envie, etc.

    Merci Lib. 

  • Des aveugles et une claque

    sarramago.jpgLa semaine dernière, j’ai pris une claque. Littéraire. Ce n’est pas si fréquent.
    En réalité, il y a plusieurs types de claques.
    Parfois, c’est un style nouveau qui jaillit et qui gifle – Les lois de l’attraction d’Ellis, le premier Houellebecq peut-être, le début de Sourires de loup de Zadie Smith, et même (oui, j’ose) le prologue du Hell de Lolita Pille.
    Parfois c’est le contenu qui file une bonne baffe (Une femme à Berlin, récemment).
    Et puis, il y a des claques qui viennent en douceur. Souvent des livres dans lesquels on n’a pas eu envie d’entrer tout de suite, et qu’on commence un jour, sans trop savoir pourquoi, jusqu’à ce que. Ces dernières années, ça m’avait fait le coup avec Mc Liam Wilson (Eureka Steet) et Murakami (Au sud de la frontière…). J’y étais entré lentement, comme on met un orteil dans la piscine pour jauger la température, et quelques pages plus loin, sans avoir rien vu venir, j’étais déjà plongé dedans.

    Et donc, Saramago.
    Depuis longtemps je les voyais, ces livres épais, sur la bibliothèque d’un ami au goût sûr. Plusieurs fois j’avais retourné le livre pour regarder distraitement la 4e de couverture, puis j’ouvrais le livre un peu au hasard – et je le refermais vite, découragé par cette écriture serrée et ces pages sans respiration. Que peut bien renfermer un livre de 400 pages qui ne passe jamais à la ligne ? C’était une sorte de mystère, une question que je laissais de côté pour plus tard.

    Jusqu’à ce que les échos de Cannes me parlent d’un film tiré de L’Aveuglement. Il y avait donc peut-être une histoire, dans ces 400 pages. Alors j’ai repris le livre, je l’ai ouvert… Et dès la première page, j’ai vu. Qu’il se passait des choses. Qu’il s’en passerait encore. Que les mots étaient simples, mais les phrases profondes et non l’inverse. Qu’une mise en page sans respiration pouvait cacher un texte plein de souffle. D’ailleurs, si Saramago ne va pas à la ligne, c’est que la ligne va à Saramago ses dialogues sont entourés de simples virgules. Des dialogues courts, donc, qui vivent et font vivre, et où tout est dit en quelques mots.

    Et l’histoire ? Ah oui, pardon. C’est simple. Page 1, un homme devient aveugle. Page 10, c’est déjà l’épidémie. Les premiers aveugles sont mis en quarantaine, mais parmi eux, une femme a menti pour suivre son mari. Elle voit – et avec elle nous suivons l’installation des aveugles dans leur prison, une sorte de western en huis-clos, où toute la vie est à réinventer, où les grandes espérances côtoient la merde quotidienne – la merde au sens propre, je veux dire : celle qui pue et devient vite, avec celle de la nourriture, une question centrale.
    Et voilà.

    Je pourrais développer mais non, il me suffira de dire que Saramago m’a coûté quelques nuits courtes et que je ne lui en veux pas. Parce que j’avais envie depuis longtemps de retrouver des grands livres, de ceux qui vous redonnent le goût des classiques.
    Des livres qui sortent de l’ordinaire de nos imaginations formatées.
    Des livres qui disent Nous plutôt que Je.
    Des livres qui vous donnent une claque… et une furieuse envie de tendre l’autre joue.

    A vous de voir.

  • L'enlèvement des Saabines

    71897778.jpg?v=1&g=SRM&s=1C’est une nouvelle qu’on construirait comme un tableau.

    Ce qu’on verrait d’abord, c’est le grand calme d’une belle matinée de printemps : l’éclat du soleil dans un ciel sans nuages, les arbres couverts de feuilles frémissant sous une légère brise – on entendrait presque les oiseaux gazouiller.
    Traversant le tableau, on suivrait une large rue bordant un stade, au bord on verrait peut-être une partie de football, le spectateur y devinerait un simple jeu de grands enfants, il serait attendri.
    Ce n’est qu’incidemment que l’œil verrait qu’il y a des voitures le long de la rue – des véhicules immobiles, sagement garés, comme un élément de décor. Aucune automobile n’oserait rouler sur cette avenue si calme. Aucune, vraiment, sauf ce putain de véhicule de fourrière et ce connard en chasuble fluo enlevant la voiture de l’un des joueurs de foot, garée sur une place marquée Autocars alors qu’il n’y a pas un bus à dix bornes à la ronde.

    (Ce serait une histoire vraie, bien sûr.)

    « Merci pour le service public ! » j’ai dit en passant. Je n’ai pas pu m’empêcher. Je me souviens qu’un jour, dans un sous-sol du XIVe, une surconnasse derrière sa vitre blindée m’avait fait la leçon, Ah mais ce n’est pas un service public, Monsieur, c’est une entreprise privée, et qu’il avait fallu tout mon surmoi pour l’empêcher de tout casser – ou plutôt non, de choper son patron et de lui faire mal, très mal. C’est étonnant, comme la fourrière encourage les pulsions meurtrières. Même quand c’est juste la voiture d’un copain. Mais là…
    - Ben, si vous avez un meilleur boulot, je prends, hein.
    La sincérité de ce pauvre gars tout seul m’a désarmé. (ils étaient deux avant, non ?)

    Mais son patron, putain, si je le chope…

    Allez hop, respirons un bon coup pour voir le monde en peinture.

  • Et donc

    Et donc, on ne va quand même pas raconter nos vies ici, après tout trois semaines sans blog c’est un peu comme trois semaines avec*, sauf que dans le rétro on trouve un plus d'images.

    Dans ces trois semaines, donc pêle-mêle il y a eu…
    - quelques jolies découvertes (l’album de Rokia Traoré, Alister aux Disquaires, et d’autres bien sûr dont on se souviendra le moment venu)
    - un concert mystère dans un appartement inconnu, et cette jeune inconnue qui ne le restera sans doute pas longtemps après l’été (merchi pour Chat, m’sieur Mandor)
    - une soirée de vacances en semaine, comme il en est certains jours de grâce où les contraintes s’effacent de l’intérieur
    - des heures passées pour d’autres, et avec le sourire
    - des heures perdues pour soi
    - de la mollesse, quelques étincelles et de jolies minutes
    - une belle claque littéraire avec Saramago, enfin.

    Et ce soir, inventer demain.

    Nous verrons bien.

    * Attention, phrase historique