Septembre 2000. Je suis à New-York, la campagne présidentielle est bien lancée entre George Bush et Al Gore.
Dans les journaux, les scribouillards US commentent le budget de campagne et les stratégies de com des deux candidats et abreuvent le lecteur de statistiques (Al Gore va descendre en bateau le Mississipi, c’est la première fois qu’un candidat démocrate fait ça depuis 1956, analysons les conséquences possibles sur le vote noir, le vote des femmes et le vote juif). Et des sondages, bien sûr. Parfois, dans un coin, un encadré sur les programmes, mais pas toujours. L’élection vue en direct du bureau des tacticiens.
Tous les matins, j’ai l’impression de lire L’Equipe meublant ses pages foot avant une finale de Coupe du monde. Et je me dis qu’en France on est quand même loin de ça. (ha ha)
France, avril 2007. « Cette campagne passionne les Français », dit un type sur TéléCoca à l’heure de l’infomesse.
Attention : ce type est un représentant de commerce déguisé en sondeur. Il est là pour vendre sa soupe. Et la base, pour intéresser les gens à un spectacle moyen, c’est de leur dire que c’est passionnant. D’ailleurs le journaliste opine – oh oui alors, quel suspense, même qu’il y a du monde dans les meetings.
Ça, c’est vrai. Mais s’il y a du monde dans les meetings, c’est peut-être parce que sur l’écran la politique a disparu.
Du commentaire de sondage, du suivi de petite phrase (ça on connaissait), c’est quand même plus facile. Ce n’est plus L’Equipe, c’est la Ligue 1 sur Canal+.
Le journaliste commente l’action en direct (oh là là, boulette de Royal, contre de Bayrou, hors-jeu de Sarkozy non signalé par l’arbitre), avec à ses côtés l’inusable politologue en consultant technique. (Parce qu’un sondage, ça peut se commenter longtemps entre deux pubs).
Ce matin, France Inter, revue de presse. L’éditorialiste Machin se plaint de la trop grande place prise par les sondages dans cette campagne.
Ah oui ? Alors je vais te donner une idée, gars : au lieu de commenter les sondages le lundi et d’écrire le mardi que les sondages ça suffit, tu peux faire ça : le lundi tu réfléchis, tu vas au café ou au ciné, et le mardi tu nous écris un truc qui fait avancer le débat, avec de vrais morceaux d’idées dedans. Comme ici, par exemple. Merci.
Donc non, la campagne n’a pas été passionnante. A la limite, elle n’a pas été.
Et sur les terrasses des cafés, ces derniers jours, autour de moi les gens ne commentaient pas les sondages, mais se demandaient vraiment pour qui ils allaient voter.
Ils auraient mérité une campagne, nous n’avons eu un feuilleton moyen.
PS 1 – « pour un bon spectacle, il faut de bons joueurs », explique un dirigeant de Canal + à propos de la Ligue 1 de foot.
C’est valable aussi pour cette élection.
En foot je ne suis pas sûr, mais en politique assurément, vivement qu’on se dissolve dans l’Europe.